La liberté de dire NON

Un des arguments qui me choquent le plus dans la défense des clients prostitueurs, c’est celui qui consiste à dire : en quoi est-ce différent de vendre « des services sexuels » (je mets des guillemets parce que pour moi c’est un terme qui cherche à normaliser la vente de son corps, concept plus difficilement acceptable que celui de service et qui vise à le mettre sur le même plan que n’importe quel service) que de vendre son cerveau ou ses bras ?

C’est simple. Les personnes prostituées sont avec celles qui ont subi la torture ou des crimes de guerre celles qui souffrent le plus de décorporalisation, de syndrome de stress post-traumatique permanent, et qui sont le plus exposées à l’autodestruction.

Les ouvrier-es qui travaillent 35 heures ne sont certes pas forcément dans une situation enviable. Mais à moins d’être victimes de harcèlement, ils ne se décorporalisent pas et ne sont pas dans une situation de stress post-traumatique. Les personnes qui vendent leurs capacités intellectuelles pour gagner leur vie ne subissent pas un viol à chaque fois qu’elles écrivent un rapport à leur patron.

Certaines personnes qui contestent l’abolitionnisme ne se disent pas pour la réglementation mais pour un « statut » de la personne prostituée. Je pense que n’importe quel membre de la société doit avoir un statut qui lui permette d’avoir accès aux droits sociaux. Et les personnes prostituées en premier lieu. En revanche, on ne peut pas donner un statut à cette pratique ni la reconnaître comme un travail. Ou alors, il faudrait mettre des règles de droit du travail. Vous imaginez les règles en matière de prostitution ?

35 heures ? Combien de passes par heure ? Quelle formation ? Toutes les pratiques sexuelles sont-elles autorisées ?

Le client pourra-t-il porter plainte si le service promis n’est pas ou mal rendu ? Pôle emploi obligera une personne à ne pas refuser plus de 2 offres de services sexuels ? Vous imaginez ce que cela veut dire en terme d’assignation des femmes à la fonction « servir à donner du plaisir aux hommes » ? Quand déjà, en 3ème, on oriente les femmes, et le plus souvent les migrantes ou d’origine immigrées, vers coiffeuse ou esthéticienne, on les orientera vers les services sexuels ? Parce que bien sûr, ce métier enviable, qui se retrouvera avec la « liberté » de le faire ? L’homme blanc de milieu favorisé ?

Bref, tout va à l’encontre de ce pseudo argument de la liberté de choix de se prostituer. Le choix, le consentement, ce n’est pas ça : c’est la liberté de dire NON. Non à un rapport sexuel, à n’importe quel moment, et quel que soit le contrat passé : mariage ou autre. Si je dis mariage, c’est parce qu’il a fallu des siècles pour que le droit de dire non dans le mariage soit enfin mis dans la loi et considéré comme circonstance aggravante au viol.

Alors si je me penche 5 minutes sur le délire de contractualiser le sexe, je vois qu’on pourrait y mettre : une femme a le droit d’interrompre un rapport sexuel si il y a violence ou si le client demande une chose qui n’est pas dans le contrat. Mais si elle veut dire NON, simplement parce que tout d’un coup, elle n’a plus envie, même si elle a dit oui avant, comme cela doit être le droit absolu de chacun-e, j’imagine mal ce qui pourrait se passer…

Or si nous voulons pouvoir enfin apprendre à nos filles, qu’elles ont une liberté absolue, c’est celle de dire NON, à tout moment, en toutes circonstances, à un rapport sexuel, nous ne pouvons accepter que l’on en fasse un métier.

Sandrine GOLDSCHMIDT

Agenda de printemps express

Un rapide mot pour signaler quelques événements à venir et à ne pas manquer…

en commençant par ce soir, la projection d' » Avant de franchir la ligne d’horizon d’Habiba Djanine au Nouveau Latina, dans le cadre des projections du Centre audiovisuel Simone de Beauvoir à 20 heures. C’est à Paris : “Dans ce film, j’ai été à la rencontre de militants et de militantes qui continuent d’agir. Les rencontrer, les surprendre dans leur espace de vie, de travail ou de lutte où ils inscrivent quelques mots de notre histoire tourmentée. Mémoire, trou de mémoire, bruits de fond, manifestations… Ce documentaire témoigne de 20 ans de mobilisation-répression politique en Algérie.” (Habiba Djahnine) .

Ensuite, c’est le 1er mai,  et les féministes se mobilisent et devraient être plus visibles que l’an dernier, grâce à Osez le féminisme qui a constitué un dossier sur son site, interviewé Rachel Silveira et qui diffusera ce flyer lors de la manifestation.

Enfin, trois rendez-vous pour la deuxième partie du mois de mai. La sortie du livre inspiré du site « Vie de meuf » toujours par Osez le féminisme.

Ensuite, le 17 mai, c’est l’IDAHO, journée mondiale contre l’homophobie, plusieurs événements organisés, le samedi 14 mai de 15h à 18h  un rassemblement  de rue inter-associatif  à Beaubourg, place Edmond Michelet . D’autres événements organisés par le Centre LGBT IdF, mais en particulier le 17 mai au soir, la projection du film « Ouganda, au nom de Dieu » de Dominique Mesmin (83 minutes) suivie d’un débat avec des militants ougandais, l’Ardhis et Louis Georges Tin du Comité IDAHO.

Enfin, le 25 mai à la salle Olympe de Gouges dans le 11ème arrondissement à Paris, un gala de soutien à la maison des femmes de Paris de 19h à 22h30, pour que celle-ci puisse continuer ses activités !

Que sommes-nous, sans espoir ?

Un texte magnifique signé rmott62, d’une prostituée qui est sortie de la prostitution, « exited »…personnellement, ce texte me fait penser à celui de Charlotte Delbo publié il y a quelques jours, prière aux survivants. Et je voudrais qu’il soit lu, et entendu…c’est pour cela que je le traduis ici, du mieux que j’ai pu.

Vous pouvez lire la version anglaise ici,

« Ecrit avec tous mes amis « exited » du fond de mon coeur.

Je suis incroyablement triste aujourd’hui, une tristesse qui vient du coeur de l’espoir perdu.

Au coeur de ce que c’était vraiment d’être prisonnière du trafic prostiutionnel, le lieu où l’espoir semble à des années-lumière

J’ai été dans ce lieu ces dernières 14 heures.

Je creuse profondément en ce lieu, et je découvre que l’espoir n’a jamais disparu, il était seulement terrifié de laisser entrevoir trop de possibilité de vie.

Mais l’espoir ne peut jamais vraiment disparaître. Sinon ce serait la mort.

Je ne sais pas comment j’arrive à écrire cela – avec mon esprit logique je sais que c’est un fait. Mais dans mes tripes, dans mon coeur qui saigne…c’est l’opposé.

Dire que l’espoir était un piège , une trahison. L’espoir me tuait à petit feu alors que je ne voyais aucune sortie de cet enfer vivant.

Comment puis-je parler d’un combat pour que les personnes prostituées aient accès à l’espoir – quand j’ai vécu un temps où tout espoir m’était volé ?

Je connais la réponse simple. Ce que moi, et de nombreuses femmes extraordinaires sorties de la prostitution ont découvert, finalement, c’est que l’espoir est une chose solide – pas un piège pour nous maintenir enfermées.

Je sais cela – mais ne peux pas non plus oublier ce lieu où on n’a plus d’espoir, là ou tout espoir est une tromperie pour nous faire oublier, un instant, que nous n’étions rien d’autre qu’un objet sexuel.

J’ai connu ce temps où l’espoir avait tellement été détruit, que nous les prostituées avions perdu notre identité.

Car que peut être un être humain sans espoir.

J’ai connu ce lieu où rien ne peut avoir d’importance, rien ne peut avoir d’impact.

Etre en vie n’est alors rien d’autre qu’une vaste horrible blague.

C’est cela vivre sans espoir. C’est l’environnement que beaucoup trop de femmes et de filles prostituées endurent – alors que beaucoup trop de monde ferme les yeux ou imagine que les prostituées sont heureuses.

Comment une prostituée peut-elle croire en l’espoir, quand sa réalité est d’être une machine à violer pour les hommes ?

Comment un prostituée peut-elle croire en l’espoir, chaque fois que son patron/mac montre qu’il peut faire d’elle ce qu’il veut et que ce qui est le plus probable, c’est que ce sera avec de plus en plus de violence ?

Comment une prostituée peut elle croire en l’espoir, quand elle est entourée d’autres prostituées qui disparaissent, et que tout le monde fait comme si elles n’avaient jamais existé ?

Que veut dire l’espoir dans cet environnement ?

J’imagine que si je lance ce cri de désespoir –  c’est pour vous dire à vous qui vous battez et militez pour mettre fin à la prostitution, que vous êtes l’espoir pour celles qui se pensent totalement abandonnées.

A chaque fois que vous croyez les mots d’une femme prostituée, à chaque fois que vous signez une pétition pour un vrai changement dans le commerce du sexe, chaque fois que vous refusez le mot « travail du sexe », chaque fois que vous parlez en faveur des personnes prostituées, à chaque fois que vous faites changer les lois, à chaque fois que vous travaillez avec les femmes prostituées qui vivent avec le traumatisme – vous prenez une immense part pour redonner de l’espoir aux femmes et aux filles qui avaient oublié que l’espoir existe.

Dans notre désespoir – vous pouvez être une petit lumière qui nous guide.

Une lumière pour trouver notre propre esprit intérieur et cet espoir que nous n’avons jamais vraiment senti – juste la haine et la terreur étaient trop forts pour que l’espoir puisse relever la tête.

Montrez nous la voie de l’espoir, et ainsi de nombreuses femmes prostituées trouveront leur dignité et leur propres chemins vers une vraie existence. »

Manifeste de survivantes pour un monde sans prostitution (via Solidarité Ouvrière)

Un nouvel article et un manifeste, à faire circuler, parce qu’ils parlent juste et vrai !
http://fatimabenomar.wordpress.com/2011/04/07/prostitution-ou-pas-prostitution/

Manifeste de survivantes pour un monde sans prostitution Alors qu'en France, avec la proposition de loi de pénaliser les clients de la prostitution, on peut entendre avec stupéfaction, dans des milieux qui se réclament du « féminisme », parfois même du « marxisme » ou de « l'anarchisme », des gens qui dénoncent cette proposition de loi au nom de la « liberté de se prostituer » et surtout, de la « liberté » de consommer des prostitué(e)es, nous publions ce manifeste de rescapées canadiennes de la prosti … Read More

via Solidarité Ouvrière

Femme libre, étrangère au monde ? un week-end au cinéma

En ce week-end d’orgie chocolatière, j’ai mangé du cinéma. Au printemps de Cineffable, d’abord, dont je retiens avant tout une image : celle de ces jeunes filles kenyanes, qui reçoivent une formation pour détecter et se défendre de la violence sexuelle et sexiste. Pas moins qu’une députée à l’origine de la loi contre les violences sexuelles, une victime-survivor de viol, viennent témoigner, discuter, apprendre aux jeunes filles. Et toutes en choeur (l’école est non-mixte), elles apprennent à dire NON, ensemble elles déclament « mon corps est à moi », « tu n’as pas le droit de me toucher », « NON ». C’est très fort et peut-être ferions-nous bien de nous en inspirer.

Ensuite, j’ai vu deux films réalisés par des femmes et qui passent dans les circuits traditionnels : « L’étrangère », de Feo Aladag, et « Women without men » de Shirin Neshat. Deux films où des femmes, toutes victimes de la violence patriarcale ET institutionnelle, tentent leur libération.
Dans le premier, qui a été primé par le public au festival international de films de femmes de Créteil, Umay est étrangère au monde qui l’entoure, tant elle a de détermination et ne renonce jamais, malgré la succession des agressions et des rejets. Ni à sa liberté, ni à l’amour de sa famille, ni à être. Un personnage et une actrice magnifiques, et une réalisation très juste et en finesse.

Dans Women without men, film un peu complexe, très esthétique (les 5 premières minutes sont époustouflantes), quatre femmes tentent d’échapper au carcan patriarcal, à un moment crucial pour l’Iran, le renversement du gouvernement Mossadegh sous le Shah en 1953 (sous l’influence des Etats-Unis). Alors que le pays lutte pour sa liberté, elles luttent pour la leur. Une est militante politique, les autres fuient la violence patriarcale et se retrouvent dans une maison isolée, presque paradisiaque, sans que plus rien ne différencie la jeune fille violée, la prostituée échappée, la bourgeoise qui a quitté son mari général, ce sont des femmes, qui veulent, enfin, avoir une vie. Mais alors que le pays bascule, elles ne peuvent empêcher le monde extérieur de venir envahir ce lieu, et leur illusion, leur rêve -celui de la liberté, pour un pays, pour les femmes, de s’évanouir brutalement.

Prostitution et respect des femmes : au fil des commentaires

Après une semaine de débat…et alors qu’on a tout entendu, en particulier la trouille des clients de ne plus pouvoir disposer de corps « libres » pour un peu d’argent…Quelques articles notables, qui replacent le débat là où il est sur Les nouvellesnews.

Et, ici même, suite aux deux articles publiés, un fil de commentaires qui me rend très fière de mes lectrices et lecteurs.

En tout cas, la plupart, et en particulier celui-ci, qui tout comme l’article des Nouvellesnews, dit ceci :

Il y a pourtant une question toute simple à se poser : la souffrance de quelques-unes à être empêchées de se prostituer est-elle plus vive que la souffrance de la grande majorité à y être obligées ou forcées ?

Il semblerait que beaucoup de gens intelligents le pensent…
Mais si intelligence était synonyme d’humanisme, le monde ne serait pas si laid ! L’humanisme sélectif se porte bien…
Je ne m’habitue pas à ce que des femmes soient solidaires des clients prostitueurs et pas des femmes prostituées.

Et aussi, la réponse de Lulu, remarquée dans le fil de commentaires,  et remarquable à une lectrice qui s’interrogeait.

«  vous semblez confondre deux choses qui n’ont rien à voir : le droit de coucher avec qui l’on veut simplement parce que l’on en a envie, qui est une revendication féministe, et le droit de ne pas être obligée de coucher avec qui l’on ne veut pas parce qu’on n’en a pas envie, qui est aussi une revendication féministe.
Si vous pensez que les prostituées choisissent leurs clients, ou si vous croyez que les clients des prostituées sont de jeunes hommes désirables qui savent bien faire l’amour, ou si vous croyez qu’une prostituée apprécie les nombreux actes sexuels qu’elle doit effectuer chaque jour, ou si vous vous imaginez que les clients cherchent le plaisir des prostituées et vont se comporter en conséquence, vous êtes mal renseignée sur ce qu’est la prostitution. Ou naïve et crédule.

Vos courriels déroulent une erreur du début à la fin : parce que vous êtes pour la reconnaissance du plaisir des femmes, vous devriez être contre la prostitution, et ne pas vous laisser embobiner par les arguments dignes des mimiles du café du commerce. Parce que vous voulez pouvoir assumer votre vie, comme vous dites, vous devriez vous opposer à une situation qui ne laisse justement aux femmes que la possibilité de subir et de survivre et vous demander pourquoi 90% des prostituées sont des femmes : si c’était si innocent et lucratif que ça, pourquoi les hommes exercent-ils aussi peu cette « profession » ? n’aurait-on pas ici une asymétrie qui met en valeur ce qu’est réellement la prostitution : le pouvoir exercé par l’argent (je simplifie), détenu majoritairement par les hommes, et non pas le « choix » des femmes ?

Tout comme les Mimiles cités plus haut, vous semblez confondre votre plaisir et le leur, votre liberté et leurs envies, vos droits – qui sont ceux de tout être humain – et leurs exigences d’enfants gâtés – reprenez-vous, réfléchissez à ce que vous êtes et à ce que vous pouvez faire pour réellement faire de votre vie ce que vous en voulez.

Quant à choisir d’épouser un homme uniquement pour son argent, puisque vous avez l’air de penser que cela est courant, si vraiment cela vous tente, personne ne vous en empêche. Remarquez toutefois que le contrat de mariage aussi bien que les us et coutumes vous garantissent une situation et des droits sans commune mesure avec l’argent et les dangers récupérés lors d’une passe. On ne voit pas bien alors comment on pourrait exciper d’une situation favorable (même si elle peut être très déplaisante) pour réclamer le maintien d’une situation proche de l’esclavage dans la plupart des cas.

En résumé, il y en a d’autres, et pour moi, la confrontation s des un-es et des autres, fait un joli débat, où à mon avis, certains arguments d’une grande rigueur et sorte d’évidence comme ceux cités ci-dessus (mais il y en a aussi d’autres), amènent à la même conclusion…

Bonne journée, et merci à toutes et tous. S.G

« Auschwitz et après », d’après « une connaissance inutile » de Charlotte Delbo

Le spectacle se termine par ce texte (voir ci-dessous) : « prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants ». Quelques phrases, une intensité boulversante, une émotion devant « ce point noir sur la carte c’est Auschwitz. on sait cela et pour le reste on croit savoir », comme a écrit Charlotte Delbo.

Les vivants ont cru savoir, les survivants ont cru qu’ils pourraient dire. Mais il est rare qu’on ait voulu les entendre, qu’on ait pu les écouter. Les textes de quelques uns, Primo Levi en tête, ont permis tout de même que leur mémoire nous parvienne. Ceux de Charlotte Delbo, résistante française, déportée en 1943 à Auschwitz, puis transférée à Ravensbrück, jusqu’à la libération du camp par la Croix Rouge en en sont aussi. Bouleversants, concrets, sensoriels, parfois poétiques, ils ont été mis en scène par Laure Compain-Tregouët dans la pièce « Auschwitz et après », tirée du livre de Charlotte Delbo, « une connaissance inutile ».

Joués par trois comédiennes qui sont des portes voix des mots de l’auteure, ils nous disent comment elle a vécu en enfer, comment elle a survécu, comment son  amour des textes et du théatre -elle se récitait le misanthrope en entier pendant l’appel- l’ont accompagnée au camp.

Un spectacle fort, presque trop court, (1h05), joué jusqu’au 14 mai les mardi et dimanche au théatre de Nesles à Paris.

Prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants
Je vous en supplie
faites quelque chose
apprenez un pas
une danse
quelque chose qui vous justifie
qui vous donne le droit
d’être habillé de votre peau de votre poil
apprenez à marcher et à rire
parce que ce serait trop bête
à la fin
que tant soient morts
et que vous viviez
sans rien faire de votre vie.
Je reviens
d’au-delà de la connaissance
il faut maintenant désapprendre
je vois bien qu’autrement
je ne pourrais plus vivre.
Et puis
mieux vaut ne pas y croire
à ces histoires
de revenants
plus jamais vous ne dormirez
si jamais vous les croyez
ces spectres revenants
ces revenants
qui reviennent
sans pouvoir même
expliquer comment.
Charlotte DELBO

Réponse d’une abolitionniste à Badinter : à lire et écouter !

Suite à l’interview remarquée d’Elisabeth Badinter en réaction au rapport Bousquet , Cécile Aubry a écrit et dit cette lettre en réponse. C’est excellent, n’hésitez pas à la diffuser autour de vous ! Et merci à elle de la prêter à A dire d’elles.

Vou pouvez écouter la video, le texte est retranscrit ci-dessous.

 

« Madame Badinter,

Vous qui telle une pléiade d’étoiles médiatiques arborez le glorieux titre de philosophe,

Vous qui, par un curieux dévoiement, par approximation ou par hasard ? situez en France le moralisme victorien,

Vous qui haïssez les écologistes au point de faire de petits groupes de résistants qui tentent désespérément de préserver du massacre industriel et touristique quelques espèces et quelques ethnies sans défense les ennemis publics N°1.

Vous vous prononcez en faveur de la liberté sexuelle ABSOLUE comme si l’on ne pouvait lire au cœur même de la déclaration des droits humains que la liberté se définit par des limites.

 Qu’est-ce à dire que cette liberté dont vous parlez ?

 Certes vous reconnaissez que des filles, pauvres petites, pas même des femmes, sont dans les rouages de la traite, que l’esclavage, ce n’est pas beau et qu’il n’y a pas assez de policiers qui font bien leur boulot pour les sortir de là.

 Mais en dehors de ça, celles qui ne viennent pas d’un autre pays miséreux, les vraies femmes responsables et libérées, c’est-à-dire celles qui assument pour de bon leur sexualité féminine d’objet consommable, elles le veulent. C’est vraiment, une vocation puisqu’elles le font dans leur propre pays et, semble-t-il, sans souteneur.  Et quand femme veut, Dieu le veut, donc du moment qu’une minorité de femmes le veut, qu’importe ce que les clients font de toutes celles qui ne veulent pas. La volonté élite libre et festive mériterait donc selon vous qu’on négligeât les nombreuses autres infiniment moins chanceuses dont la prostitution mine l’existence violemment ou à petit feu.

 Or dans cette affaire où est-il question de liberté sexuelle ? Veut-on limiter la fréquence ou la durée des rapports sexuels, restreint-on la diversité de toutes les positions imaginables connues au répertoire ou même le nombre de partenaires participant au coït ?

Cela n’en a pas l’apparence. Peut-être espère-t-on limiter la toute puissance de l’argent sur les êtres humains tout comme les écolos que vous détestez tant espèrent sauver le vivant de son emprise, parce que les corps libres ne sont pas monnayables.

 Ainsi, Madame Badinter, ce n’est pas en soutenant le pouvoir de tout acheter que vous serez secourable à la Liberté humaine. »

Cécile Aubry

Badinter, Caubère et le backlash

Quel rapport entre Badinter, Caubère et le backlash ? Tous deux se disent féministes, pourtant, le backlash est la réaction contre les féministes. Mais voila. Tous deux se sont illustrés dans leur réaction au rapport Bousquet. Ils pensent que le droit de se prostituer fait partie des libertés (ils parlent de prostitution choisie uniquement). Il me semble que le vrai point commun entre eux, c’est que dans le rapport client-prostituée, les femmes, les personnes prostituées, ne les intéressent pas. Il et elle veulent l’égalité, mais surtout et avant tout, la liberté pour les clients-rois de jouir.

D’un côté, Caubère, qui prétend « aimer les femmes prostituées ». Il aime les femmes exactement comme le macho moyen. C’est à dire qui elles sont, leur nom, leur histoire il s’en fout. Il aime qu’elles satisfassent ses désirs sans complication, c’est-à-dire, sans s’embarrasser du fait que tout rapport avec un autre être humain est complexe par définition. Parce que l’autre est autre et qu’il-elle a les même droit que moi. Que leur consentement soit conditionné à de l’argent ne le dérange pas, balayant d’un geste tout le rôle que joue l’argent dans les systèmes de domination. Dans un système de domination, le client/patron est roi parce qu’il détient le mode de subsistance de celui/celle avec qui il prétend passer un contrat égalitaire. Il a donc un avantage distinctif qui place la personne en face dans une situation de faux choix.

Badinter elle, s’affirme -comme tout le monde- pour la lutte contre les réseaux mafieux de traite de être humain, qu’il faut combattre massivement, mais défend la liberté des femmes qui le souhaitent de se prostituer. Son dernier argument : « il y aura toujours des clients ! » Dans  une société où il est roi, on ne s’attaque pas au client. C’est bien trop juteux. Exposer le corp des femmes, en faire de objets de consommation, c’est juteux. En outre, quand il s’agit de la liberté sexuelle des hommes, il ne semble pas y avoir de limites. Une femme ne peut pas selon elle faire le choix de se voiler la face, (ça ne risque pas de satisfaire les « besoins » des hommes ni de rapporter de l’argent), mais elle a le droit de vendre son corps… j’ai l’impression que la seule chose qui peut justifier cette contradiction, c’est que ce n’est pas la liberté de choix de la personne concernée qui la préoccupe, mai le confort de celui qui la regarde ou veut jouir sexuellement d’elle.

Pour Badinter ou Caubère le « droit des femmes à se prostituer », ce n’est peut-être alors ni plus ni moins que la réaffirmation du droit des hommes à disposer du corps des femmes en s’affranchissant de toute contrainte morale. Badinter affirme qu’il y aura toujours des clients !  Drôle d’argument ! C’est un peu comme si on disait : de la violence il y aura toujours, ne pénalisons pas, encadrons là !   Payer pour disposer du corps d’une autre personne, c’est une violence, qu’on ne peut décidément pas encadrer.

Ceci étant dit, je ne pense pas qu’il soit bon qu’une loi sorte maintenant. Je ne peux imaginer qu’un gouvernement répressif s’en empare. C’est donner trop de chance aux tenants du backlash d’avoir du grain à moudre. On ne peut envisager de pénaliser le client sans aussi lutter vraiment contre les trafics de femmes et en continuant à réprimer le personnes qui se prostituent sans les aider. Pour nous donner vraiment une chance d’avoir une vraie politique de progrès humain , commençons par agir pour qu’un autre gouvernement, après 2012, change la donne. Une politique non répressive envers les personnes prostituées, et de responsabilisation du client, qui passera aussi par sa pénalisation. Et une lutte farouche contre les frafics internationaux d’êtres humains.

Sandrine GOLDSCHMIDT

Printemps et progrès humain : ressources

Il n’y a pas à dire…cette période, mi-avril, est bien particulière…printemps, entre renaissance, nouvelle vie, disparitions, renoncements au passé…le temps où les arbres ont encore de belles fleurs mais déja quelques feuilles vertes…rose et vert…une période où il fait bon courir pour libérer les toxines et observer la nature.

Est-ce pour cela qu’on voit aujourd’hui une floraison d’articles nous aidant à voir dans l’abolition de la prostitution un progrès humain ?
C’est surtout parce que le rapport parlementaire de Danielle Bousquet est sorti, et, qu’une fois n’est pas coutume printanière, on donne la parole à celles et ceux qui croient qu’on peut aller vers ce progrès.

Avec cette tribune dans Le Monde de Danielle Bousquet et Guy Geoffroy. Avec le dernier numéro d’Osez le féminisme qui se consacre à la question et prend clairement le parti d’une politique du côté des personnes prostituées et de la responsabilisation du client. Avec ces articles des Nouvelles News qui mettent en avant qu’il ne s’agit pas seulement de punir le client. Et bien sûr, ici, encore et toujours

A lire et faire partager, c’est le printemps, un autre monde est possible….