Abolition de la prostitution : l’imposture médiatique !

Vous connaissez Dominique Noguez ? Moi je viens de le découvrir. Il a 70 ans, sa bio le dit écrivain, docteur en esthétique, spécialiste du cinéma.
Il semblerait donc que cela lui donne les lettres de compétence pour « repenser la prostitution » dans Le Monde.

Après Pascal Brückner, Philippe Caubère, en voici encore un dont la compétence de terrain, l’argument d’autorité est celui-ci : je suis un homme, j’appartiens à la classe des dominants, en plus je suis un « homme de lettres », alors il faut m’écouter. Quand je vous dis qu’en face, il n’y a que des groupuscules non représentatifs, du haut de ma grande représentativité, il faut m’écouter.

On pourrait croire, dans notre monde qui se dit avancé, que ces arguments d’autorité sans fond, seraient un peu mieux discernés par nos médias.
Ce serait sans compter sur la réalité de notre société. Or, nous, qui nous battons pour l’abolition, nous voulons baser nos arguments sur des réalités.
Force est donc de constater la chose suivante : aujourd’hui, dans des journaux, fussent-ils historiquement reconnus comme de qualité, à 100% détenus par des hommes, contrôlés et dirigés par des hommes, mais surtout, de ceux qui sont les plus dominants, il ne faut pas compter sur sa compétence pour avoir droit d’être cité. Il faut être vaguement connu, être un homme, et défendre le système prostitueur.

La compétence, cela pourrait être d’être sur le terrain, depuis des années, dans la lutte contre les violences masculines faites aux femmes, violences sexistes et sexuelles à répétition, ce que sont les associations que M.Noguez critique dans son texte. Mais non, dans ce cas-là, difficile d’avoir accès aux tribunes, sauf à devoir répondre au flot incessant d’inepties publiées.

La compétence, cela pourrait aussi être d’avoir réalisé un film documentaire après des années de recherche auprès des personnes prostituées, d’une qualité formelle et de fond absolument remarquables, comme l’a fait la québecoise Eve Lamont avec L’imposture. Des télévisions, voudraient pouvoir nourrir le débat actuel en le diffusant. Ce serait très exactement ce qu’une mission de service public pourrait vouloir dire. Mais non. Elles préfèrent faire des talk-shows qui donnent la parole à ceux-là même qui contrôlent le circuit et la demande : les prostitueurs, ceux qui décident que leur liberté compte plus que la vie des femmes, en payant pour acheter l’impunité d’un viol.

Ceux-là  vont aller raconter qu’en Suède, les viols auraient doublé depuis la loi d’abolition de la prostitution. Foutaise absolue : on met en relation deux faits sans aucun preuve d’un lien de cause à effet.
Surtout, on pourrait très exactement arguer du contraire : le fait que le nombre de plaintes pour viols augmente, ce serait un signe de progrès ! Cette année, avec Pas de justice, pas de paix, nous avons expliqué qu’il y avait tous les ans, en France, 70.000 femmes qui ne portent pas plainte. Moins de 10% qui le font. Alors, 90% dont une bonne partie, demain, dans un pays qui les prendrait au sérieux, porterait plainte, cela entraînerait bien plus qu’un doublement des statistiques. Et cela n’aurait RIEN A VOIR avec une loi d’abolition.

Trêve d’imposture !

Mais nous sommes dans une société d’apparence. Et le fait que M.Noguez soit un esthète, qui cite de la réalité de la prostitution Proust ou le cinéma, est bien la preuve de la quadrature du cercle :

Oui, depuis des millénaires, des hommes violent des femmes, dans la prostitution, la pornographie et ailleurs, et organisent leur impunité et le silence qui va autour en nous racontant des histoires, au travers de « l’art » et de l’ésthétique. A tel point qu’en France, dans le cinéma, l’esthétique l’emporte systématiquement sur le fond, travestissant la réalité. Pour nous faire croire qu’on parle d’art, de liberté ou de cinéma. Quand en fait, on dissimule le plus monstrueux des crimes contre l’humanité…

Sandrine Goldschmidt

et Typhaine Duch

La Barbe à DSK !

Bravo à La Barbe à Cannes !

Vous vous souvenez de ces photos de Strauss-Kahn avec une Barbe, au moment où il semblait qu’il quittait la scène après que finalement, ses soutiens les plus proches finissent par lui tourner le dos (suite à l’affaire du Carlton) ? Ou de cette image de lui mal rasé qui avait tant choquée ses amis lors de son arrestation ?

Eh bien, il semblerait que l’homme a repris du poil de la bête…et ne veuille en finir de nous imposer sinon sa face barbue du moins son attitude viriliste…

Alors je pense qu’il va falloir que nos amies de La Barbe (voir photo de leur action courageuse à Cannes) songent à lui en affubler une nouvelle. Si contrairement à Samson lui couper les cheveux ne semble l’exhorter à se taire et à nous entendre.
Quand je dis nous, je parle de la classe des femmes, c’est de cette définition que je parle  : pour  qui  » le destin de chaque femme – peu importe son appartenance politique, sa personnalité, ses valeurs, ses qualités – est lié au destin de toutes les femmes qu’elle le veuille ou non ». Eh bien il semble que ce soit aussi le cas pour la juge qui interroge le bonhomme à propos des soupçons de viols en réunion.

Voici ce que selon Le Monde, il lui aurait expliqué à propos du libertinage.

« J’ai souvent vu des jeunes femmes habillées comme vous et moi qui se changeaient à leur arrivée d’un club libertin pour mettre une tenue plus affriolante et cela n’en faisait pas des prostituées », explique-t-il. (lire l’article du Monde en PJ) ».

Nous, classe des femmes, savons bien ce que cela signifie. Cela nous arrive toujours, lorsqu’un homme veut nous intimider. Et nous faire croire que son comportement est normal. Il utilise l’implication personnelle. Il ose même le faire devant une représentante de la justice. Alors c’est sûr, c’est bien la preuve qu’il « aime les femmes ». Ou plutôt que rien ne l’arrête dans sa volonté de « prendre le dessus » .

C’est bien la preuve (ironie désespérée) aussi, comme l’a dit en son temps notre nouveau ministre de l’économie Pierre Moscovici à propos de son ami : « je n’ai jamais senti chez lui de violence ». Ah, c’est sûr, il n’est pas une femme. Nous, oui. Et la violence, dans cette simple attitude vis-à-vis de Mme la juge Stéphanie Ausbart à qui il se permet de « donner des leçons de libertinage », nous la connaissons.

Et alors qu’Anne Mansouret, la mère de Tristane Banon, vient d’être exclue du PS (pour des raisons électorales), on se dit qu’on ne nous a toujours pas dit si lui y avait toujours sa carte. En tout cas à ma connaissance, il n’en as pas été exclu.

Ce qui me fait méditer aussi sur cette phrase, même si l’intéressé, mis en examen pour proxénétisme affirme avoir « la prostitution en horreur » : « Les hommes qui apprennent à maltraiter les femmes via la prostitution et la pornographie sont des dangers pour toutes les femmes, où qu’elles se trouvent, pas seulement dans leur chambre à coucher, et quels que soient leurs statuts respectifs « .(1)

Alors avec nos amies velues qui font parler d’elles jusqu’outre-Atlantique, nous lui disons « LA BARBE ».

S.G

(1)http://www.feministes-radicales.org/are-women-human/are-women-human-what-prostitution-does-to-our-lives/

Pas de justice pas de paix, la presse en parle, grâce à vous !

Grâce aux centaines de témoignages publiés sur le hashtag twitter #jenaipasportéplainte,

que nous avons lancé jeudi matin et a connu un grand succès presqu’immédiat, au point de déchaîner les trolls…

qui n’ont fait que confirmer la justesse de notre combat, la presse s’intéresse de plus près à Pas de justice pas de paix.

Car tous ces tweets qui prennent à la gorge et aux tripes, sont exactement l’illustration et la preuve de ce que nous avons voulu avec cette campagne : c’est l’ensemble de la société, justice et institutions comprises, qui empêchent la parole de se libérer, les victimes de porter plainte.

Grâce à vous, notre propos que vous avez pu suivre depuis le 1er mars se voit confirmé. Merci infiniment pour cette participation. Ces témoignages ne resteront pas sans suite. Nous les publierons d’une façon ou d’une autre en préservant l’anonymat de toutes et tous, et nous continuerons le combat, pour que justice et réparation vous soient rendues !

Pas de justice, pas de paix !

Les principaux médias qui ont parlé de nous :

http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/03/24/sur-twitter-le-succes-d-une-campagne-contre-le-viol_1675150_3224.html?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter#xtor=RSS-3208001

http://www.terrafemina.com/societe/solidarites-engagement/articles/12141-qpas-de-justice-pas-de-paixq-fait-parler-les-twitteuses-jenaipasporteplainte.html

http://www.elle.fr/Societe/News/Viol-sur-Twitter-les-victimes-brisent-le-silence-1971700

http://www.madmoizelle.com/jenaipasporteplainte-hashtag-twitter-95184

http://fr.news.yahoo.com/twitter-victimes-viol-expliquent-pourquoi-nont-port%C3%A9-plainte-165259320.html

http://www.roomantic.fr/controle-d-une-breve-125-campagne-il-m-a-menacee-de-mort-je-n-ai-pas-porte-plainte.html

Les langues se délient…timidement

Dans Le Monde, Sylvie Kaufmann, directrice éditoriale -donc, femme en situation de pouvoir- dans un milieu (celui de la presse) encore très largement dirigé par des hommes, s’est livrée à une analyse de ce que révèle l’affaire DSK.
Elle affirme que les journalistes doivent se remettre en cause, qu’il y a du débat, jusqu’au sein de la rédaction du Monde. Tant mieux! En revanche, je trouve qu’elle reste encore bien timide lorsqu’elle affirme que la solution-miracle est la parité.

« L’exigence de la parité Soudain, les langues se délient. Journalistes et collaboratrices des hommes politiques racontent la « séduction » masculine au quotidien, et surtout ses dérives. Sans tomber dans le puritanisme, il existe un remède à ces dérives : la parité hommes-femmes ».

les guillemets montrent bien qu’on a quand même bien du mal à sortir de notre culture : la « séduction » entre guillemets, cela veut dire que peut être, mais seulement peut-être, la séduction n’aurait pas sa place en politique ? Parce qu’il n’y a pas que les « dérives » de la séduction (harcèlement, viols, qui sont délits et crimes), qui sont en cause. La politique est-elle un lieu approprié de la séduction (malheureusement, bien trop souvent…) ? Y a-t-il place au travail en général pour la séduction ?

Dans les métiers qui se sont féminisés, dans la presse, dans le milieu hospitalier, des comportements communément admis il y a trente ans, ceux de rédacteurs en chef à l’égard de jeunes recrues féminines, ceux de médecins à l’égard des infirmières, sont de moins en moins tolérés. Les hommes, tout simplement, osent moins lorsque les femmes sont plus nombreuses et – c’est crucial – au même niveau d’autorité qu’eux.

Car en fait, « ces comportements communément admis il y a trente ans (…) sont de moins en moins tolérés » ? C’est peut-être pire en politique, puisqu’on est dans un système ou prendre le pouvoir pousse parfois à utiliser tous les moyens, mêmes déplacés (séduction, harcèlement, violence plutôt que travail de fond et conviction). Il suffit de lire « Vie de meuf« , ou « chroniques du sexisme ordinaire » de Brigitte Grésy pour avoir de sérieux doutes. En réalité, expliquer ces comportements par le manque de parité (voir ci-dessous), me semble un peu court. C’est dédouaner les hommes d’une vraie réflexion sur leur façon de se comporter avec des femmes, en oubliant de voir que ce sont des êtres qualifiés et doués de pensée, à même de contribuer à la collectivité et pas seulement des objets de séduction. Et c’est aussi une façon de dédouaner les femmes d’une vraie vigilance à ne pas rentrer dans le jeu, accepter des remarques déplacées, à leur encontre et surtout à l’encontre des autres. Aucune remarque déplacée, sexiste, raciste ou concernant l’orientation sexuelle ne devrait nous faire rire. Enfin il me semble que cela n’encourage pas la société à utiliser l’outil de la plainte pour harcèlement, sexuel ou moral, qui a tant de mal à s’imposer.

« La politique a, jusqu’ici, réussi à échapper à la féminisation. Quelques figures de proue ne suffisent pas : Martine Aubry et Christine Lagarde à elles seules ne changeront pas des habitudes si confortablement installées. Si, en revanche, le nombre de députées était plus proche de 280 que de 113 sur 577, les couloirs de l’Assemblée nationale seraient plus policés. Et notre vie politique et médiatique certainement plus saine. »

Si la parité est indispensable, on ne peut se contenter d’elle (la mixité dans les écoles, indispensable, mais sans éducation aux stéréotypes et aux comportements non sexistes, a elle-même les travers que l’on sait…). C’est vrai, ni Martine Aubry ni Christine Lagarde seules ne changeront les choses (à imaginer qu’elles le souhaitent), mais le fait qu’il y ait moitié de député-es femmes n’y suffira pas non plus. Il faut aussi travailler au quotidien à nous convaincre les un-es et les autres, que ces comportements ne sont pas acceptables. En témoignant pour les personnes victimes, en  disant qu’une blague déplacée n’est ni drôle ni appropriée. Qu’un responsable, même important pour une cause, sera mis en cause s’il abuse de son pouvoir. Le plus grand danger auquel on sera confronté-e est d’être, en effet, accusé-e de puritanisme, voire d’être moral-e ! Après tout, il y a pire dans la vie. Etre harcelé-e, par exemple, ou violé-e.

S.G