Pour une année juste !

Alors voilà. 2011 arrive à sa fin. Je vous avais alors souhaité des imprévus heureux.

détail de la création du monde, vitrail, Marc Chagall, musée de Nice

C’est ce qui avait le plus de chance d’arriver. Il y en eut, donc, les mêmes faisant parfois les imprévus heureux de début d’année et de fin d’année.
Une année en dents de scie, de desmo-dontite en rages de dents, de rage dedans en rage dehors face à l’injustice persistante, ou plutôt la difficulté de la justice à se faire égale pour tous, et surtout égale pour tous ET toutes ! L’année aura été marquée par la découverte du temps qui passe et que rien ne change, ou à la marge, et que ce sont toujours les puissants qui dominent. Jusqu’à l’ensemble des êtres vivant sur terre, quitte à tout détruire à son seul profit…

Avec Muriel Salmona, nous avons écrit fin août les textes« Pas de justice, pas de paix »,qui sont aussi une pétition que vous pouvez toujours signer. Nous ne nous arrêterons pas là et très bientôt vous découvrirez la suite, parce qu’en 2012, nous allons essayer de faire porter la voix de la justice. En espérant bien sûr que la voie/x des urnes donnera à ce pays les moyens d’arrêter les dégâts.

cantique des cantiques, détail, M.Chagall, musée de Nice

En 2011, nous avons donc eu droit à une explosion de sexisme d’une part, liée à l’affaire DSK, mais aussi une explosion de réactions, qu’on jugera encore parfois timides…mais comme j’ai envie d’être optimiste, je relèverais pour ma part ceci. Sur des sujets sur lesquels la lutte est difficile, on peut dire qu’il y a eu un frémissement : celui de l’impunité des puissants, des auteurs de viol, du sexisme ordinaire qui en fait le lit : malgré tout, en 2011, un autre discours a été entendu, grâce aux associations féministes : avec OLF, la Barbe et Paroles de femmes, premier rassemblement contre le sexisme, en mai, et surtout, d’avoir obtenu que le CSA critique les propos entendus sur RMC.

Avec le fait aussi et surtout, que les médias ont enfin diffusé d’autres discours, grâce à l’AG qui s’est mise en place, grâce à la manifestation du 5 novembre à l’appel du CNDF et de presque toutes les assos. Et peu à peu, la réalité de ce que vivent les victimes de viol, qui doit être dite, pour qu’un jour elles puissent re-vivre, est enfin entendue. Je citerai en exemple l’article de Psychologies magazine dans lequel intervient Muriel Salmona, et qui est très intéressant. Je citerai aussi trois romans, parce qu’il est essentiel que les femmes commencent à écrire leur histoire. Et cela ne nous étonnera pas que dès lors qu’elles le font, la question du viol, des violences faites aux femmes et de l’injustice soit centrale dans leurs écrits.

Bien sûr, « nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce », de Lola Lafon, dont j’ai déjà parlé ici, chef d’oeuvre saisissant. Mais aussi le livre de Delphine de Vigan sur sa mère, « Rien ne s’oppose à la nuit » (en tête des ventes!), où est révélée toute la psychogénéalogie du non-dit de la violence, et ses conséquences ravageuses. Enfin, celui que je viens de terminer, de Chahdortt Djavann, « Je ne suis pas celle que je suis », très impressionnantes, les deux histoires entremêlées d’une jeune iranienne à Bandar Abbas et Téhéran, et d’une « autre » (ou la même) dans un cabinet de psychanalyste à Paris. C’est toute la domination masculine qui y est décrite, avec la violence sexuelle, universelle, et la violence politique, liée à un Etat oppresseur qui ne fait que la renforcer systématiquement pour les femmes.

La mémoire traumatique, la dissociation, l’exposition à des comportements à risque, l’illusion que la prostitution peut être une issue pour sortir du vide ou empêcher le suicide, et en face, la possibilité de la parole, et d’être entendue…j’espère avant tout pour 2012 que la cause abolitionniste de la prostitution avancera, comme elle a commencé à le faire en cette fin 2011 avec le front abolitionniste, et qu’on dira enfin qu’il ne s’agit pas de punir, mais de libérer la sexualité des femmes, de leur rendre un corps qui n’appartient qu’à elles, en demandant juste aux hommes, de les considérer comme des autres eux-mêmes. A cet égard, un dernier article, qui montre que c’est possible, de cet ancien client devenu abolitionniste:« si la loi avait interdit l’achat de services sexuels, je n’y serais jamais allé ».

C’est ce que je souhaite à toutes les femmes du monde, en regardant ce côté-là du miroir, que je symboliserai pour finir par une réaction de ma fille, au restaurant, alors que j’allais demander au serveur de changer la chaîne de télévision qui attirait son regard sur des clips videos sexistes montrant beaucoup de femmes…en porte-jaretelles et sous-vêtements (il accepta au moins de baisser le son ce qui attire moins…). Revenant à ma place, elle me donne le dessin qu’elle venait de faire sur une serviette…

« contre les émissions grotesques », Osez le féminisme…(remarquez le porte voix)

Sur cet espoir de relève, je vous souhaite à toutes et à tous, mais en pensant particulièrement à toutes celles et ceux qui n’ont pas les moyens, le pouvoir, la possibilité de se dire, une année juste, et un rayon d’humanité…

Sandrine GOLDSCHMIDT