Abolir la prostitution, un combat POUR l’humanité

Je suis bien sûr très triste qu’Henriette Zoughebi ait été condamnée pour diffamation par le tribunal de Bobigny et tiens à  lui exprimer ici mon soutien.

Alors que souvent les associations féministes, sont insultées, attaquées dans leur honneur, menacées, rarement par des personnes identifiées il est vrai, mais ne portent pas plainte…si elles disent un mot de trop, elle sont immédiatement attaquées.

C’est l’occasion de revenir sur ce qu’est juridiquement la diffamation, surtout pour celles et ceux qui sont amené-es à écrire des textes publics.

Il faut savoir que la loi en matière de diffamation est très protectrice des plaignant-es. Elle est juste assez rarement utilisée par ceux-ci.
L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit la diffamation comme suit : « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne…auquel le fait est imputé est une diffamation… »

Pour caractériser la diffamation les allégations doivent porter atteinte :

  • à l’honneur et
  • à la considération de la personne visée.
  • Une simple critique ou appréciation de valeur ne sera pas retenue comme diffamatoire.

La victime d’allégations diffamatoires doit être mise en cause pour un fait précis.
L’auteur des allégations incriminées pourra :

  • dans certains cas, se défendre en prouvant, dans un délai très court, la réalité des faits diffamatoires
  • plaider la bonne foi,
  • la mesure de son propos,
  • l’absence d’animosité personnelle etc…

Dans ce débat politique acharné, dans notre combat, il est donc très difficile de résister aux provocations. Le plus sûr est peut-être alors de nous concentrer sur ce fameux « défi de l’opinion publique », et continuer à faire en sorte que soient enfin diffusées les informations, les arguments qui viennent à l’appui de notre conviction : la seule possibilité d’atteindre un jour une liberté-égalité-solidarité entre femmes et hommes, c’est d’abolir la prostitution, parce qu’à chaque femme qui, pour une raison ou une autre, même son « choix-revendiqué » vend son corps, c’est la liberté humaine, individuelle et sexuelle de l’ensemble des femmes qui est niée.

Il nous faut donc mettre en avant des moments tels que la convention abolitionniste du 29 novembre (j’espère que nous pourrons bientôt publier les interviews réalisées ce jour-là), et faire connaître les textes importants.

Ainsi, sur Prostitution et société, ces textes qui font le point sur les enjeux actuels du débat, (en particulier les menaces sur la convention de 1949 de l’ONU) de Malka Markovitch, Grégoire Théry.

On peut aussi relire le discours de Danielle Bousquet lors du vote de la résolution le 6 décembre dernier, dont voici un tout petit passage : « Si nous revendiquons à nouveau aujourd’hui la France abolitionniste, c’est pour affirmer que notre pays refuse la réglementation de la prostitution, que nous voulons mettre l’accent sur la prévention de la prostitution et sur la réinsertion des personnes prostituées, et faire en sorte que rien ne fasse obstacle à une société libérée de la prostitution. C’est d’ailleurs l’ambition de la France depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. »

Il faut aussi diffuser les articles qui soulignent les effets positifs de l’expérience suédoise, comme celui-ci de Claudine Legardinier. L’opinion publique, là-bas, s’est totalement retournée en 12 ans. De 30% de personnes favorables à l’abolition, on est passé à 70%.

A lire encore ce texte de Patric Jean, et surtout, la tribune de l’ancien délégué général de la fondation Scelles, Jean-Sébastien Mallet : « Non, la prostitution ne doit pas être cautionnée », qui répond point par point aux arguments qui nous sont opposés, et qui commence ainsi  : « Je consacre ma vie depuis 5 ans à la lutte contre l’exploitation sexuelle, des mineurs aux étudiants, en passant par les victimes de traite et le tourisme sexuel. C’est une lutte contre une industrie de 300 milliards de dollars faisant plus de 20 millions de victimes ».

Il est utile de le rappeler…

Promouvoir également, tous les modes d’expression militante, comme ces expositions artistiques qui montrent la réalité de la prostitution, loin de l’image qu’en font les médias mainstream. Ainsi, dans quelques jours, je vous parlerai plus longuement de cette expo, qu’on ne cesse de me recommander et que je vais enfin avoir le temps de voir, « Not Natasha, photos de celles qui ont un nom », dans un nouveau lieu destiné à la photo engagée, « rue de l’exposition », 1 rue de l’exposition dans le 7ème arrondissement de Paris. L’expo dure jusqu’à la fin du mois. Ou de celle-ci que j’ai manquée, par Eliane de Latour, Go de nuit, qui s’est terminée hier à la maison des métallos.

Pour nous, abolitionnistes, il ne s’agit pas de nous battre CONTRE. Nous n’avons ni intérêt financier, ni intérêt idéologique, ni intérêt religieux à vouloir défendre un monde sans prostitution. Nous sommes pour la liberté sexuelle, qui consiste à disposer de son corps, pas de celui des autres.

Nous nous battons POUR des valeurs de société, pour aider les personnes prostituées qui sont ultra-majoritairement victimes de la traite, en particulier dans le contexte de la mondialisation, et qui sont ultra-majoritairement des femmes. Ici, il s’agit pour une fois de ne pas seulement être « en résistance à », mais de promouvoir un nouvel idéal, qui met au centre l’être humain, l’individu-e oui, mais chaque individu, pas certains plus que d’autres.

Nous nous battons POUR l’humanité, POUR les femmes, POUR les enfants, POUR que chaque individu puisse avoir le droit de rêver son avenir, et que cet avenir implique le respect de sa personne, corps, âme et esprit.

Sandrine GOLDSCHMIDT