Les femmes de l’année

Bien sûr, il y a les sondages débiles. On ne peut pas les empêcher. Quand les jouets de Noël sont là pour dire aux petites filles d’être des petites filles, bonnes ménagères, futures mamans, sages comme ces images…quand les médias ne parlent des femmes qu’une fois sur 5 et encore, en les traitant de femme de, fille de, mère de…

que peut conclure un sondage débile ? que la femme de l’année est la femme de celui qui a fait parler de lui autant que le 11 septembre…c’est bien obligé.

Mais bien sûr, tout ça n’existe que parce que nous voulons bien le regarder, le dénoncer. Qui est la femme de l’année, on s’en fout, nous ! La télé, les sondages, on s’en fout, au-delà de la critique nécessaire à leur faire.

Savoir qui est la femme de l’année, aussi, on s’en fout !  Ce que nous voulons, c’est qu’on parle de toutes les femmes, que toutes les femmes puissent imaginer avoir un lieu d’expression sur cette terre, que leurs certitudes, leurs doutes, leurs peurs, leurs joies, leurs bonheures, aient des lieux pour s’exprimer. Il n’y en a pas qu’on va désigner « la meilleure », « la plus ceci, la plus cela ».

Il y en a qui nous font du bien. Et ce sont celles-ci qu’une rétrospective annuelle pourrait mettre en avant, pour nous rappeler ce qu’elles ont dit, fait, qui nous a aidé à exister, être dans ce monde d’hommes.

"Chaque jour est un bonus". Je suis maintenant une femme libre. Quand je le dis, cela me fait peur."

Du coup, je vais juste rappeler comment 3 femmes nous ont fait du bien cette année, par leur action, leur courage, leur contribution à la lutte.

D’abord, Rebecca Mott, écrivaine, sortie de la prostitution, et dont la parole sur son blog est d’or. Quand on ne sait plus comment faire pour essayer de convaincre de l’évidence, on peut toujours se tourner vers ses textes, qui prennent aux tripes, mais servent aussi l’intelligence.

Ensuite, il y a Muriel Salmona, psycho-traumatologue, présidente de l’association mémoire traumatique et victimologie, fondatrice du Crifip, qui sans relâche, et avec une énergie extraordinaire, porte la parole des victimes, à la fois dans sa pratique quotidienne auprès de ses patientes, dans les textes qu’elle publie sur son blog et les interviews qu’elle donne aux journalistes, et dans les formations qu’elle donne aux quatre coins de la France, pour que les professionnels soient enfin alertés des conséquences psycho-traumatologiques de la violence sexuelle et soient capables de la détecter. Un immense merci à elle.

Enfin, dans un autre style, plus connu médiatiquement, mais non moins valable en l’occurence, Sophia Aram, qui par ses chroniques courageuses, s’attire les foudres de l’extrême-droite, mais arrive à nous faire rire, tout en disant les choses les plus justes. Alliance d’humour et d’intelligence, cela fait tellement de bien sur les ondes…

 

Mais encore une fois, celles que je veux mettre en avant, ce sont « toutes les femmes » qui n’ont pas -ou pas encore- la possibilité de se faire entendre, d’exister, d’être ce qu’elles pourraient rêver, et qui survivent dans ce monde qui n’en veut pas, les prostituées, les pauvres, les travailleuses, les migrantes, les femmes battues et violées, les mariées de force, les femmes mutilées,  les petites filles qui naissent et celles qu’on ne laisse pas naître, celles qu’on empêche d’aller à l’école. Elles sont toutes des trésors, et toutes, devraient pouvoir voir ce monde, comme celui des possibles, possibilité de vivre, tout simplement.

Ce sont elles, les femmes de l’année.

Sandrine GOLDSCHMIDT