Acquittement d’une femme battue pour le meurtre de son mari : les choses bougent ?

Photo du film Sin by Silence, d'Olivia Klaus

Il y a des jours où l’on se dit que le travail militant paie. Pas seulement grâce à twitter et Pas de justice pas de paix, mais que le même jour, la justice prenne une décision historique à l’égard d’une femme qui a tué son mari, après des années de violences subies, cela donne le sentiment que les choses avancent.

C’est assez incroyable que cette décision soit une première exemplaire : parce que l’on aurait pu imaginer que c’était une évidence. Et bien pas du tout. Il aura fallu des décennies de luttes féministes pour faire comprendre les mécanismes de la violence conjugale et du cycle de l’emprise, pour que la justice soit en mesure de prendre la décision qui s’impose : acquitter une femme qui, au bout d’années de violence subie, finit par se défendre et tuer son mari.

http://www.liberation.fr/societe/01012398039-une-femme-battue-acquittee-pour-le-meutre-de-son-mari

C’est en effet la décision que vient de prendre la cour d’assises du Nord. Le cas est exemplaire. L’avocat général a réclamé l’acquittement, replaçant l’affaire dans le contexte de la réponse de la société à la violence conjugale. A été reconnue le fait que la société, bien que prévenue, n’avait pas su prendre en charge une femme qui avait tenté de s’en sortir avant.
A été reconnu que ce cas n’était pas un de ces énièmes cas isolés de violence conjugale -si l’on en croit les médias- mais bien un phénomène de la société patriarcale : « Ce procès vous dépasse », avait lancé l’avocat général à l’accusée, « parce que, derrière, il y a toutes ces femmes qui vivent ce que vous avez vécu (…), le bruit de ces pas qui montent l’escalier et qui nous font comprendre chaque soir que quand il rentre du travail (…) le danger rentre à la maison ».

Il y a deux ans, au festival féministes de documentaires Femmes en résistance, nous avons projeté un film qui traitait de la question aux Etats-Unis : « Sin by silence ». Ou comment des femmes, ayant tué leur mari, se retrouvaient en prison à vie, mais avaient réussi à s’unir, se soutenir et faire changer la loi et la jurisprudence.
Comment il avait justement fallu qu’enfin soit reconnue l’emprise et le cycle de la violence conjugale pour qu’on puisse enfin parler de légitime défense.

Enfin, il faut souligner que si c’est une avancée pour la justice,  le problème reste entier : en effet, il faut absolument continuer à oeuvrer pour qu’on n’en arrive plus là, que les femmes puissent vivre en sécurité chez elles. Que le meurtre par légitime défense, après des années d’alerte et de plaintes, ne soit plus la seule solution pour soi-même survivre.

Pas de justice, pas de paix, là encore.
Sandrine GOLDSCHMIDT