Grandir : un spectacle à soutenir

Dès 2010, je vous parlais ici de La nébuleuse du crabe, compagnie dont fait partie Rebecca Bonnet, une amie artiste, comédienne et féministe, qui inteprétait « récits de femmes et autres histoires », avant ensuite d’interpréter le « monologue de Médée » sur la scène de Femmes en résistance (l’extrait est à la salle Olympe de Gouges) :

Aujourd’hui, Rebecca Bonnet écrit un spectacle, intitulé « grandir ». C’est sa première écriture, sa première création, qu’elle interprétera très bientôt. Pour aider à boucler le budget, elle lance un appel à soutien ici. 

En donnant, ne serait-ce que 10 ou 20 euros, ou plus (que vous pouvez défiscaliser), vous lui apporterez un grand soutien. Il reste 45 jours pour réunir en tout 2700 euros (tout sur l’utilisation de l’argent donné est expliqué sur le site).

Sa pièce, « GRANDIR », est pour tout public à partir de 7 ans :

Jeanne a sept ans. Enfin huit puisqu’aujourd’hui c’est son anniversaire. Petite fille insouciante sa vie coule en douceur. Un jour, au détour d’un écran allumé sur le monde, elle va en découvrir la part sombre, celle faite de guerres et de violence.

Et quand l’enfance rencontre la peur, la première s’en sort comme elle peut. Jeanne va chercher à se protéger de ce qu’elle découvre et ne comprend pas.

Être grande ? Un danger à éviter à tout prix. Alors elle va prendre la plus importante décision de sa courte vie de 2 520 jours : arrêter de grandir.

Mais les saisons défilent, et les inconvénients de cette décision radicale ne tardent pas se faire à sentir, l

e fossé se creuse et la solitude après avoir été supportable devient étouffante.

Alors ? Se risquer au monde. Grandir de nouveau. Accepter le mouvement de la vie. Que si les arcs en ciel sont si beaux c’est parce qu’ils sont faits de soleil, oui, mais aussi de pluie. Et que sans cette dernière leur beauté nous est invisible.

Rebecca explique la genèse de la pièce ici :

« J’ai commencé a écrire cette histoire, il y a deux ans. En Tunisie commençait la révolu- tion du Jasmin suivie de toutes les révoltes du monde arabe. elle m’a été inspirée par un conte de Paul Eluard. j’ai donc décidé de mêler sa poésie à l’histoire ».

Des représentations sont d’ores et déjà prévues, et j’ai hâte d’y être, pour vous reparler plus longuement de la pièce elle-même !

Les 10 et 13 mai 2013 à Poitiers

Les 6 ,7, 8, 11 et 12 juin 2013 à Viry-Châtillon

Pour celles et ceux qui pourront participer à la collecte, toutes les explications sur l’utilisation de l’argent sont données sur le site cité ci-dessus.

 

Gouttes dans l’océan, de Fassbinder, à partir de jeudi !

Voilà, j’arrive trop tard pour que vous puissiez avoir des places pour les représentations de jeudi et vendredi, qui sont complètes.
Est-ce l’effet des féministes qui vont soutenir l’une des leurs,  Typhaine Duch ?
En tout cas, nous y serons, nous femmes en résistance, jeudi ou vendredi ou samedi.
Car il reste des places pour samedi et pour le dimanche 22 avril, pour en savoir plus, voici toutes les infos ci-dessous ! Et puis quand je l’aurais vu, je vous parlera de la pièce, il paraît qu’elle est féministe…et puis c’est Fassbinder, qui a fait « les larmes amères de Petra Von Kant », alors… et le metteur en scène a vu L’imposture d’Eve Lamont…donc…

cela mérite ce petit coup de pub !

Gouttes dans l’océan

     Mise en scène
Sylvain Martin
Leopold, trente-cinq ans, a ramené chez lui Franz, vingt ans, dans le but de coucher avec lui. Franz est fiancé à Anna. Leopold, après avoir vécu avec Vera pendant sept ans, a découvert que la seule chose qui lui procurait du plaisir était le sexe, particulièrement avec les garçons. Franz s’ennuie avec Anna, mais il croit toutefois être heureux. A vrai dire, cette question ne le trouble pas trop. Car qu’est-ce que le bonheur ? Et en a-t-on vraiment besoin pour vivre ? Fassbinder nous offre ici une expérience à la fois de la comédie (de l’amour) et de la tragédie (de la mort). Rien de tout cela n’est grave semble-t-il vouloir nous dire. Peut-être, dans cette vie, ne peut-on saisir que quelques instants de bonheur ? Peut-être, le vrai bonheur ne se vit-il qu’en rêve ? Voilà le questionnement que nous tentons ici de poser.

4 personnages.
Durée : 1h45.

au Théâtre de Verre (17 rue de la Chapelle 18ème, métro Marx Dormois) / code du portail d’entrée : A2546
les 12 et 13 avril à 20h ; et 14 avril à 18h00
Réservations : theastrecontact@gmail.com
Tarif : 10€ non-adhérantEs, 7€ adhérantEs – possibilité d’1 exo pour 5 plein tarifs (si vous comptez venir à plusieurs)
et à l’Art Studio Théâtre (120 bis rue Haxo 19ème, métro Télégraphe), à l’occasion Festival Un Printemps de la Création
le 22 avril à 17h (attention : jour du premier tour des élections présidentielles !)
Réservations : theastrecontact@gmail.com
Tarif : 12€ plein tarif, 10€ pour les chômeuses-rs, moins de 25 – possibilité d’1 exo pour 5 plein tarifs (si vous comptez venir à plusieurs)

« Auschwitz et après », d’après « une connaissance inutile » de Charlotte Delbo

Le spectacle se termine par ce texte (voir ci-dessous) : « prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants ». Quelques phrases, une intensité boulversante, une émotion devant « ce point noir sur la carte c’est Auschwitz. on sait cela et pour le reste on croit savoir », comme a écrit Charlotte Delbo.

Les vivants ont cru savoir, les survivants ont cru qu’ils pourraient dire. Mais il est rare qu’on ait voulu les entendre, qu’on ait pu les écouter. Les textes de quelques uns, Primo Levi en tête, ont permis tout de même que leur mémoire nous parvienne. Ceux de Charlotte Delbo, résistante française, déportée en 1943 à Auschwitz, puis transférée à Ravensbrück, jusqu’à la libération du camp par la Croix Rouge en en sont aussi. Bouleversants, concrets, sensoriels, parfois poétiques, ils ont été mis en scène par Laure Compain-Tregouët dans la pièce « Auschwitz et après », tirée du livre de Charlotte Delbo, « une connaissance inutile ».

Joués par trois comédiennes qui sont des portes voix des mots de l’auteure, ils nous disent comment elle a vécu en enfer, comment elle a survécu, comment son  amour des textes et du théatre -elle se récitait le misanthrope en entier pendant l’appel- l’ont accompagnée au camp.

Un spectacle fort, presque trop court, (1h05), joué jusqu’au 14 mai les mardi et dimanche au théatre de Nesles à Paris.

Prière aux vivants pour leur pardonner d’être vivants
Je vous en supplie
faites quelque chose
apprenez un pas
une danse
quelque chose qui vous justifie
qui vous donne le droit
d’être habillé de votre peau de votre poil
apprenez à marcher et à rire
parce que ce serait trop bête
à la fin
que tant soient morts
et que vous viviez
sans rien faire de votre vie.
Je reviens
d’au-delà de la connaissance
il faut maintenant désapprendre
je vois bien qu’autrement
je ne pourrais plus vivre.
Et puis
mieux vaut ne pas y croire
à ces histoires
de revenants
plus jamais vous ne dormirez
si jamais vous les croyez
ces spectres revenants
ces revenants
qui reviennent
sans pouvoir même
expliquer comment.
Charlotte DELBO

Des mots et des arts… contre les maux

Jolie rencontre organisée hier à la médiathèque Yourcenar, dans le 15ème arrondissement à Paris.

Avec Marie Moinard, pour la bande dessinée « En chemin elle rencontre », dont le deuxième volume vient de sortir. Et l’auteure, la metteure en scène et l’interprète de « La douceur du velours », Christine Reverho, Panchika Velez et Sophie de La Rochefoucauld.

Dans le cadre des manifestations du 8 mars, l’échange a été très intéressant, mettant bien en lumière comment la mobilisation autour des violences a à gagner de l’investissement des domaines artistiques, qui permettent de libérer la parole.

Belle rencontre aussi entre le monde du théatre et de la BD, où rapidement est apparu que le monologue de cette femme assassinée par son conjoint, écrit par Christine Reverho comme un effeuillage, destiné à libérer la parole et rendre visible  les violences faites aux femmes (au départ, rien n’indique que cette femme a été victime de violence et est morte, on ne le découvre qu’à la fin), avait son équivalent dans une planche de la bande dessinée, où est vue une femme « normale », avec un imperméable, et puis, la même, sans cet imperméable, avec des traces de coups et de bandage sur toutes les parties du corps qu’on ne voyait pas dans l’image précédente.

Rendre visible, libérer la parole tout en ayant des hautes qualités artistiques, c’est ce que réussissent ces deux oeuvres, avec des artistes à la recherche d’une grande authenticité : Sophie de La Rochefoucauld, militante et féministe convaincue, comédienne, qui a dit son plaisir de pouvoir « allier son militantisme et son métier », et combien cela avait rajouté au travail une exigence d’authenticité.

Et, grâces à ces oeuvres, la possibilité de toucher -enfin- un public qui a du mal à être sensibilisé. C’est le cas d' »En chemin elle rencontre ». Marie Moinard, directrice des éditions Des ronds dans l’O, qui a su embarquer dans l’aventure des hommes, qui osent se dire féministes, qui s’engagent à ses côtés pour dénoncer les violences faites aux femmes, auprès d’un lectorat très majoritairement constitué d’hommes. Qui a aussi osé parler, en bande dessinée, d’un sujet complexe avec la mise en image d’une interview de Muriel Salmona, présidente de l’association mémoire traumatique et victimologie. La pièce aussi, où, raconte Christine Reverho, elle a vu ces hommes, archétypes du macho, en larmes à la fin du spectacle.

La rencontre était intitulée des « mots contre des maux, regards croisés de la bande dessinée et du théatre dans la lutte contre les violences faites aux femmes ».  Oui, l’expression artistique peut se conjuguer avec l’expression politique au sens large du terme, et on pourrait en ajouter d’autres, comme le cinéma, et la chanson, avec Agnès Bihl, qui a donné le texte de l’extraordinaire chanson « Touche pas à mon corps » pour qu’il soit illustré dans la BD.

« La douceur du velours », jouée à Paris à l’automne dernier, va maintenant vivre sa vie en province (d’abord à Avignon), auprès de publics variés. « En chemin elle rencontre », les deux volumes, sont dans toutes les bonnes librairies…
S.G

Sur les photos (merci à François) , de gauche à droite : Panchika Velez, Christine Reverho, Sophie de La Rochefoucauld, S.G, Marie Moinard, Fatima Lalem)

Les lois de la gravité

Comment parler des « Lois de la gravité » sans vous raconter l’histoire ? Allez, j’en dis le strict minimum, ce qu’on apprend dans les 5 premières minutes. Il est 21 heures au commissariat, le lieutenant attend minuit pour être en repos…arrive une femme, valise à la main, qui vient se dénoncer : elle a tué son mari, il y a des années. C’était un mari violent, et spécialiste des tentatives de suicide, elle n’a eu qu’à le pousser légèrement pour qu’il tombe, debout sur le congélateur près de la fenêtre.

La pièce se passe donc dans ce commissariat où le lieutenant doit prendre la plainte, mais ne veut vraiment pas l’arrêter. Parce qu’outre le fait qu’il espérait être tranquille, il a du mal à trouver que cette femme qu’il a devant lui est bien coupable, et ne comprend pas qu’elle veuille à tout prix se dénoncer, risquant de son plein gré 20 ans de réclusion. Peu à peu, la situation révèle le mal-être du policier et met en lumière celui de cette société qui crée tant de culpabilité, en particulier chez les femmes, et chez les femmes victimes de violence. Mais le sujet de la pièce, ce n’est pas directement la violence à l’encontre des femmes, qui finalement n’est qu’une toile de fond. Cette femme qui doit devenir l’accusée d’un meurtre et celle qui va être condamnée, semble au policier bien innocente, lui qui s’est souvent arrangé avec sa conscience, sa propre culpabilité, et qui est le premier témoin d’une société malade.

C’est lui le véritable sujet de la pièce, tout est vu par ses yeux, c’est lui dont Jean Teulé a raconté l’histoire. C’est très réussi, c’est bien écrit, joué, mis en scène…j’aurais, forcément, aimé que le personnage de la femme qui se livre à la police, se livre un peu plus justement, soit plus présent par moments…et il serait très intéressant d’avoir le même récit, écrit aussi avec le point de vue de la femme, avec un regard de genre, et pourquoi pas, un regard féministe..mais alors ce serait une autre pièce…

S.G

« Les lois de la gravité », de Jean Teulé, mise en scène Elizabeth Sender, adaptation Marc brunet, avec Marc Brunet, Christian Neupont, Hélène Vauquois.

Les vendredi et samedi à 21 heures, le dimanche à 17h

A la manufacture des Abbesses, 7, rue Véron, Paris 18ème Métro Abbesses ou Blanche.

Modèles : les (plus jamais !) mignonnes

Dans MODÈLES, « quels sont les modèles qui construisent notre féminité en 2011? », premier volet de la trilogie du nouveau théatre de Montreuil sur le thème « Que deviennent les femmes ? », une des actrices reprend la chanson de Barbara « les mignons ». Génie des paroles de Françoise Leroux interprétées par Barbara (qui, dans cette vidéo, se trompe dans les paroles de la première phrase, on le voit dans son regard) « avec des yeux plus grands que le ventre, avec des mots plus grands que le coeur, ils entrent dans notre existence, côté tendresse côté coeur…), façon « d’égratigner les hommes« , comme dit la voix off.

Les hommes sont assez peu présents dans la pièce, à part pour être « égratignés » de cette façon…mais c’est le système de domination masculine qui est avant tout désigné comme le responsable du fait que les femmes, alors même qu’elles ont gagné l’avortement, la contraception, l’éducation où ce sont elles qui réussissent le mieux, l’indépendance financière (mais à la limite du seuil de pauvreté), la possibilité d’atteindre tous les secteurs (mais à des postes subalternes), sont toujours « en équilibre instable sur un fil au dessus de la mort. »

Et les femmes, immanquablement, se soumettent à des modèles qui leur tombent brutalement dessus dans l’enfance, l’éducation, sous le coup de la violence masculine (V.Despentes qui raconte le viol dont elle a été victime) et de la violence extrême du sexisme ordinaire.

Un des intérêts du spectacle, c’est son écriture collective et multiforme. Ainsi, le ton engagé est très clairement identifié par des interprètes qui jouent des grand-es auteur-es interviewés au loin, dans un studio. Leur interview est diffusée en même temps en gros plan sur grand écran. Sont choisi-es pour incarner la pensée théorique des figures féministes que certain-es pourront contester : Pierre Bourdieu (« La domination masculine »), Marguerite Duras et Virginie Despentes (« King Kong théorie »). Trois paroles (mais il y en a d’autres au fil du spectacle), pour trois temps des modèles qui s’imposent aux femmes et dont elles tentent de s’écarter : celui du poids de l’éducation des petites filles sur le devenir des femmes, celui de l’image de la sainte bonne à tout faire et celui de la femme victime de violence et qui soudain se révolte contre l’injonction à rester passive face à celle-ci; tout en s’en sentant coupable.

Chacun de ces trois volets est aussi représenté par des monologues, où chaque comédienne, qui correspond à un de ces modèles (de petite fille modèle à femme libre), dit le sexisme ordinaire et quotidien. Enfin, chansons et scènes, toujours individuelles (avant qu’à la fin, enfin, les 4 femmes jouent « ensemble »), parfois très émouvantes.

La princesse, qui ne se sépare pas de son balai…et même quand elle se transforme en sorcière, même quand elle monte sur son balai qui lui donne un sceptre viril et menaçant (celle qu’il faut abattre), son accessoire indispensable reste ce symbole du ménage…

Une autre scène très forte, la scène où, la jeune fille qui aurait voulu être un garçon, court sur place, pour finir par reculer et se retrouver collée au mur et appeler sa mère, de plus en plus fort…

La « femme moderne » enfin, cette bonne à tout faire (à tous les sens du terme), qui ne se contente plus du ménage et des enfants, mais qui est aussi parfaite dans son travail et autant au service de son mari et de son patron…se confondant en remerciements parce que quand elle craque (la voilà  qui a oublié la vanille pour le gâteau) son prince charmant la sauve en acceptant d’aller la chercher…il est « tellement mignon » (c’est la même qui interprète de façon magistrale la chanson de Barbara et quelques « pétages de plomb » jouissifs).

Autre moment que j’ai beaucoup aimé, émouvant et dur, l’histoire de la soeur imaginaire de Shakespeare, racontée par une comédienne en direct mais sur un écran (« all the world’s a stage », oui mais pour qui), qui confronte ce qu’a pu être la vie pour l’acteur doué qui part tenter sa chance et ce qu’elle aurait pu être pour sa soeur, aussi douée, mais qui ne peut pas étudier, doit échapper au mariage forcé, n’a pas le droit d’être actrice, est violée et mise enceinte par un théatreux abuseur avant de mettre fin à sa vie…

Et une dernière partie, construite sur la révolte de Virginie Despentes (autant je suis très loin d’elle sur certains points, en particulier la prostitution, autant les extraits choisis ici  apportent une vraie dimension de lutte) et sur la prise en main de sa vie (être actrice, enfin). Avec la chanson contre l’homophobie de Lily Allen « Fuck You »(voir ci-dessous). C’est la « femme libre », qui conclut, avant que toutes ne s’emparent des tambours et fassent du bruit, qu’enfin, elle peut proclamer : « je suis féministe« .

S.G

MODELES Création/Mise en scène Pauline Bureau/Dramaturgie Benoîte Bureau/Scénographie Emmanuelle Roy/Lumière Jean-Luc Chanonat
Son Vincent Hulot/Costumes Alice Touvet/Avec Sabrina Baldassara, Laure Calamy, Sonia Floire, Gaëlle Hausermann, Marie Nicolle

Nouveau théâtre de Montreuil / Centre dramatique national
SALLE MARIE CASARES 63, RUE VICTOR HUGO 93100 MONTREUIL
M° Mairie de Montreuil ligne 9

Réservation : 01 48 70 48 90 / http://www.nouveau-theatre-montreuil.com
Tarifs : de 9 € à 19 €
Représentations : lundi, vendredi et samedi à 20h30, mardi et jeudi à 19h30 (relâche le 9 janvier)

Elles diront d’elles

Je vous en parlais dans mon agenda, je suis allée voir « Elles diront d’elles », spectacle de la compagnie Scènes en Seine, qui se joue jusque fin février tous les jeudi soir à 21 heures au théatre Darius Milhaud dans le 19ème à Paris.

Pour A dire d’elles, « Elles diront d’elles » était plus qu’un clin d’oeil. Plutôt un enjeu. Que les femmes disent d’elles est une étape sur le chemin de leur libération. Et l’idée ici, c’est bien qu’à chaque instant, elles parlent. Des femmes qui parlent d’elles, mais qui sont aussi des comédiennes qui jouent des comédiennes qui parlent de leur vie de femme, puis interprètent des monologues qui parlent de la vie des femmes, poussées par un metteur en scène stressé… Effet de théatre dans le théatre, mais surtout effet d’aller-retour entre la vie interprétée, la vie vécue, et la vie du spectateur, et surtout de la spectatrice. C’est un jeu de miroirs qui, comme dans le titre, se renvoient la balle, créent l’échange et la cohérence du tout. Chaque histoire est liée à l’autre par ce « elles », un « elles » clairement engagé, comme le confirme la dernière partie du spectacle. Les comédiennes, pour dire ces chiffres qui structurent de l’extérieur l’inégalité entre femmes et hommes, sont amenées à déstructurer leur interprétation et  à se réapproprier la parole. Et ces chiffres qui sont là pour dire que tous ces monologues, souvent durs, qui abordent très clairement les questions de violence conjugale, de viol, de normes et d’image,  ne sont pas des cas isolés, mais bien ce qui structure encore aujourd’hui notre société. Quelques belles citations émaillent cette dernière partie, dont celle-ci, tirée des Femmes savantes et qui colle si bien au spectacle de nos vies, et qui montrent bien comme il est nécessaire qu’elles disent d’elles, déconstruire le monde, et le rendre, enfin, universel.

« À d’austères devoirs le rang de femme engage,

Et vous n’y montez pas, à ce que je prétends,
Pour être libertine et prendre du bon temps.
Votre sexe n’est là que pour la dépendance :

Du côté de la barbe est la toute-puissance. »

Enfin, universel, parce que pour moi, qui suis, enfin, allée voir elles@centrepompidou, elle fait écho à cette citation de Christine Delphy, lue au détour d’une salle : « le principal obstacle à la réalisation de l’universalisme est constitué par ceux qui prétendent qu’il existe déjà ».

S.G

Elles diront d’elles, tous les jeudi soir au théatre Darius Milhaud, allée Darius Milhaud dans le 19ème à Paris (métro porte de Pantin), une création Scènes en Seine, d’après les textes de Gérard Levoyer, Caroline Palulis et Xavier Durringer. Adaptation, mise en scène et distribution, Annette Benedetti, Florence Carrique-Allaire, Didier Gonçalves et Céline Harlingue.

Terreur Olympe de Gouges : et si rien n’avait changé…

Excellente interprétation de Olympe de Gouges (Anne-Sophie Robin) Sébastien Mercier (Philippe Leroy) Fouquier-Tinville (Christophe Raymond) Photo S.G

J’ai vu hier soir à Confluences, dans le 20ème, « Terreur Olympe de Gouges », lecture-pupitre écrite par Elsa Texier Solal, tableaux de la vie de la féministe révolutionnaire, effacée par l’histoire, mais réapparue ces dernières années. La force du texte, superbement écrit par l’auteure, en s’inspirant des romans, des lettres, des actes du procès et du style de l’époque, est mise en valeur par cette disposition scénique qui surprend parfois au départ, mais s’impose très rapidement comme une évidence.

En tableaux d’Olympe avec son correspondant epistolaire et amant supposé, en cellulle, en procès, on apprend beaucoup des combats de cette femme qui était presque deux siècles en avance sur son temps. Défenseure des droits des femmes au travers de sa superbe « déclaration de la femme et de la citoyenne », mais aussi militante de l’abolition de l’esclavage, et proposant quelques réformes sociales qui font échos à nos oreilles (elle avait proposé un impôt sur la fortune) elle a tranché parmi ses concitoyennes. Elle ne se contentait pas de converser dans les salons, mais en s’arrogeant le droit d’écrire, et de dire, aux gouvernants, leurs erreurs. Ainsi, elle a fini par avoir la tête coupée en place de grève pour avoir parlé en terme peu mesurés de Robespierre, et en ayant demandé un référendum. Accusée de vouloir conserver la monarchie, (elle est contre la mort du roi, parce qu’elle ne veut pas que la révolution verse du sang), d’avoir soutenu Marie-Antoinette, elle est décapitée en novembre 1793.

Elle s’était emparée de la plume, espérant qu’innocente, elle serait vite reconnue et retenue dans l’histoire pour son oeuvre et ses idées. Il aura fallu plus de deux siècles pour qu’elle résiste à l’effacement du rôle des femmes dans l’histoire, et commence à y reprendre la place qu’elle mérite. Le spectacle est très réussi, et peut-être cette longue ellipse, nous rend encore plus impressionnée par l’actualité des textes et des idées de cette femme, qui disait alors :

« les femmes ont le droit de monter à l’échafaud, elles doivent avoir le droit de monter à la tribune »!

Sandrine Goldschmidt Partager

Particulièrement intéressée par les questions d’effacement des femmes dans l’histoire, Elsa Solal explique le coup de foudre qu’elle a eu pour Olympe de Gouges.

Mise en scène de l’auteure avec la collaboration artistique du collectif de comédiens et de Sylvie Pascaud
Création Son : Yann Galerne
Avec : Olympe de Gouges : Anne-Sophie Robin
Sébastien Mercier : Philippe Leroy
Fouquier-Tinville : Christophe Raymond

Récits de femmes : extraits

ATTENTION IL FAUT CLIQUER SUR LE TITRE DE L’ARTICLE POUR AVOIR UNE BONNE MISE EN PAGE

Et voici des extraits du monologue de Médée, dit par Rebecca Bonnet.

(Dans la mythologie grecque et en très raccourci : Médée, magicienne, mariée à Jason, est quittée par celui-ci pour une femme plus jeune. Elle tue la jeune femme, puis les deux enfants qu’elle a eu avec Jason).

D’autres extraits du spectacle :

François Lamotte, metteur en scène du spectacle, nous explique pourquoi il a eu envie de proposer des rôles importants à de jeunes actrices. Des rôles souvent trop rares au théatre, alors que 80% de ses élèves sont des femmes… enfin, il parle de l’affiche du spectacle, réalisée par Alice Fenwick.

Couple ouvert à deux battants

Un couple usé par le quotidien, un mari volage, l’ingénieur Berthier, qui dit aimer encore sa femme, une épouse qui subit, au point -c’est le départ de la pièce-, de multiplier les vraies-fausses tentatives de suicide. Un couple sans issue, un couple banal en somme.

Martial Crebier et Deborah Durand dans "couple ouvert à deux battants", au théatre Montmartre-Galabru

Qui va devenir « ouvert à deux battants », l’homme finissant par convaincre sa femme de tenter l’expérience de la liberté réciproque. Une expérience qui le satisfera pleinement tant que sa femme, elle subira la situation.

Et c’est tout l’intérêt de cette radiographie du couple vue par Dario Fo et Franca Rame, les deux auteurs italiens de »Récits de femmes », dont cet opus est tiré (4ème volume). Car elle dénonce avec humour l’hypocrisie de soi-disant libérations sexuelles consenties…à sens unique. Rien de nouveau, par rapport au couple adultérin « classique ».

Mais avec ce couple-auteur, on n’est pas loin du féminisme…et petit à petit, la situation se retourne. Parce que tel est pris celui qui croyait prendre. Une fois Antonia décidée à prendre son destin en main, c’est l’homme qui se retrouve sur le carreau, blessé mortellement dans son amour-propre.

La pièce est jouée jusqu’en mars au théatre Montmatre-Galabru par deux jeunes comédiens talentueux, dynamiques et joyeux. Sous la mise en scène de Marcus Morin, ils dansent, virevoltent, nous emmènent dans une course-poursuite digne du burlesque. Ou comment, avec beaucoup de légèreté et de talent, nous divertir, tout en faisant passer un message, qui dans le fond n’est pas drôle du tout. Où en est le couple aujourd’hui, 30 après l’écriture de cette pièce ?

Prolongations en mars

Certainement assez loin du couple libre. En revanche, nombreuses sont celles qui ne subissent plus. Le divorce a le plus souvent remplacé la résignation, le couple ouvert n’a pas forcément bonne presse…et si on allait plutôt voir du côté du couple non cohabitant?

Sandrine Goldschmidt

Réservations sur le site du théatre ou

billet réduc, ou sur Facebook