Je suis allée voir l’exposition Nikki de Saint-Phalle. Je ne vous raconterai pas sa vie et son œuvre exceptionnelles, des « nanas » au jardin des Tarots en passant par ses performances de tirs de peinture, vous pourrez les trouver bien mieux expliqués ailleurs. Mais j’ai envie de partager le choc réjouissant de voir rassemblée ici au Grand Palais (jusqu’au 2 février) cette œuvre exceptionnelle, artistique pas seulement parce qu’elle est politique, mais parce qu’elle magnifie le politique.
Dès le premier « collage » avec le petit singe en peluche et le wagon de train vert, dès la première huile de femme préfigurant les nanas, dès la première porte peinte « à la Pollock », j’ai vécu une expérience intérieure. Il se passe quelque chose au plus profond. Une inventivité, une liberté d’expression, peu communes. « Peindre la violence », dit le premier panneau de l’exposition, oui mais aussi tout simplement peindre la vie, ses émotions, sa rage (voir ci-dessous le mur de la rage), avec une modernité folle dans les habits d’une autre époque ?
L’exposition est ponctuée de vidéos qui nous font découvrir dans son visage, sa voix, la beauté de la passion et de la révolte, alors que son discours féministe, sur un ton qui évoque la radio d’antant, reste dans notre actualité.
Nikki de Saint-Phalle parle dans les années 60 de la domination masculine et du système patriarcal avec une intense lucidité. Mais ce qui fait que ces mots ne restent pas ceux d’une énième théoricienne ou militante du féminisme, c’est qu’elle est poète, peintre, sculptrice, créatrice d’un monde où les femmes ont un rôle. Le système ne nous donne pas de place (voir la capture d’écran vidéo), qu’à cela ne tienne, elle fabrique des gigantesques nanas, qui décrivent une société matriarcale dans laquelle la tête est un peu moins présente -mais toujours là, et l’amour et la justice un peu plus…
Elle dénonce, évidemment, la violence des pères et des amants (voir l’amant crucifié). Elle dénonce « la mère dévorante aussi ».
Elle tire sur ses tableaux, en peinture, précurseure là encore d’une mode des performances, mais elle le fait dans la continuité de son œuvre, et du sens de son œuvre. Ainsi, elle tire sur son art, plutôt que de tirer sur les hommes, et de devenir terroriste (cf citation ci-dessous).
C’est donc en transformant sa rage en œuvre d’art, qu’elle change le monde et touche au cœur de nos émotions.
L’exposition rend magnifiquement la joie de la création, la force de la révolte, et donne envie de parcourir la Toscane, l’Europe et le monde, pour aller voir sur place comment, par ses statues monumentales, elle a imposé à un monde gris les couleurs de la vie.
Pour finir, quelques photos supplémentaires, en commençant par le mur de la rage
Le mieux de l’exposition au bazar du genre au magnifique Mucem à Marseille, c’est son titre. En effet, il est fort probable que si vous n’avez pas longuement réfléchi à comment le genre est utilisé pour briser le féminisme et son enracinement dans l’universalité de l’esprit analytique et rationnel pour comprendre le monde, vous serez un peu perduEs en vous y baladant…et trouverez que c’est un sacré bazar…
L’expo est centrée sur 3 thèmes : en premier le rappel des luttes féministes du temps des grandes manifestations pour le droit à l’avortement, le combat pour les droits homosexuels des gays et lesbiennes, et…voile et revendication identitaire.
Aucun rapport logique qui expliquerait pourquoi le droit à l’avortement est ainsi relié à la question du genre puis au pseudo « choix de porter le voile » (car c’est ainsi que c’est présenté). Je n’y aurais moi même vu qu’une manifestation incompréhensible de postéfminisme queer sans pouvoir l’expliquer…
Heureusement, j’ai commencé la semaine dernière la lecture de « L’être et la marchandise » de Kajsa Ekis Ekman qui m’a donné une clé essentielle et que je cherchais depuis longtemps pour comprendre le fonctionnement de cette pensée. En effet, les défenseurEs de théories qui affirment que vendre son corps ou le voiler relèverait du même choix/droit que vouloir ou non avoir des enfants ou de la liberté sexuelle, en particulier celle de choisir son orientation sexuelle, parviennent à se servir du passé féministe pour tenter de légitimer leurs théories en utilisant une méthode de pensée qui relève de la psychanalyse et non de l’analyse rationnelle : l’association d’idées.
En effet, des mots résonnent lorsqu’on voit parler de l’avortement : « choix et droit de disposer de son corps » par association, on peut arriver à genre, droits des personnes homosexuelLEs, et pourquoi pas voile. Le simple fait que ces mots puissent s’associer dans les esprits suffirait donc à légitimer la dernière proposition par la première. Et le tour est joué : le ou la visiteur qui n’y réfléchit pas tous les jours, ne peut pas vraiment comprendre l’argumentaire derrière la libre association : il n’y en a pas*. En revanche, il retient une illusion de lien logique et politique entre les différents éléments du bazar…
Je passe du coq à l’âne…ou peut être plutôt de l’âne au coq pour vous parler d’une autre nouveauté marseillaise : les statues sur le Vieux Port, et d’une en particulier. Un « grand artiste » l’a sculptée, et on l’expose aux vues des passantEs qui n’y voient aucune violence politique contre les femmes…. Vous comprendrez sans doute en regardant la photo de cette statue de Dali, et si j’ajoute que le grand jeu des touristes, et des jeunes hommes en particulier, c’est de se faire photographie assis dessus…
Ci-dessous une galerie photo qui récapitule et illustre le propos ci-dessus, et quelques photos reportage sur la ville.
S.G
* je précise à propos du voile : nulle part il n’est dit que l’expo serait « pro-port du voile ». La photo ci-dessus montre une « neutralité » sur la question, qui exposerait juste les faits. Mais ce dont je parle ici, c’est du fait même de choisir de faire une grande partie de l’expo là-dessus au sein d’un propos « bazar du genre », qui suffit à créer une libre association douteuse…
on se demande encore comment des enfants peuvent naître de tant de mortes…
Ce n’est pas au bazar du genre mais sur un mur du Vieux Port…
Je n’ai pas encore vu le documentaire de Caroline Fourest et Nadia El Fani sur les Femen (qui sera diffusé ce soir à 22h45 sur France 2), mais viens de lire l’interview de la journaliste et féministe co-fondatrice de Pro-choix dans Le nouvel Observateur, où elle affirme que la nudité est plus subversive aujourd’hui qu’hier. Une interview qui me laisse perplexe.
Je trouve tout à fait indispensable que les femmes luttent contre l’imposition du voile à travers le monde et toute tentative de les rendre invisible dans l’espace public. Car oui, c’est un problème, qu’on veuille nous effacer, toujours et tout le temps, en cachant notre corps, pour nous invisibiliser, nous déshumaniser, nous nier. Oui, voiler entièrement la tête d’une femme, c’est comme lui couper la tête (dans les images). C’est une entreprise patriarcale mondiale, qui consiste à nous effacer de l’espace public, privé, et de l’histoire des êtres humains.
Une femme nue, offerte…subversive ?
C’est un problème là où on voile les femmes. C’est aussi un problème là où on ne les voile pas. Car là où nous ne sommes pas contraintes de nous voiler, les femmes sont mises à nu et également étêtées. Je l’ai dit suffisamment souvent ici. C’est inouï ce que dans les sociétés occidentales on montre, partout, les femmes, exclusivement nues, et exceptionnellement seulement munies de têtes, donc vivantes. Mais si elles ont des têtes, leur nudité au milieu d’hommes vêtus les met à leur merci. Deux « chefs d’oeuvre » de la peinture française en sont les symboles :
Signe pour les toilettes des femmes à Bruges
Le déjeûner sur l’herbe de Manet, et l’origine du monde de Courbet. Dans les deux tableaux, la femme est à la merci des hommes. Elle est là pour leur servir d’objet sexuel. Dans un cas, elle est vivante, mais n’est qu’un objet de plus du déjêuner des messieurs. Dans l’autre, elle est déjà morte, tronquée, étêtée, démembrée.
J’ai vu la même configuration dans deux représentations « artistiques » à Bruges : cette statue au milieu d’un quartier par ailleurs charmant. Et une autre à l’entrée d’une galerie (genre Vénus de Milo moderne ET sans tête) que je n’ai pas photographié. A la place, je vous montre qu’on étête les femmes jusque sur les signes des toilettes…
Alors, quand d’un côté on efface les femmes en les dissimulant derrière un vêtement qui les invisibilise, quand de l’autre on les pornifie et on en fait des mortes sans tête et nues à la merci des hommes, je ne peux croire que la nudité est subversive.
Elle est -au mieux- kamikaze, on l’a vu lorsque les Femen sont allées se « frotter » à Civitas et au GUD. Elles sont alors en grand danger. Subissent de nouvelles violences. Mais je ne vois pas en quoi cela a -jamais- dérangé le pouvoir. La pornification des femmes ne s’en trouve pas moindre, les femmes n’ont pas plus de liberté à se mouvoir et à se vêtir comme elles l’entendent.
Alors, aujourd’hui, qu’est-ce qui serait subversif ? Je me souviens, d’un film que nous avons diffusé à Femmes en résistance, il y a quelques années, Love and words are politics, de Sylvie Ballyot, 2007, France, 41 minutes. Filmer était impossible pour une femme. Et pourtant, elle s’est faite filmer, tête nue, au milieu des hommes, alors que là-bas, on ne peut circuler que totalement voilée. Le geste, allait courage physique et intelligence. Il était selon moi beaucoup plus subversif, que l’image d’une soubrette seins nus devant le logement de DSK il y a deux ans. Une image qui m’est restée, malheureusement trop peu diffusée, car un des critères de la vraie subversion, c’est que les tenants des médias mainstream la dissimulent aux yeux du plus grand nombre…
Hier, je vous parlais d' »Elles resistent » aux violences masculines faites aux femmes, qui se déroule à La Parole errante à Montreuil du 8 au 15 octobre.
Un festival comme son nom l’indique, qui offre un espace aux femmes artistes pour exprimer leurs luttes, états des lieux, résistances, utopies. Un festival pluridisciplinaire, qui du coup s’interroge sur la forme à donner à la représentation des femmes, pour la libérer des violences masculines et sexistes.
Des violences qui sont fruit de la guerre contre les femmes et nécessitent une lutte et une réflexion permanente. Lors des réunions pour son organisation, au moment d’en faire un « visuel » pour la com’, a été dit par Michèle Larrouy qui l’organise, une chose très juste : on ne mettra pas de femmes, car on le constate quand on travaille sur la question, il est si difficile de trouver des images qui ne nous morcèlent pas ou ne nous mortifient pas.
Du coup, lorsque j’ai vu cette affiche, du festival Arthemise, qui aura lieu les 17 et 18 novembre, au Divan du Monde, je n’ai pu m’empêcher de réagir.
Organisé par Osez le féminisme, c’est un festival dont l’objectif est de présenter des artistes femmes. il s’annonce riche en événements, en types de spectacles, et part du juste constat de l’inégal accès des femmes aux scènes.
Mais… l’affiche n’a rien de féministe, et tombe, malheureusement, dans les clichés de la plupart des festivals et des images pornifiantes : une femme maigre, utlra-maquillée, grands yeux un peu comme les « bratz », ces figurines pour filles qui nous défigurent…Ce qui vient encore conforter l’idée exprimée par Michèle Larrouy et que je partage avec vous régulièrement, qu’il est extrêmement difficile de ne pas tomber dans ces pièges lorsque nous tentons de nous représenter.
Le festival, qui proposera, après la Parole errante et Femmes en résistance (festivals pluridisciplinaires également), de nombreuses disciplines artistiques, organise aussi des débats. Ceux-ci aborderont les difficultés d’accès des femmes aux plateaux et aux galeries, affirmeront les femmes comme « créatrices, et pas seulement procréatrices », « artistes femmes, et arts de la rue ».
J’espère qu’ils sauront à leur tour les relier aux violences faites aux femmes. En effet, c’est probablement dans le domaine artistique une des choses les plus cruciales à prendre en compte. Les violences faites par des hommes aux femmes comédiennes, artistes, chanteuses, sont pour beaucoup dans le fait que nombre d’entre elles fuient les plateaux ou les projecteurs. Plus que leur statut de procréatrices, c’est les violences subies qui les empêchent de créer.
Espérons donc que le festival Arthemise saura le mettre en avant, comme ce sera le cas à la Parole errante le samedi 13 octobre à 17h, lors d’un débat intitulé : “Rencontre sur les discriminations sexistes et les violences sexuelles dans le monde de l’art et de la culture”. (en non-mixité) et dont voici le résumé : tout au long de leurs carrières les femmes artistes sont confrontées aux discriminations et aux violences. Cette rencontre se propose d’être un espace d’échanges d’expériences pour nourrir des stratégies féministes de résistance dans ces secteurs professionnels.”
Avec en premier lieu une projection le mardi 9 à partir de 21 heures organisée par Femmes en résistance, de 3 films fondamentaux de la lutte contre les violences faites aux femmes : la leçon de cinéma de Carole Roussopoulos lors du festival de Créteil, qui sera l’occasion de saluer l’immense apport de la vidéaste à cette lutte : sa façon de filmer, de donner la parole aux sans voix, d’être souvent la seule à aborder certains sujets, sont essentielles.
Nous projetterons ensuite son court métrage « La conspiration des oreilles bouchées », réalisé pour le Collectif féministe contre le viol et qui traite du viol par inceste et de la nécessité de briser le silence autour de ce crime contre l’humanité. A relire à ce propos la préface de Sandrine Apers au livre de Melody Moore « la force d’avancer » ici : https://sandrine70.wordpress.com/2011/10/10/le-silence-detruit-il-est-politique/
Enfin, nous rediffuserons « Pas à vendre », de Marie Vermerein, qui était passé au festival en 2010, film essentiel pour comprendre la nécessité de faire voter l’an prochain une loi en faveur de l’abolition de la prostitution, pour les personnes prostituées, contre les prostitueurs.
La séance sera présentée par Hélène Fleckinger, Nadja Ringart et moi-même. Muriel Salmona, Présidente de l’association mémoire traumatique et victimologie, sera notre invitée.
La soirée sera également l’occasion du lancement d’un projet participatif qui s’annonce passionnant, intitulé « Histoire, mémoire et bobines féministes », initié par l’Association Carole Roussopoulos, Cinecast et la Bibliothèque nationale de France. Grâce à un outil informatique novateur, vous serez invité-e-s à venir annoter, commenter des films des manifestations des années 1970. Vous pourrez l’expérimenter à Montreuil à partir du 9 octobre. Un projet destiné à conserver la mémoire et à écrire l’histoire de nos luttes, en faisant participer toutes les femmes qui se reconnaîtront ou en reconnaîtront d’autres, et permettront de recuillir des témoignages.
Enfin, l’association Carole Roussopoulos et Femmes en résistance proposeront toute la semaine des films videos à la demande.
Le festival s’annonce par ailleurs extraordinairement riche en créations, des plasticiennes aux comédiennes et créations théatrals, en passant par les videos et la musique, je vous invite à consulter le programme complet !
Nouvelle page sur A dire d’elles, que je suis très heureuse d’accueillir. Page d’un nouveau blog, blog collectif, féministe, radical, blog de poésie. :
http://sorore.wordpress.com
Parce que du dés-espoir peut naître le ré-espoir et celles qui l’alimentent le font vivre avec des mots qui traversent les univers patriarcaux, les transpercent, nous parlent directement à l’oreille, à l’âme à chacune de nos cellulles. Fait de haikus, de pastiches, d’entre-aides sorores, ce sont des trésors de sens, plus que de ré-enchantement, de ré-humanisation du monde.
Ce monde dont des siècles de femmes sans tête nous ont subtilisé la vie et le sens. Les femmes, dans la bienveillance et seulement en elles, peuvent le créer. Qu’elles soient du 19e (Melanie) ou du 20e (Alexandra K.), d’hier ou d’aujourd’hui, font couler la vie dans nos veines comme les larmes su nos joues. De coeurs et âmes, de pastiches versions féministes de poèmes gollecks, d’images et photos, nous espérons que ce blog attirera les radicanges gardiennes de notre espoir.
D’abord, un petit retour sur l’hommage aux éditions Tierce et à une de ses fondatrices, Françoise Pasquier. De nombreuses « féministes des années 1970 », qui l’ont connu et ont agi en première ligne du mouvement sont venues à la librairie Violette and co pour évoquer le souvenir d’une époque où l’on pouvait entrer rue des Fossés Saint-Jacques et discuter avec l’éditrice, où les idées fusaient, et l’innovation régnait…un peu d’inspiration pour nous, même si les souvenirs, toujours, diffèrent des unes aux autres, selon le regard de chacune…
Ensuite, une video fondamentale : celle de Muriel Salmona, psyschiatre psychotraumatologue, interviewée au forum Marie-Claire pour le journal 20 minutes, dans la ligne de la campagne #jenaipasportéplainte, Muriel explique, très clairement à son habitude, tous les obstacles mis sur le parcours des victimes dans une société d’impunité des violences sexuelles.
Dans le même ordre d’idées, toujours, la lutte qui s’intensifie contre le système prostitueur, avec le manifeste du Conseil des femmes francophones de Belgique : http://sisyphe.org/spip.php?article4214
Toujours contre les violences sexuelles, cette fois contre les lesbiennes d’Afrique du sud, notez déjà une semaine entière de rendez-vous à Paris fin juin avec le projet « foot for love ».
Foot For love en quelques mots Cette semaine d’action donnera lieu à une série d’évènements articulés autour de la présence d’une délégation de footballeuses lesbiennes sud-africaines. Parmi elles, figurent plusieurs survivantes de viols correctifs désireuses de transmettre leur témoignage. Le Thokozani Football Club de Durban participera à un match de gala au Parc des Princes(ses), dans le cadre du tournoi b.yourself, le 24 juin. Au programme également : une action de sensibilisation aux discriminations auprès de jeunes de la région IDF; une projection-débat autour du documentaire Difficult Love ; une exposition photo de Zanele Muholi ainsi qu’une rencontre avec l’artiste.
Zanele Muholi qui sera d’ailleurs à la libraire Violette and co le 27 juin.
A l’occasion de ce projet, qui se déroule donc sur une semaine du 23 au 30 juin, les LOCs (lesbiennes of Colors), associées à d’autres organisations lesbiennes, organisent un RAL, rassemblement d’action lesbienne en leur honneur et soutien :
« Une soirée de mobilisation contre les violences et les discriminations faites aux lesbiennes, pour une solidarité concrète et pour une visibilité lesbienne plus importante.
En plus des associations, de nombreuses artistes participent au RAL 2012 : Keepers of Ka (trio vocal afro-carabéen alternatif), Dj MyV, Audrey et Sylex au slam, le groupe Aquellare (féministe latino-américain), Reya Sunchine (rythme raga ), Lo &Elements (guitare rythme ragga), Batucadadykes (groupe de percussion batucada).
RAL 2012 : le 29 juin à 18h00 à Paris, 2, rue Eugène Spuller (mairie du 3eme arrondissement)
Françoise Semiramoth, artiste-plasticienne, expose à Contemporaines
Il est donc bien difficile d’être créatrice contemporaine dans le domaine de l’image, disais-je dans mon article précédent.
Il est aussi très difficile de trouver une façon de nous représenter qui parvienne à se dégager des stéréotypes sexistes.
Est-ce pour autant impossible ? Sûrement pas. Il est juste difficile de se départir de fausses idées.
La première donc, que les femmes et les hommes auraient un même accès à la création, la production, la distribution. La première des solutions, c’est de montrer, chiffres à l’appui, que c’est faux, et placer les responsables devant les faits : et comme en la matière, il faut en général passer par la contrainte plutôt que de compter sur la prise de conscience et la bonne volonté des tenants du pouvoir potilitique et écnomique, il faut bien avoir une politique volontariste.
En continuant à organiser des manifestations « spéciales femmes ». Si les manifestations qui se croient universelles sont en fait masculines, prenons-en le contrepied. C’est ce qui justifie les festivals de films de femmes et femmes en résistance. Festival féministe de documentaires, il choisit de privilégier les films réalisés par des femmes, pour autant qu’ils ont du mal à passer ailleurs. Et à condition qu’ils soient bons. Mais cela, ce n’est vraiment pas difficile à trouver. Il privilégie aussi les films faits par des femmes qui viennent des pays dont elles parlent. Parce qu’il nous semble important que les femmes s’emparent de la caméra, de la parole, de leur histoire, et que cela ne soient ni des hommes ni des étranger-e-s qui le fassent à leur place. Sans quoi, les discours et les représentations ne changeront pas. Et l’universalisme restera occidental…
Deuxièmement, il faut encourager tout regroupement de femmes dans la production, tout formation collective, toute lutte pour être plus visible.
Etre solidaire et ne pas être en concurrence – pour faire mentir hollywood- c’est une première étape.
Ensuite, il y a la représentation en images. C’est là peut-être le plus difficile, puisqu’il faut d’abord déconstruire tous les messages. Savoir associer le message verbal et l’image qui l’accompagne. Souvent, les féministes, rompues au message et aux idées, ne se rendent pas compte des images qu’elles véhiculent elles mêmes.
Pourtant, cela semble simple, au regard de ce que je disais plus tôt : refuser le morcellement des corps, et nous rendre une tête. Ne pas céder aux sirènes de la pub et de la beauté, montrer des femmes de tous âges et de toutes origines, refuser toute allusion pornographique.
Carole Roussopoulos
Enfin, la forme cinématographique, un peu abandonnée par les féministes qui pourtant s’en étaient emparées avec la video, doit être réinvestie. La video féministe, c’est aussi un moindre souci de l’image belle, du cadre parfait, au profit de l’authenticité. Ainsi, Carole Roussopoulos n’hésitait pas à bouger sa caméra pour ne pas manquer la parole la plus juste, pour capter l’inattendu. Cela rendait peut être ses films moins grand public. Mais transformait un média de l’illusion en média de la vérité. Contrairement à la télévision et aux images photoshopées où on ne doit rien croire, là, c’est authentique.
Enfin, il faut peut-être, renoncer à l’hégémonie de la fiction. Car la fiction nie la parole, nie le point de vue par excès d’esthétique, impose des normes et des formats. Le documentaire n’y échappe pas toujours, certes, surtout lorsqu’il vient de la télé. Mais il est un espace de liberté, liberté d’expression, sur la forme, sur le fond. il est un vrai espace de création, d’invention. Il est un lieu de réappropriation par les femmes du monde dans lequel elles vivent.
Et si elles y parviennent petit à petit, peut-être même pourrons-nous alors envisager de représenter en images et en fictions les femmes, et leur sexualité, leur désir, et leur corps, le vrai, l’entier, qui est le grand absent des écrans. Et de l’histoire.
S.G
La Collective a invité SAFFIR, galerie nomade et la Galerie Paradis à participer à cette programmation nommée « Contemporaines ».
programmation vidéo réalisée avec La Collective au Studio de la Friche de la Belle de Mai 41 rue Jobin 13003 Marseille du lundi 12 au samedi 17 mars de 16 à 19h30
Ce week-end, je serai à Marseille, pour la clôture d’une semaine artistique consacrée à la création contemporaine des femmes, avec chaque jour une artiste à l’honneur.
Cette manifestation a été organisée, dans le cadre de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes : « sur le territoire du 3ème arrondissement de Marseille, un des principaux poumons culturels de la ville », par La Collective, association fondée par les artistes Françoise Sémiramoth et Gilles Benistri, et propose une programmation d’arts visuels contemporains visant à mettre en évidence la place des femmes dans la création contemporaine.
J’ai été invitée à y parler donc de ce sujet lors d’une table-ronde samedi à 17h…à quel titre? En tant qu’organisatrice du festival féministe de documentaires Femmes en résistance, je n’ai guère d’avis sur l’art contemporain…mais je peux parler de la place et des rôles des femmes dans la création cinématographique. Pas de façon universitaire ou scientifique, mais par le fruit d’une décennie d’observation du cinéma, avec en tête la question du genre. C’est un sujet qui me tien à coeur, et je pense l’aborder par deux biais complémentaires : celui de l’argent, de l’organisation professionnelle du secteur et celui de la représentation des femmes au cinéma – où comment l’esthétique véhicule un modèle de société progressiste ou rétrograde.
D’abord, pour comprendre l’aspect économique, il faut s’interroger sur la place des femmes dans le cinéma. Quels métiers occupent-elles ? Ont-elles accès, et plus qu’avant, à la réalisation, l’écriture ? Participent-elles à l’équipe technique ? Au montage ? Aux processus de décisions financiers ?
Les femmes, traditionnellement, ont surtout été scriptes et monteuses. Aujourd’hui, elles sont, en France, plus souvent réalisatrices (11%) ce qui est presque le double des autres pays occidentaux, et fait qu’on crie souvent cocorico. Elles sont encore peu nombreuses dans les équipes techniques (chef op’, son, lumière), alors même qu’elles sont parfaitement capables physiquement de porter le matériel. Enfin, si elles sont de plus en plus nombreuses en écoles de cinéma -environ la parité- elles ne reçoivent qu’une infime minorité des financements.
En effet, dans un monde du cinéma où l’argent conditionne souvent la production -et surtout aujourd’hui la distribution des films, la situation est-elle égalitaire entre femmes et hommes ? Peut-on se satisfaire, en tant que programmateur ou programmatrice, de répondre -ce que j’ai entendu souvent : je suis égalitaire, je ne regarde pas le sexe du réalisateur avant de sélectionner un film, mais uniquement sa qualité ? Dans un pays où l’esthétique cinématographique est souvent le critère absolu de la critique, qu’en est-il ?
La place des femmes dans la production et la réalisation
Dans les faits, de nombreuses réalisatrices, n’ont pas accès à de gros financements de fiction, à part quelques exceptions. Elles se tournent, grâce à la légèreté du matériel, qui n’est plus si cher à acquérir, vers l’auto-production. et vers la diffusion en festivals. Elles montent des films de bric et de broc, et souvent, faute de réseaux, leurs films n’ont pas accès aux grands festivals ou aux salles. Le revers de la médaille, c’est que si cela n’empêche pas de créer, cela ne rend pas plus visible. Car quelques films excellents, comme Stella de Sylvie Verheyde, sont reconnus comme tels à leur sortie, puis disparaissent des palmarès de l’année. Et on en entend plus parler. Le succès n’est donc pas garant d’une facillité pour un deuxième film…
Même de grandes réalisatrices, comme Pascale Ferrand, ont parfois eu du mal à obtenir le financement de leurs films. Or, ou parce que, les films qui obtiennent les financements, sont extrêmement formatés sur « ce qui marche ». Et ce qui marche, dans l’histoire du cinéma, c’est « des films d’action », « des films sentimentaux bleuettes… », etc… Ainsi, les stéréotypes véhiculés par le contenu sont des critères du financement. Les décideurs et les réalisateurs étant majoritairement des hommes, les critères esthétiques du cinéma ayant été déterminés par des hommes, quelle place reste à une autre création ? A une vraie création ?
En résumé, la question économique et de pouvoir au sein du secteur a-t-elle une influence sur le type de films réalisés par des femmes ? Entre fiction et documentaire ? Entre fiction grand public ou d’auteur-e-s ? Et à leur accès au « marché » du cinéma ?
Ce qui mène à la seconde partie d’une réflexion qui me tient particulièrement à coeur : en conséquence de ce contexte, que filment les femmes ? Quelle place les femmes occupent-elles dans le contenu de la création cinématographique contemporaine ? Comment les femmes sont-elles représentées à l’écran ? L’image des femmes au cinéma ne véhicule-t-elle pas une politique réactionnaire et contraire au principe d’égalité entre les femmes et les hommes ?
Hollywood et le cinéma, l’invention de la femme-objet ?
Pour comprendre les images du cinéma, il faut revenir sur son histoire : éclos au début du XXe siècle -donc aussi au moment où émerge fortement la revendication suffragiste, il pourrait être un outil formidable pour une représentation égalitaire de la société. Une femme, Alice Guy, a été la première réalisatrice de fiction, d’ailleurs. Elle a été totalement écartée de l’histoire du cinéma, alors qu’on se souvient de Georges Méliès jusque dans les grandes productions hollywoodiennes.
Ainsi, ce qui aurait pu être un outil de progrès féministe, s’est transformé en outil conservateur. Le cinéma qui devient dominant, la fiction hollywoodienne, est très stéréotypé et marqué par un code de censure puissant. En termes de genre, de classe et de race, il est un outil ultra-conservateur pour ne pas dire réactionnaire. Ainsi, pour parler des femmes, elles sont devenues des objets au cinéma, et de plus en plus au fur et à mesure que la publicité a pris le pouvoir sur la culture.
Un premier curseur – le nombre de femmes réalisatrices mentionné tout à l’heure, est important. A l’époque où Delphine Seyrig tourne « Sois belle et tais-toi » interrogeant des actrices américaines sur leurs rôles, quasiment seulement des hommes écrivent et réalisent des films. On ne s’étonne donc qu’à moitié que les femmes n’y soient que des faire-valoir de grands héros masculins. Qu’elles soient moins payé-e-s. Qu’on retienne essentiellement le glamour, l’attirance de leur corps et pas leur personnalité ou leur action dans le film. Elles n’ont jamais de grands rôles centraux.
Aujourd’hui, qu’en est-il ? Il y a plus souvent des premiers rôles pour des femmes, certes. Il faut bien renouveler les histoires. Mais même dans des films avec plusieurs femmes au centre, si l’on analyse en détail, il y a peu d’évolution. Même dans de nombreux films réalisés par des femmes, le sujet principal de préoccupation reste l’homme. Bien sûr, il y a des exceptions, je pense à Stella, ou Louise Wimmer, ou aux films de Jane Campion.
Alors pour montrer que ceci n’est pas une simple impression de féministe, il y a l’insuffisamment célèbre « Bechdel Test ». Un film passe le bechdel test si :
-il y a plus d’une femme dans un film
-il y au moins deux femmes qui se parlent
-elles se parlent d’autre chose que d’hommes (leurs mari, père, fils, frère, ami…)
Et aujourd’hui comme il y a quelques décennies, le constat est accablant. Un chiffre : sur les 9 films nominés aux Oscars, seuls deux le passaient. Lesquels ? un film qui parlent essentiellement des femmes, La couleur des sentiments, et « The descendants », le film avec George Clooney. Tous les autres, y compris The Artist, ne le passent pas.
Je n’ai pas fait le test avec les César, puisque je n’ai pas vu suffisamment des films nominés. Mais si l’on prend le film qui a eu le plus de succès en France l’an dernier, Intouchables, malgré la présence de personnages féminins qui se parlent entre elles, elles ne se parlent que des deux héros, des hommes.
Une culture gangrenée par la publicité et la pornographie
Le plus terrible, pour moi, est comment la publicité et la pornographie qui l’inspire influent sur la culture. Ainsi, malgré plus d’un siècle de représentation des femmes en images animées ou fixes au travers de la publicité et des magazines, il y a une représentation dominante, et une gangrénisation par la « culture » pornographique, qui vient multiplier la règle millénaire de mise à disposition du corps des femmes au service de la sexualité des hommes. Si vous faites attention aux affiches, vous vous rendrez compte non seulement que le corps des femmes est transformé, corrigé, donc violenté : par la chirurgie esthétique (vous avez peut-être entendu le témoignage d’Emmanuelle Béart à ce sujet, qui explique comment les femmes sont aiguillées à trouver une solution à leur manque de confiance en elles ou d’estime de soi par la chirurgie esthétique, et cela à un niveau sans équivalent dans le show biz), le maquillage, et photoshop. Le corps des femmes est en outre morcelé : Infidèles, Hasta La Vista, sont des exemples récents flagrants de sexisme : les femmes sont des jambes, pour le plaisir des hommes . Dans le film porno il y a en outre ce qu’on appelle le cadrage porno du nombril au haut des cuisses avec au centre le sexe. Il y a sinon des dos, des corps entiers parfois…mais très très souvent, il manque juste un petit détail…la tête !!
Les femmes n’ont pas de corps entier -leur corps est découpé comme de la viande. Et elles n’ont pas de tête. Jusque dans des représentations accompagnant des manifestations féministes. Pour dire à quel point l’imaginaire de toutes et tous est pollué par cette invasion d’images (en outre véhiculée en masse par les magazines féminins).
Or, je l’ai déjà dit ici. Qu’est-ce qu’une femme sans tête ? C’est une morte. Qu’est-ce qu’une morte en survie ? C’est un objet. Qu’est-ce qu’un objet ? C’est une chose qu’on peut acheter, tordre dans tous les sens, avoir à disposition.
Alors tout est-il si catastrophique dans la représentation et la création contemporaine ?
Existe-t-il des voies vers la liberté et une autre représentation ? Que faire face à cela ?
Peut-on représenter les femmes ?
Oui, je pense qu’il y a des autres représentations possibles. Qu’il nous faut y travailler, parce qu’on est très loin de savoir faire. J’explorerai demain dans la troisième partie de ce papier, quelles sont celles qui me viennent à l’esprit : la parole, le documentaire, l’action collective. D’où l’importance de manifestations comme celles-ci.
S.G
La Collective a invité SAFFIR, galerie nomade et la Galerie Paradis à participer à cette programmation nommée « Contemporaines ».
programmation vidéo réalisée avec La Collective au Studio de la Friche de la Belle de Mai 41 rue Jobin 13003 Marseille du lundi 12 au samedi 17 mars de 16 à 19h30
Il y a tant d’initiatives, dont je voudrais parler…que je pourrais faire 3 billets par jour, rien que pour vous en informer !
Alors aujourd’hui, je vais faire un billet « en vrac », parlant de tout et…surtout pas n’importe quoi : de choses diverses, mais passionnantes, utiles, indispensables…
D’abord, un petit coup de chapeau au « collectif les moutons noirs », qui a son blog (que je vous conseille vraiment de visiter), sa page Facebook, et agrège une trentaine de talents (quelques femmes parmi elles, dont M’zelle Eve) pour dire en dessin ce que la société ne veut pas entendre. Et va faire paraître au printemps cet ouvrage collectif : « rien vu, rien entendu ». Il s’agit bien sûr de dénoncer le tabou de l’inceste : puisque la société ne veut pas entendre, les moutons noirs le disent, le dessinent, le crient sur tous les toits !
Dans le même ordre d’idées que la manifestation du 10 mars à Bastille à 13h30 pour la prise en charge des victimes d’inceste et de pédocriminalité – c’est d’ailleurs un mouton noir qui a fait l’affiche : « Il est temps d’élever nos voix ! Il est de notre responsabilité à toutes et à tous de protéger nos enfants des violences sexuelles ». C’est l’objet de la manif, pour laquelle vous retrouverez toutes les infos ici.
Avant cette manifestation, le 22 février, ce sera la journée des victimes. A 13h, un flashmob et un lâcher de ballons au Trocadéro, et un village ouvert avec des ateliers de prévention. Attention, pas de confusion : le but d’une journée européenne des victimes, ce n’est pas de célébrer une idéologie victimaire, mais juste le contraire : dire qu’on peut avoir été victime un jour, mais que ce n’est pas pour toujours, comme je l’écrivais l’an dernier.
Enfin, pour être un peu moins parisienne, une info marseillaise, à noter pour le mois prochain :du 12 au 17 mars au studio de la Friche de la Belle de Mai à Marseille, une exposition « contemporaines », dans le cadre de la journée internationale des femmes, tous les après-midi de 16h à 19h30, une artiste contemporaine sera mise à l’honneur : CLAIRE DANTZER, GASC DEMOLITION MÉGALO, JAVIERA TEJERINA-RISSO, MÉLANIE TERRIER EMMANUELLE SARROUY, et FRANCOISE SEMIRAMOTH, dont je vous avais parlé ici et dont je vais enfin pouvoir voir le travail « en vrai ».
En effet, le samedi, aura lieu une table-ronde, à laquelle je participerai pour le festival femmes en résistance, pour parler de l’accès toujours si difficile des femmes à la création contemporaine…financements moindres, visibilité moindre, distribution moindre, lors d’une table-ronde où seront également présentes : • Françoise Donadieu, écrivaine, Didier Gourvennec-Ogor, directeur de la galerie Gourvennec-Ogor • Patricia Guanel, danseuse contemporaine, Nathalie Heinich , sociologue , Sonia Jossifort, Administratrice de – H/F Ile-de-France, association pour la parité dans les
domaines de l’art et de la culture, Lydie Marchi, directrice de SAFFIR, galerie nomade et co-fondatrice de La Ruche.