Il faudrait quand même qu’on finisse par s’y faire, par l’accepter :
L’être humain a des poils.Et il n’y a vraiment pas de raison d’en avoir honte, ni de vouloir en finir avec le poil.
L’humain a moins de poils que d’autres animaux, certes, mais il en a. C’est d’ailleurs un sérieux défaut : c’est moins doux, moins beau, moins chaud. Du coup, on est obligé-es de se vêtir et de se fabriquer des duvets. Ce qui nous entraîne ensuite à la catégorisation de l’espèce en deux sexes : féminin et masculin. Parce qu’avoir à nous vêtir, c’est donner le loisir de créer des « normes sexuées » en matière de vêtement, celles-là même qui de la jupe au niqab en passant par le talon aiguille nous font tellement de mal. Et c’est donner l’illusion à certain-e-s qu’il faudrait se débarrasser de tout ce qu’il y a de poilu en nous…
Mais comme tout n’est pas si mal fait dans la nature, au moins avant que les humains ne l’essentialisent donc, les endroits où l’animal humain a toujours des poils, sont plutôt bien choisis.
Sur le caillou, d’abord. Les cheveux, c’est beau. Si les hommes ne sont globalement pas très beaux, et les femmes globalement assez belles, ce n’est pas parce qu’elles sont des femmes et qu’ils sont des hommes. C’est parce que la construction sociale nous fait avoir des cheveux longs, leur fait avoir des cheveux courts. Et de plus en plus courts. Jusqu’à nous montrer des cranes chauves pas toujours bien proportionnés (à quelques expressions près). Les cheveux adoucissent le visage, détournent l’attention des imperfections, et nous rendent un peu moins nu-e-s.
Mais le poil, ça n’est pas que beau. C’est aussi protecteur. Sous les bras, d’abord. Les aisselles sont des zones sensibles du corps humain, et perméables aux irritations. Le poil y fait rempart. pourtant, depuis quelques décennies, il a totalement disparu, au profit de produits déodorants nocifs mais enrichissants…pour l’industrie.
Sur le pubis, c’est pareil, et c’est encore mieux. Zone sensible s’il en est, c’est aussi une barrière protectrice pour les microbes. Mais en plus, dans cette zone de frottements, ils ont aussi l’avantage d’être doux. D’où…un avantage indéniable, lorsqu’on fait l’amour ! Et c’est une évidence, il est beaucoup plus confortable, agréable et excitant, et surtout moins agressif et irritant d’être protégée par ses poils plutôt que totalement épilée. « S’épiler le minou » pour plaire, c’est un peu comme vouloir faire l’amour directement sur la moquette plutôt que sur des coussins duveteux…ça râpe…et ça fait mal.
Ce n’est pas laid, non plus. Bien au contraire. Car la beauté, c’est aussi une norme, de ce qui peut nous exciter. Or la présence du poil, c’est signe qu’on est adulte. Ou, en tout cas, l’inverse est un signe qu’on ne l’est pas. Alors non seulement c’est plus agréable, mais c’est aussi plus excitant. Parce que cela n’évoque pas l’enfance, qui n’a pas de place dans une sexualité libre adulte…
Et puis, les hommes et les femmes ont du poil aux pattes. Et du poil aux bras, parfois.
Mais depuis que le cinéma -l’image animée- a créé l’image de la femme à vendre, anorexique et totalement épilée au prix de souffrances totalement inutiles, et que les marchands de l’image, les publicitaires, s’en sont emparés, évidemment, on voudrait nous faire croire qu’un femme ne peut être désirable si elle a des poils. Et de plus en plus, il semblerait qu’il faille aussi que les hommes doivent cacher ces poils que nous ne saurions voir. Ainsi, on lit, sérieusement, que la barbe n’a plus sa place chez les hommes. Bientôt, au lieu de se battre contre le diktat de l’épilation intégrale des femmes, il y en a qui vont même réclamer qu’ils se rasent le torse, peut-être ? Mais qui se permet de décider cela pour eux ? Qui se permet de décider cela pour elles ? Des « spécialistes du sexe autoproclamées » ? Il n’y a pas de spécialistes du sexe. Il n’y a que des relations sexuelles plus ou moins libres et plus ou moins réussies.
Avec ou sans poil, cela ne change rien à l’affaire. Et je prends le terrible risque de me faire traiter de féministe hystérique et poilue : parce que je le suis indéniablement : je suis féministe, j’ai un utérus et j’ai des poils…pas vous, mesdames ?
Mais je l’avoue : je pense qu’il faut une bonne dose d’héroïsme féministe pour pouvoir, à 25 ans -(je ne parle bien sûr pas de moi qui les ai dépassé depuis fort longtemps et m’épilait alors, mais de jeunes femmes que je connais), clamer haut et fort qu’elles s’en fichent.
Mais celles-là, qui n’ont pas honte de leurs poils aux pattes ou au menton, et les hommes ou les femmes qui les aiment, il est fort à parier qu’elles jouissent et désirent plus librement que celles et ceux qui voudraient nous imposer des images de ce qui est -ou pas- désirable…
Alors poils de tous les pays, unissez-vous, et jouissez de la vie !
Sandrine Goldschmidt