L’auteur n’est ni un monstre ni un malade. C’est la société qui est malade.

L’auteur n’est ni un monstre ni un malade. Il est tout de même remarquable, comme depuis quelques jours-semaines, tout le monde -politiques, médias, ami-es, ont « lâché » Dominique Strauss-Kahn. De présumé innocent, il est devenu « un grand malade », à la faveur de nouvelles révélations sur son mode de vie de dominant. Pour moi, pourtant, il n’y a rien de nouveau depuis mai 2011. La seule nouveauté, c’est que tout d’un coup, la société l’a lâché. DSK n’est plus défendable à ses yeux, et est même désormais un danger. Comment expliquer cela ? C’est très simple : dès lors que l’homme qui dirigeait le FMI et qui avait été fantasmé comme présidant la France, ne peut plus être innocent, il faut à tout prix qu’il ne soit pas « normal ».

Sinon, la société devrait se poser les bonnes questions. Pourquoi des hommes, en situation de pouvoir, peuvent « user », « utiliser », « consommer », « se servir » d’autres êtres humains, femmes et enfants majoritairement, sans que la société n’y trouve rien à redire, sans que la justice soit envahie de plaintes, sans que la violence subie soit entendue ni reconnue.

Dans une autre affaire dont on parle beaucoup en ce moment, c’est la même chose:  on ne parle que d’un problème de : « comment la récidive est-elle possible » ? « N’aurait-on pas dû voir que ce jeune homme était violent et devait être tenu à l’écart ? » Evidemment, oui, dans une société qui reconnaîtrait le viol comme un crime -pas seulement dans la loi- mais dans les mentalités et dans les poursuites et les peines infligées aux auteurs, on se rendrait compte de tout cela, et on pourrait lutter. Mais alors qu’on maintient le silence sur les violences sexuelles -20% des femmes en sont victimes dans leur vie dont plus de la moitié avant 18 ans, 5% des hommes dont 70% avant 18 ans, la seule issue du système pour ne pas se remettre en cause en profondeur, c’est de dire : un récidiviste, c’est donc un monstre, on aurait dû le voir.

S’acharner sur la récidive ou la maladie ne fera donc que cacher le fond du problème. Nous devons mettre en place tous les outils pour que chaque individu soit à même de repérer les signes de ce qui pourrait être une violence sexuelles que subit un enfant. Nous devons apprendre à écouter, à croire, à alerter – sans nécessairement dénoncer calomnieusement. Si nous apprenons à le faire, alors le discernement se fera de lui-même.

D’ici là -je nage en pleine utopie-, le problème, c’est qu’on va être obligé-es de passer par une phase ou l’ampleur de ce qui sera révélé, l’ampleur des violences à l’égard des femmes et des enfants, va nous montrer le monde tel qu’il est, pour partie, et sera difficile à supporter, à la fois pour nos estomacs et pour le système judiciaire.

Il faudra bien en passer par là, c’est-à-dire non pas révéler des faits isolés mais s’interroger sur la violence sexiste du système, reconnaître la spécificité du crime de féminicide et du crime de destruction de l’enfance. On risque d’avoir envie de vomir plus souvent qu’à l’envie. Mais ce sera la seule façon d’éviter d’entretenir la peur du « fait divers » atroce, ou du « monstre » isolé, qui pourtant, est bien celui qui a gouverné ou gouverne le monde…

Sandrine GOLDSCHMIDT

18 réflexions sur “L’auteur n’est ni un monstre ni un malade. C’est la société qui est malade.

    1. je ne sais pas si c’est « une règle », mais c’est comme ça que j’ai appris. Qu’est-ce qui vous dérange ou vous paraît curieux sur le fond ?

  1. Ben c’est curieux qu’au sujet d’un texte qui traite de choses très importantes ce soit votre nom de famille qui apparaisse en lettres majuscules d’une part. D’autre part ce qui est encore plus curieux c’est que comme réponse à mon « pourquoi » vous me répondiez par « c’est la règle » ou bien « c’est comme ça que j’ai appris », car ça ne dit pas pourquoi. Voyez, vous vous acceptez des choses toutes faites qui ne prêtent pas à conséquence, mais par le monde on accepte pareillement ce qui est déjà instauré sans y réfléchir plus que ça alors que des milliards de vies sont en jeu. Enfin voilà quoi, Sandrine, bonne journée et bonne lutte.

    1. je ne peux pas juste rester là-dessus. Je veux bien remettre en question le fait d’écrire mon nom en lettres majuscules, mais il faut que je comprenne pourquoi. Je cite : « Ben c’est curieux qu’au sujet d’un texte qui traite de choses très importantes ce soit votre nom de famille qui apparaisse en lettres majuscules d’une part ». Pourquoi mon nom de famille ne devrait pas apparaître en majuscules dans un texte qui parle de choses importantes ?

      « D’autre part ce qui est encore plus curieux c’est que comme réponse à mon « pourquoi » vous me répondiez par « c’est la règle » ou bien « c’est comme ça que j’ai appris », car ça ne dit pas pourquoi ». J’ai aussi appris l’alphabet, et ça ne me dit pas pourquoi. Certes, il m’arrive d’accepter des choses toutes faites, comme une partie de l’orthographe, comme la langue telle qu’elle a été construite (même si je la féminise souvent), parce que je n’ai pas d’autres moyen de faire passer mon message. Mais comparer ça avec la vie de milliards de gens en jeu dans mon propos je ne comprends pas. Je suis tout à fait prête à entendre vos arguments pour me dire pourquoi : le fait d’écrire en majuscule mon nom pour signer pose problème (au-delà du fait que c’est ce que j’ai appris, et d’ailleurs que je ne fais pas systématiquement), je veux bien essayer de comprendre.

  2. je vous ai répondu du plus clairement que je pouvais Sandrine. Et je ne compare que le fait d’accepter sans réfléchir, en petites choses mais en choses importantes aussi, comme quoi on n’est pas à l’abri de l’obscurantisme.

    1. By the way, la raison de cette « règle », c’est de permettre de distinguer le prénom du nom et de faire toujours pareil. Ainsi, dans un document que je parcours, je vois un monsieur Laurent FRANCOIS : la seule façon de savoir quel est son nom de famille, et donc de le retrouver, est cette majuscule. Ceci expliquant cela. C’est vrai que pour Sandrine GOLDSCHMIDT il n’y a guère d’ambiguité. Sauf peut-être pour certaines personnes qui liraient ceci à d’autres endroit de la planète ?

  3. La vraie urgence, c’est la protection de l’enfance, pour éviter qu’un jeune de 17 ans devienne un assassin. C’est d’ailleurs bizarre, ce truc de récidive qui les fait tous sauter au plafond: serait-ce qu’en matière d’assassinat ou de viol, on a droit à une seule « chance », qu’une fois ça va, deux fois non?

    Pour les hommes politiques, il y a aussi la question de la protection de l’enfance, quels enfants ont-ils été, ceux qui ont besoin de brutaliser et de violenter pour se sentir bien? Mais il faut y rajouter, question de société bien sûr aussi, quelle « toute puissance » reconnaissons-nous aux « puissants » pour qu’ils se croient tout permis?

    PS: la question de Falbala est intéressante, tu devrais prendre le temps d’y réfléchir, mais à tête reposée.

    1. A propos de votre PS / je suis toujours d’accord pour réfléchir, à tête reposée ou pas…du coup, vous pouvez peut-être m’aider ? Pouvez-vous me dire de façon un peu plus précise ce que vous trouvez d’intéressant dans la question (et je ne dis pas qu’elle ne l’est pas), et peut-être me dire quels sont les problèmes que pose l’emploi de majuscules à mon nom en signature de l’article…je ne demande qu’à comprendre…Merci beaucoup !

  4. Je trouve cet article excellent. Je me permet de rappeler deux choses :
    – un primo-délinquant est quelqu’un qui se fait prendre pour la première fois, et un récidiviste quelqu’un qui se prendre pour la deuxième fois. Compte tenu du faible nombre de plaintes pour les viols et agressions sexuelles, la probabilité de faits plus nombreux à leur actif est élevée.
    – la société est malade en ce qu’elle est encline à ne pas appliquer les lois existantes en matière de viols et d’agressions sexuelles, mais les lois existent et se dégagent actuellement de traditions défarovables aux femmes, elles sont malheureusement peu appliquées. Il me paraît clair que si elles étaient mieux appliquées, la société aurait plus tendance à prendre au sérieux et à considérer dans toute leur gravité les agressions commises par des mineurs, et à y apporter des réponses plus appropriées pour éviter de se retrouver avec des mineurs qui sont malheureusement déjà de grands criminels.

  5. Mais on s’en fout de la signature en majuscule ou non ! ce texte est tout simplement superbe. Merci Sandrine GOLDSCHMIDT.

  6. Article super intéressant, dommage les commentaires (questions-réponses) sans rapport apparent nous le font un peu perdre de vue. Pour essayer de répondre à votre question Sandrine, voilà ce moi que j’y lis.
    Première question : tiens, tiens, vous si féministe, vous semblez par l’insistance accordée à votre nom de famille vous revendiquer davantage comme fille de votre père (nom de famille = référence au pater familias) que comme individue, femme (Sandrine) ?
    A supposer que votre nom de famille soit celui de votre père et non de votre mère (encore que ce serait alors celui du père de votre mère), bref si c’est le cas, ça peut éventuellement être intéressant d’y réfléchir (suggestion de Cultivetonjardin) pour soi-même ou ensemble avec d’autres.
    Je pense qu’on a tou.te.s à un moment l’occasion de s’apercevoir qu’on est passées à côté de quelque chose qu’on n’avait pas identifié comme un piège, sans préjuger si c’est le cas ou pas ici.
    En tous cas votre explication de la règle me paraît tout à fait pertinente, personnelllement je ne sais toujours pas distinguer le prénom du nom de Taslima Nasreen. Si vous avez la réponse je suis preneuse aussi 🙂

    En tous cas merci pour cet article qui pose bien les choses une fois encore. Oui, « Nous devons mettre en place tous les outils pour que chaque individu soit à même de repérer les signes de ce qui pourrait être une violence sexuelle » sublie par un.e enfant, comme par un.e adulte : un viol ‘conjugal’ peut encore ne pas être repéré comme viol, je pense.

  7. Bonjour Valérie, merci pour ce commentaire. Merci aussi à Jean-Pierre, et « gloup », qui se sont intéressés au message principal de l’article.
    C’est vrai que j’ai réagi un peu brutalement à la première question…c’était la première réponse à cet article qui me tient beaucoup à coeur, et qui dit je crois des choses importantes… Comme vous en dîtes. J’étais un peu déçue que les majuscules à mon nom « de famille » soient la chose qui apparaisse importante dans cet article, le seul message sur lequel on puisse discuter…et surtout, la question n’était pas claire (d’où de qui pourquoi ?)
    cela dit, j’y ai évidemment depuis réfléchi et continuerai probablement à signer en majuscule. -pour la première raison que j’ai énoncée ci-dessus, et parce que cela permet de savoir que c’est cette Sandrine là et pas une autre.
    -parce que je suis fière de ce nom, qui, étant celui de mon père, est bien sûr hérité du système patriarcal. Mais, dans la vie, il y a parfois d’autres raisons qui poussent à assumer un nom. Par exemple, le fait que mon père, petit et jusqu’à 5 ans, n’ait pas eu le droit de dire son nom, c’est important pou moi, et cela implique que je le revendique.
    Le fait que cela me permet de perpétuer la mémoire de deux GOLDSCHMIDT morts à Auschwitz. Et que je suis la plus jeune à le porter, il n’y en aura peut-être pas après moi.
    Le fait qu’ayant été mariée, l’institution m’a quasi systématiquement privée de ce nom pour m’accoler celui d’un autre malgré mes protestations.
    -Ensuite, je crois que lorsqu’on signe des articles tels que les miens, qui sont engagés, qui parfois critiquent et déconstruisent, il est important de ne pas rester anonyme. Ainsi, je suis journaliste, et j’assume mon identité. Tout le monde sait que Sandrine GOLDSCHMIDT, écrit ces articles, j’assume -avec fierté- ma responsabilité juridique et l’effet possiblement négatif pour moi du fait qu’on sache que je pense tout ceci.
    -« Falbala » sait indéniablement qui je suis. Elle, qui me questionne, je ne sais pas qui elle est. D’où elle parle, pourquoi elle m’interpelle là-dessus, ce qu’elle pense de l’article. Est-elle féministe, est-elle interessée par ces sujets, les connaît-elle ? Je ne le sais pas.
    Au mieux, Falbala est son prénom, c’est peut-être un pseudo : je trouve facile de m’interroger sur ce que je fais de mon nom quand on ne signe pas.
    -Dernier argument, féministe : le système patriarcal aime énormément appeler les femmes par leur prénom. Cela permet de dévaloriser leur parole (« Ségolène », par exemple). Tant que le patriarcat ne sera pas renversé, j’insisterai -la plupart du temps- pour qu’on donne aux femmes leur nom de famille, c’est-à-dire celui qu’elles ont choisi d’afficher (pas forcément celui de leur père).

    En résumé, vous toutes et tous qui me lisez savez à qui vous avez à faire; moi pas toujours. J’essaie d’expliciter ma pensée et cela intéresse certaines personnes, d’autres moins. J’essaie de ne pas m’emporter, ou de réagir à l’emporte-pièce. Mais je crois aussi qu’avant de me poser (-d’où ? de qui ? de quoi ?) cette question, ont peut aussi s’interroger sur ce que ça apporte au débat…et si on pense que cela apporte au débat, tenter de l’expliciter., comme vous, Valérie, vous l’avez fait, et je vous en remercie.
    S.G

  8. Moi qui fait partie de la famille de Sandrine, je suis flattée qu’ elle mentionne son nom de famille sous un texte important. Nom de famille d’autant plus précieux qu’il a fallu le cacher aux heures sombres de l’histoire de notre beau pays, où il ne faisait pas bon vivre quand on s’appelait Goldschmidt. Le fait même de le constester ici sur son blog m’apparait comme suspect, même si je comprends derrière le sens de cette revendication.

    Par ailleurs, il est urgent de réagir aux viols des journalistes femmes en Egypte. C’est un acte hautement politique à l’heure où les pays arabes se radicalisent et où leurs armes sont le viols et la privation de liberté faites aux femmes.

    Mesdames, ne vous trompez pas de combats, il ne s’agit pas de s’acharner contre tous les hommes mais seulement contre ceux qui nous voient toujours comme des objets comestibles et monnaies d’échanges faciles à dompter, à soumettre et à tuer….

  9. Chère Falbala, si vous lisez encore les commentaires
    Votre pseudo étant Falbala, nous l’utilisons comme vous l’écrivez; c’est une convention, c’est à dire un accord tacite et qui par ailleurs fait économiser du temps .
    Si j’écrivais des articles sur le féminisme avec mon nom claude richard écrit en minuscules et que par ailleurs, décidant de passer outre les conventions je décidais aussi d’intervertir mon nom et mon prénom, la signature serait ; richard claude Ce qui ferait penser à la majorité des gens que je suis un homme, qui a l’audace de vouloir analyser le féminisme et porter la parole des féministes ….
    Donc : nom de famille en majuscules = convention reconnue par tous
    Après avoir lu un article important sur un sujet grave comme celui-ci , ce qui vous fascine le plus est le fait que nom de l’auteure de l’article vous semble attirer trop l’attention .
    Ceci est intéressant
    Le nom de famille de Sandrine est effectivement très beau .
    Il se trouve qu’elle n’a choisi ni son nom de famille ni la convention qui veut qu’elle l’écrive en lettres majuscules.
    Par ailleurs ,s’il s’impose à vous très particulièrement , vous le retiendrez plus facilement.
    Par ailleurs , elle a bien de la chance .Certains noms sont bien ingrats à porter Pensez à celui qui s’appelle PARTERRE et qui passera sa vie à essayer de se relever ..

  10. Bonjour Sandrine,

    Je viens de découvrir cet article et me permet de vous le transmettre: http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ca-y-est-c-est-la-fin-du-feminisme-105513

    Peut-être le connaissez vous déjà, peut-être n’est il pas pire que tout ce que vous lisez déjà au quotidien pour vous informer, mais pour moi il représenta la montée du masculinisme en France et il faut en parler, continuer à montrer à quel point tout n’est pas gagné et à quel point tout recule sans cesse dès que l’on baisse la garde.

    Je suis toujours éffarée par la haine et le mépris qui nous sont réservés. j’ai beau ne pas vivre sur un nuage (et je suis en Chine en ce moment, je suis littéralement immergée dans le sexisme), je crois que je ne m’y ferai jamais….

  11. Bonjour.

    Je viens de découvrir votre blog et je suis tombée sur ce sujet d’actualité brûlante.

    Je me permets de vous livrer un témoignage comme tant d’autres malheureusement.

    Il s’agit d’une femme qui venait porter plainte dans un commissariat pour violences conjugales graves, puisque cette jeune femme s’était retrouvée en réanimation. Elle est cubaine et n’a pas la nationalité française..Tout ce que l’agent de police lui demandé, c’est de pouvoir vérifer ses papiers, s’ils étaient en règle ou pas !

    Cela me rappelle ce reportage qui est passé au journal régional je ne sais plus quel jour, où, l’oncle maternel avait cassé la figure au père maltraitant. Tout ce que les flics ont su lui rappeler, c’est qu’il avait lui un casier judiciaire et que le papa non. Résultat : l’enfant martyre a fini par mourir à l’âge de 3 ans de suite de coups…

    Alors quand la loi vous certifie que vous avez des droits et patati et patata, mais que vous vous retrouvez avec des guignols qui de statut de victime vous font passer au statut d’affabulateur et de coupable…

    Tant que les personnes du système judiciaire se croieront tout permis, ne rêvons pas. Pas de Justice, pas de Paix !

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