Viol et agressions sexuelles : changer la loi, et changer le monde…

Pour moi, la décision du parquet dans l’affaire de la plainte de Tristane Banon contre DSK, est plutôt positive : des faits d’agression sexuelle ont été reconnus.

Depuis que cette plainte pour tentative de viol a été déposée, je me dis qu’il y a un tel problème avec la définition de ce crime  -il faut prouver l’intention de pénétration, que cela ne pouvait pas être autrement : la plainte serait classée. Quand on sait que des traces de violence, des preuves de relations sexuelles ne sont pas entendues dans des cas où il ne s’agit pas de simple tentative, on voit mal comment la justice telle qu’elle est aujourd’hui pourrait décider autre chose.

Mais comme l’a dit David Koubi, l’avocat de Tristane Banon, plus jamais on ne pourra traiter ses propos d’imaginaires. Parce que le parquet a reconnu des faits, prescrits, d’agression sexuelle. ENFIN, la parole d’une femme est crue. On ne dit pas qu’elle a menti ou tout inventé. Seulement il se trouve qu’au jour d’aujourd’hui, des faits relevant de l’agression sexuelle sont prescrits, et que la tentative de viol, en l’état actuel de la définition de ce crime, n’était pas prouvable. Et c’est une chose très importante

Conséquence : il faut donc revoir la loi en matière de violences sexuelles, dans le sens d’un relèvement plutôt que d’un abaissement de la faute. Au lieu de correctionnaliser des viols ou tentatives de viol -ce qui limite la prescription à 3 ans, il faut criminaliser -avec des degrés différents, les agressions sexuelles, les plus graves étant les viols avec circonstances aggravantes. Et appliquer les peines avec autant de sévérité que pour d’autres crimes…

Ce sera la seule façon de démonter le système, de commencer à inverser la tendance et de pouvoir enfin dire les choses :

NON, les enfants et les femmes ne sont pas menteurs, non, ça n’est pas rien de forcer une femme à avoir des relations sexuelles sans désir et/ou sans consentement, non, les enfants et les femmes ne désirent jamais la violence qu’ils et elles subissent, oui, il faut dire aux agresseurs que ce sont des criminels et les juger comme tels. Oui, il faut changer le rapport de force pour que les êtres humains en situation de pouvoir (économique, politique, conjugal, universitaire, médical, parental ou autre) cessent de posséder et détruire d’autres êtres humains, oui il faut que la parole des victimes soit entendue, il faut que l’impunité ne soit plus la règle.

Pour cela, nous allons continuer à demander que la loi change, que les pratiques institutionnelles et sociales changent, que les mentalités se renversent, contre ce qui fait le noyau du système patriarcal : le principe de domination par n’importe quel être humain qui se retrouve à un moment donné dans un groupe dominant et exprime sa position suprieure par la négation ou la destruction de l’autre.

PAS DE JUSTICE, PAS DE PAIX !

Sandrine GOLDSCHMIDT

6 réflexions sur “Viol et agressions sexuelles : changer la loi, et changer le monde…

  1. Pour essayer de faire changer déjà un peu les comportements et mentalités il y a peut-être un bon exemple à suivre : celui du Canada et de son CRI-VIFF ( cf : Un troussage de domestique, pages 85 et suivantes)
    Un centre d’études sur le féminisme en France regroupant toutes sortes de disciplines et d’associations liées au sujet pourrait être un lieu d’échanges interactifs et productifs de projets à mettre en oeuvre.
    Une exigence pour que les policiers soient formés à l’écoute des plaignantes par des femmes spécialistes ( médecins ou psys) ne serait sans doute pas superflu
    C’est le bon moment pour faire passer des idées aux candidats -présidents

    1. OK Nicole ! les policiers doivent être mieux préparés à accueillir les femmes qui viendraient porter plainte. Comme ce sont principalement des hommes vivant dans des contextes souvent violents qui peuvent renforcer certains stéréotypes sexistes, cela passe par des actions continues visant notamment la prise de conscience de leurs résistances à traiter ces affaires comme des crimes.

  2. Oui, il faut changer la loi.
    Comment faire la différence entre une agression sexuelle et une tentative de viol ? Comment savoir jusqu’où l’agresseur veut aller ?
    Le distinguo ne dépendrait que de la capacité, la possibilité qu’a la victime de se défendre!

    1. Je suis pleinement d’accord avec vous. Mais, considérant, si vous êtes agressé(e), qu’il vaut mieux aboutir à une tentative avortée qu’à un viol caractérisé, comment développer cette « possibilité des victimes à se défendre? »

      Savoir se défendre, savoir lutter contre la sidération qu’entraîne presque toujours un acte violent de domination ne garantissent en rien que vous ne serez jamais agressé(e); mais cela peut aider la victime à retrouver rapidement son sang-froid et à trouver la « bonne » réaction. Bien sûr cela passe par l’éducation des enfants, filles et garçons, mais cela ne saurait suffire. D’expérience, je pense que cela peut s’apprendre, tout au long de la vie, même si l’on n’a pas acquis, dès la petite enfance, confiance en soi et assurance d’exister en tant que personne humaine à part entière.

      Je me sens très solidaires des victimes dont je soutiens le combat. J’aimerais aussi soutenir des actions plus préventives, exemptes de compassion.

  3. Dans nombre de procès, le juge ou les jurés se basent sur leur conviction intime au vu du faisceau d’indices et dans nombre d’instructions, la preuve de son innocence doit être faite par le prévenu. Comme par hasard, dans les procès et instructions pour viols et/ou agressions sexuelles, la preuve ne peut être solidement établie et, si la femme concernée est mère et accuse le père de ses enfants, alors, non seulement on lui retirera ses enfants mais, en plus, dans de nombreux cas dont j’ai ou ai eu connaissance, cette femme se retrouvera en prison. Je suis persuadé que le verdict auquel nous faisons référence est un verdict politisé dans le but de « calmer les esprits » par une sorte de non-lieu déguisé.
    POURQUOI JE LUTTE JOUR APRES JOUR EN FAVEUR DES VICTIMES DE LA PEDOCRIMINALITE
    « Nul ne peut atteindre l’aube sans passer par le chemin de la nuit. » (Khalil Gibran)
    Une chose est la nuit même obscure et autre chose une chute aux enfers durant des années pour les victimes de pédocriminels : celles qui s’en sortent plus ou moins, nous sommes ici pour en témoigner. Mais toutes les victimes tombées dans la prostitution et/ou victimes du trafic d’êtres humains, ou celles qui sont enfermées à vie dans un institut psychiatrique (victimes d’incestes) ou encore en prison pour avoir « éliminé » leur incestueur; ou les personnes frappées du syndrome de la bêtise, restées pour toujours dans le brouillard de l’ostracisme ou de l’alcool au dernier degré; ou les suicidées, ou les errantes à perpétuité comme SDF ou d’autres manières; ou encore les femmes qui sont tombées dans l’errance sexuelle (ladite « nymphomanie ») et ont été exécutées de toutes les manières possibles comme « impures »… ?
    Toutes ces victimes-là n’auront jamais d’aube : elles doivent être constamment dans notre souvenir et dans notre esprit pour lutter avec un acharnement sans fin contre le machisme et le patriarcat sur lesquels le Monde s’est construit.
    Jamais de paix aussi longtemps que cela ne se sera pas arrêté !!
    « Le féminisme est désormais une stratégie incontournable dans la lutte contre le patriarcat et son associé le machisme, et dans la lutte pour la protection de l’Enfance. » vk
    Victor KHAGAN – 2011

  4. Pour le dire autrement et en revenant au cas de Mme Banon ( à qui le réaction de Mme Diallo a donné le courage d’avoir le courage, et c’est tant mieux) , il semble que dans son cas , la police et justice ont bien fait leur travail.
    Il est évident aussi qu’il faut toujours chercher à améliorer la loi.
    Dans le cadre des plaintes pour agressions sexuelles ce qui pose problème est la peur d »être ridiculisé(e) ou maltraité(e) par des propos humiliants ou des railleries policières qui, elles, ne seront jamais sanctionnées et auront fait encore plus de dégâts .
    Il faut donc penser en terme de concertation entre policiers et spécialistes . Et il faut des femmes pour le dire et l’enseigner
    On forme les gendarmes aux menaces criminelles contemporaines . Demandons que les policiers soient formés à l’écoute des plaignant(e)s d’actes criminels . C’est le moment.
    Tant que des améliorations ou formations de policiers n’ auront pas été prises en compte , la meilleure loi du monde restera la meilleure loi sur le papier seulement

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