Pauvres bleus !

PETIT AVERTISSEMENT : pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, il vaut mieux lire l’article en entier…il m’a été en partie inspiré par cette interview parue dans Le Monde

Et oui, il s’agit bien de football…en ce moment, les « bleus » sont martyrisés. Victimes. D’un complot à quelques semaines d’un événement si important dans leur vie. On accuse leur star, le ch’ti gars du Nord, d’être impliqué dans un scandale de proxénétisme. Parce que le pauvre, il a été client. Et on l’a trompé sur la marchandise. La femme n’était même pas majeure ! Et c’est mal. Coucher avec une prostituée mineure, ce n’est pas permis. Mais comment savoir ? Si elle a 17 ans et qu’elle en a 18 ? Doit-on lui demander sa carte d’identité ? Et être le client d’un proxénète, est-ce être un proxénète soi-même ? Alors en plus, l’ami Ribéry, il dit qu’il ne lui a pas donné 2000 euros, mais qu’il lui a juste payé le voyage pour venir lui rendre ce service amical à Münich ?

Les footballeurs, ce sont des jeunes hommes, en pleine santé. Ils accomplissent des exploits exceptionnels, qui font la gloire de tout un pays (mettre une balle avec  le pied dans un filet, vous vous rendez compte, quand ce n’est pas avec la main…), la liesse et le moral des ménages de la population entière. C’est beaucoup pour eux, il faut bien qu’ils décompressent.

Et puis, ils ont des besoins sexuels plus forts que les autres, paraît-il. Et ils ne peuvent pas trouver une jeune femme adulte consentante, sans avoir besoin de la payer ? Il faut les comprendre. Ils s’entraînent toute la journée, ils ne font rien d’autre, ils sont servis par des gens biens payés pour toutes leurs activités. Et ils ont tout ce qu’ils veulent, tout de suite. Alors, si on peut leur fournir des services sexuels sans avoir besoin de passer par un biais gratuit ( parce que payer, d’habitude, ça évite le scandale provoqué par de jeunes écervelées qui pourraient avoir envie, après avoir cédé à la star, de provoquer un scandale ou de récupérer de l’argent), n’est-ce pas normal qu’ils utilisent leur argent de poche (2000 euros, pour eux, c’est un peu comme une baguette de pain pour nous) comme ils le veulent ? Pourquoi ne le feraient-ils pas, puisque tout le monde sait (enfin, les dirigeants des clubs, et les journalistes), que ça se passe toujours comme ça dans le football ? Vraiment, on en fait trop sur cette affaire….

Et enfin, c’est qui, cette « Zahia D. » « par qui le scandale arrive », comme je lis dans les journaux. « La jeune prostituée par qui le scandale arrive », « la jeune prostituée qui a provoqué un scandale dans le monde du football », « l’affaire qui fait mal aux bleus » ?

« Stop! »

Retour en arrière : cette jeune femme n’est pas responsable de l’affaire. La police a enquêté  sur un renseignement menant à une affaire de proxénétisme liée à un café parisien. C’est dans cette enquête que les noms de plusieurs joueurs de l’équipe nationale de football ont été cités. C’est dans cette enquête qu’elle a été interrogée et qu’elle a cité les joueurs concernés. En quoi est-elle responsable ? En rien. Ni de la sortie de  l’affaire, ni de l’acte. Et le joueur, majeur, plein aux as, avec tous les moyens de connaître le monde qui l’entoure, il est « obligé » , lui ?

S’il a un besoin irrépressible de sexe (?!? notion bien sûr, que jamais personne ne conteste…), est-il obligé de faire appel aux services d’un réseau ? (ah oui, mais c’est peut-être comme pour le dopage, on ferait tout à son insu…)

Est-il obligé d’être toujours tombé de la dernière pluie ? Peut-être que la jeune femme avait l’air d’avoir 18 ans et pas 17. Mais est-il si naïf qu’il peut imaginer qu’il est sûr que la personne en face lui dit la vérité (surtout qui se prostitue, et donc fait facilement plus que son âge ) ? Si la parole d’une personne qui espère recevoir 2000 euros si elle ment de quelques mois sur son âge lui suffit…est-ce qu’il avait vraiment envie de savoir ?

Et puis, même si elle avait 18 ans, pourquoi trouve-t-il normal ce rapport de domination qui fait qu’il peut faire venir une jeune femme chez lui, pour 2000 euros, et obtenir des services sexuels ? Parce qu’il croit qu’il lui fait du bien ? Qu’il lui permet d’avoir une activité bien rémunérée ? Que c’est un commerce ou un travail comme un autre ?

Un exemple de plus, pour moi, des raisons pour lesquelles seule la pénalisation du client peut faire avancer vers une société sans prostitution, qui fait partie des violences faites aux femmes pour lesquelles nous sommes dans une grande cause nationale en 2010, faut-il le rappeler ? Parce que tant qu’on ne s’attaquera qu’aux réseaux de proxénétisme, il y aura une demande, qu’une offre, en réseau ou pas, cherchera à satisfaire, par besoin d’activité économique. Et les prostituées seront toujours « celles par qui le scandale arrive ».

Sandrine Goldschmidt

12 réflexions sur “Pauvres bleus !

  1. Oui… on se sent moins seule!! le comble, c’est cette formule :la « consommation » de femmes….(je sais plus si c’est dans l’itv ou ailleurs que je l’ai vue…) :-))

  2. Pathétique traitement médiatique qui divulgue sans vergogne le nom de la témoin, au mépris de ses droits… et on sent la presse mousser l’affaire pour couvrir les Bleus s’ils perdent et orienter vers les femmes – à commencer par celles qu’on prostitue – la frustration des fans. Violences conjugales en perspective…

  3. Enfin un article intelligent qui pose les vraies questions et n’élude pas le fait que se payer des services sexuels c’est intolérable. Mais.. ces pauvres hommes ont des besoins si naturels, voyons ! Comme disait un policier interrogé pour l’occasion « ils ont le droit d’aller aux putes comme tout le monde. » Et bien non, ni les Bleus, ni les autres. Et encore moins avec des mineures, s’il faut une échelle dans l’horreur.

  4. mmmh…. Vais me faire flammer mais je pense devoir mettre mon grain de sel sur un article qui ne me plaît qu’au trois quarts. Je passerai sur l’histoire de « ah bon elle avait 17 ans? » qui me semble aussi fleurer bon le « fais le couillon et laisse passer l’orage » et le fait d’utiliser cette pauvre fille dont le seul crime est d’avoir été un fusible bien trop tentant (vous savez, ce qu’on utilise pour griller à la place d’autre chose). Non, ce sur quoi je ne suis pas d’accord c’est sur la question de la prostitution elle-même. Autant j’ai envie d’étrangler certaines personnes quand je les entends parler de ces femmes (ou des femmes en générales mais là n’est pas le sujet), autant je trouve que médire des « métiers du sexe » est tout aussi… oserais-je le terme de stupidité?
    Sans vouloir froisser qui que ce soit, je vous propose de vous mettre un instant à réfléchir en vous mettant dans la peau de la partie adverse. Les prostituées font un travail (parce que, oui, pour moi ça doit représenter une quantité de travail assez conséquente avec le stress, la fatigue et tout ce qui va avec)particulièrement utile à la société. Il est généralement admis qu’une vie sexuelle est nécessaire à la santé mentale. Mais ce qui semble simple sur le papier (ils n’ont qu’à draguer en boîte ces pauvres cons) l’est nettement moins dans les faits. Entre les timides qui n’osent simplement pas, ceux dont le physique, la vêture ou l’âge ou tout autre facteur empêche tout espoir de se dire « ce soir je sens que je vais conclure » (hommage à J.C. dusse, de Paris) nous avons toute une série de personnes qui dépendent de ces dames pour satisfaire des « besoins » certes pas particulièrement bien perçus socialement parlant, mais bel et bien réel pour une grosse partie de la population. Si ce besoin n’existait pas, j’oserai affirmer que notre histoire ne regorgerait pas tant de viols, abus et autres choses qui rendent notre espèce si peu reluisante. Alors, personnellement, mon opinion est que nous devrions plutôt remercier ces « dames à l’affection négociable » et les considérer avec le respect dû à quelqu’un qui travaille à rendre ce monde un peu moins moche. Et en profiter pour pendre les proxénètes à des crochets de boucher histoire de leur enseigner que les bonnes manières nous soufflent généralement que profiter de la misère d’une personne vulnérable n’est pas ce qu’on peut qualifier comme étant une bonne action.

    Vous parlez également de domination: « Et puis, même si elle avait 18 ans, pourquoi trouve-t-il normal ce rapport de domination qui fait qu’il peut faire venir une jeune femme chez lui, pour 2000 euros, et obtenir des services sexuels ? » on peut aussi se dire que c’est « si tu me donnes 2000 euros j’accepterai d’avoir des rapports sexuels avec toi ». Considérons d’abord le fait suivant: sont corps lui appartient, à elle et non à vous (ni à moi) et donc ni vous ni moi n’avons voie au chapitre sur ce qu’elle a le droit d’en faire ou non (pour peu qu’elle le fasse librement, j’entends, alors que dans le cas contraire ni vous ni moi n’avons le droit de rester les bras ballants). Ensuite, une prostituée « libre » (c’est à dire qui n’est pas sous l’emprise d’un maquereau, auquel cas on utilise le vocable d’esclave et on sort les crochets de boucher) a la possibilité d’envoyer bouler son client, comme n’importe quel commerçant. Comme rapport de domination, on a déjà vu plus terrible.

    Non, le vrai problème c’est qu’on a ici une personne célèbre, dont il est donc rentable d’afficher le nom en première page. C’est quelqu’un de riche, donc c’est encore mieux: on n’aime pas les riches, on leur reproche d’avoir l’argent qu’on aimerait avoir. Alors on va mettre l’accent sur l’argent. Sale riche qui s’offre une pauvre fille. Oui mais il s’agit d’un tapeur de baballe, d’un bleu, d’une icône sacrée, un intouchable, autant dire. Alors on se retourne sur « La jeune prostituée par qui le scandale arrive » (qui nous dit d’ailleurs qu’il ne s’agit pas d’une femme qui se fait passer pour plus jeune qu’elle ne l’est pour plaire à ses clients et qu’elle n’est donc pas la pauvre victime à laquelle on pense mais une personne pleinement adulte, susceptible d’être agacée par tous ces gens qui ont l’air de penser savoir mieux qu’elle ce qui est bien pour elle sans avoir besoin de la connaître?)Cette « jeune prostituée », personne ne la connaît. En plus elle fait partie de trois catégories de personnes sur qui on peut taper. c’est une jeune. Donc sûrement droguée, connue de la police, voleuse, menteuse, kidnappeuse de nains de jardins et j’en passe. C’est une prostituée. Corporation mal vue s’il en est, elles sont soit des « menaces pour les braves gens et des briseuses de ménages », soit des « victimes qui n’ont pas consciences de ce qu’elles font ». Sale pute ou pauvre pute, pute quand même, proie facile. Et enfin c’est une femme. Bien sûr. Elle est donc fourbe, limite si elle ne l’a pas fait exprès, ferait mieux de faire des gosses… Faut l’embarquer et l’empêcher de nuire. Ou alors elle est faible et elle est le jouet d’un vilain réseau qui se cache derrière elle et il faut l’embarquer pour lui faire donner des noms et la sauver.

    Pour moi la prostitution est une chose utile, tout autant que le ramassage des ordures et les clients sont majoritairement bien loin des monstres exploiteurs que l’on décrit bien souvent. Ils sont juste indifférents. Humains. Pourquoi ne pas s’attaquer au vrai problème: la prostitution est considérée non comme une activité humaine mais comme un « problème qu’il convient de régler » et les prostitué(e)s comme des victimes ou des délinquant(e)s, rarement comme des êtres humains qui gagnent leur vie par le biais d’une activité qui n’est sans doute pas des plus faciles et bien souvent dangereuse (encore une fois « c’est que des putes, aussi, ils cherchent les ennuis »). Lorsqu’on insulte quelqu’un on le traite d’ailleurs de « fils de pute » et non de « fils de secrétaire de direction » ou de « sale pute » et non de « sale boulangère ». Et si on arrêtait avec notre foutue mentalité? le sexe est une réalité pour chaque personne sur cette planète, quoi qu’on en dise, quoiqu’on en pense. Chaque personne sur ce caillou la vit à sa manière, certaines avec plus de difficultés que d’autres. Ce n’est pas sale, ce n’est pas honteux mais ce n’est pas non plus une chose si sacrée qu’en faire commerce en devienne un crime ou qu’il ne faille le pratiquer que dans le cadre d’une union durable ou selon les préceptes moraux de la majorité. Alors un peu de respect pour ces gens s’il vous plaît, un peu de respect pour ce qu’ils font, un peu de respect pour ce qu’ils sont et pour qui ils sont.

    Enfin moi s’que j’en dis, c’est juste un avis personnel, que je partage avec moi-même et dans lequel je me soutiens entièrement.

    1. http://blog.monolecte.fr/post/2010/04/22/Des-putains-et-des-hommes Allez voir cet article,il est remarquable.
      Savez vous que les « besoins sexuels des hommes » n’ont RIEN A VOIR avec le viol ?
      Les violeurs, tous comme les clients, ce sont des « bons maris », « bons pères de famille », « bons amis ». Le viol est un outil de la domination masculine. A la maison ou dans la rue, il prend des formes différentes. Il n’a rien à voir avec de pseudos « besoins sexuels » non satisfaits ailleurs.

      Ceux qui ont des problèmes sexuels, peuvent aller voir des psys et/ou des sexologues. C’est un métier. Qu’on peut apprendre, réglementer, promouvoir, lui.
      Mon corps m’appartient. Mais je n’ai pas le droit de me vendre. Sinon, pourquoi pas me couper la main si on m’en propose 1 million ? Ou 5 euros parce que j’ai besoin de bouffer ?

      Presque 100 % des femmes prostituées ont été victimes de violence dans leur enfance et/ou dans leur adolescence. Donc, même si elles « choisissent » cette activité, ce choix est infiniment lié aux traces laissées sur leur psychisme.

      Il n’y a pas de honte à avoir été ou à être victime. Ce sont ceux qui agressent, possèdent, ou se servent des femmes qui devraient avoir honte.
      Et avoir été ou être victime ne veut pas dire qu’on n’est pas aussi quelqu’un d’autre, ni qu’on le sera toujours.

      Et c’est vrai, il ne faut plus jamais dire « putain » comme une insulte.

      Pour finir, je vous propose de voir le film « pas à vendre », disponible sur le site du Lobby européen des femmes. Si ce que vivent ces femmes vous intéresse.
      Enfin, il est extraordinaire de voir que l’on ne sort jamais du cliché : soit la « putain » est sale… soit c’est une sainte qui doit être au chevet des autres pour aider ces messieurs à mieux vivre.
      Moi je dis, nous les femmes, nous prenons en mains notre destin, que les hommes essaient de prendre le leur sans systématiquement chercher une infirmière, une aide soignante, une cuisinière, une bonne à tout faire…

  5. D’accord sur bien des points, à deux près: pour moi une prostituée est une personne comme les autres. les saints j’y crois plus depuis un gros bail. Et pour moi une prostituée ne vends pas son corps, elle offre un service d’ordre sexuel. Que je sache, elle le garde, son corps. Elle en use pour rendre ce service, comme un déménageur use du sien pour travailler. Mais lui n’est pas perçu comme une personne immorale.
    Quand à prendre son destin en main, je continue à penser que chacun chacune doit le prendre en main a sa manière…

    Attention, je ne dis pas que ce sont des gens sans difficultés, ni qu’il ne faut pas s’en occuper, encore moins que c’est « leur faute, sales personnes, blablabla »… juste: qui sommes nous pour prétendre vouloir aider quelqu’un qui ne le veut pas?

  6. Après lecture de l’article (merci sandrine), oui, je suis choqué. Mais pas le ton, pas par le contenu. Encore une fois, et au risque de passer pour un gros (et ce malgré mes 70 kg tout mouillé pour 1m80 à pieds nus) blaireau (pauvre bête victime de notre mépris, lui aussi) qui comprends que dalle à la vie, je persiste à me demander, outre le mépris global, quelle est la réelle différence entre une personne qui fait commerce son corps et celle qui fait commerce de sa cuisine. Et si le choix de leur activité est liée à des traces laissées dans leur psychisme, n’est ce pas le cas de l’immense majorité d’entre nous? Pourquoi avoir choisi le métier du journalisme, de l’informatique, de la boulangerie si ce n’est parce que, à un moment donné, un évènement a attiré notre attention sur quelque chose qui nous a amené là?

    Vraiment navré d’insister, je n’ai pas pour habitude de troller un sujet de ce genre, mais je trouve vraiment dérangeant de considérer toutes ces personnes comme « faisant un mauvais métier ». N’est-ce pas tourner en rond? Parce que, mis à part remplacer le mépris traditionnel envers la sale pute par une pitié de bon aloi (et donc la condescendance facile) envers la pauvre pute, on n’avance pas des masses.

    En vous lisant je comprends que vous souffrez de voir des gens en difficulté et de voir ces gens souffrir. Je comprends ça, j’en laisse des traces de dents sur mon bureau à force de le mordre rien qu’à y songer. Mais quelle importance que ces personnes soient prostituées ou non? Si ce n’est pas pour les aider à faire face à des difficultés propres à ce métier ou pour les aider à sortir d’un métier qu’elles (ou ils) ont choisi parce qu’une ornière de la vie les y a précipitées et qu’elles n’arrivent pas à en sortir seules, je n’y vois alors qu’une autre forme de discrimination: tu es prostituée, DONC tu es malade et nous allons t’aider. Ce type de raisonnement a été tenu il y a quelque décennies, il a conduit à enfermer les homosexuels en hôpital psychiatrique. Ici, chez nous, la Belgique pour moi, la France pour vous. Pour les aider, évidemment.

    Navré d’insister mais si c’est un détail, c’est un détail qui me semble des plus important. Pour moi, (et j’insiste sur le « pour moi », je ne détiens pas la vérité, juste mes convictions), le sexe n’est ni diabolique, ni sacré, c’est juste un truc vachement sympa à faire, et plutôt pratique pour fabriquer des bébés (eux sont sacrés, c’est entendu). Le problème est donc pour moi le mépris qui entoure ces activités et l’attitude des gens à leur égard.

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