Pieds nus sur les limaces…

« Pieds nus sur les limaces ».  Ne dites surtout pas « oh! quelle horreur ! ». Parce que vous n’êtes pas, n’est-ce pas, une petite fille bien élevée, ou sage, qui a peur des petites bêtes ? Vous êtes des femmes libres ! Ou voulez le devenir, peut-être, si vous êtes ici.. Comme le personnage de Lily, dans le film de Fabienne Berthaud. Au départ, c’est elle, Lily, qu’on trouve folle, ou dérangée, que l’entourage, la société, veut canaliser, contrôler, après la mort de sa mère. C’est ce qu’espère faire sa soeur, Clara, mariée avec un avocat, qui veut la protéger, mais ne parvient jamais à la brider.

Car Lily est libre, elle vit dehors, à la campagne, elle marche pieds nus sur les limaces, elle récupère la peau des animaux morts pour fabriquer des pantoufles, elle ne respecte que les règles qu’elle choisit de respecter…et le miracle du film, c’est donc qu’elle emmène petit à petit sa soeur sur son chemin, que c’est elle qui l’extrait de sa vie, rangée, de son mariage sans intérêt, de la folie d’un monde sage et contrôlé par la « normalité »…

Film sur les frontières de la folie ou du regard de la société sur les femmes qui les rend trop facilement folle, on pense à Séraphine, mais surtout à Jane Campion et au cinéma australien, « Un ange à ma table », « Sweetie ». On pense aussi bien sûr au premier film de Fabienne Berthaud, « Frankie », avec Diane Kruger déjà, qui devenait folle de cotoyer le monde machiste du mannequinat, ou plutôt qui se sauvait de ce contrôle et de la violence du monde par un passage par la « folie » (au moins dans le regard des autres), seul chemin vers la liberté d’être soi-même.

Les actrices, la lumière du film, la nature en désordre contre le monde humain trop bien rangé mais oppressif, le mouvement, c’est comme un souffle qui traverse ce film, qui fait du bien, nous fait rêver, d’un autre monde possible…

S.G