Pierre, Paul, Jacques et la reine des Pommes

Ah! que ça fait du bien. un film drôle, intelligent, inspirant, bien filmé…et original.
C’est « La reine des pommes », fantaisie entre Truffaut et Emmanuel Mouret, filmé et joué avec grâce par Valerie Donzelli.

Adèle a été quittée par Mathieu et n’a plus goût à rien, sa vie n’a ni sens ni direction. Recueillie par sa cousine Rachel qui vit strictement dans son deux pièces et la fait dormir par terre, parce qu’elle ne supporte pas de dormir avec une femme (plus tard, Adèle ayant gagné sa confiance, pourra dormir avec elle, avec un traversin au milieu du lit) ni qu’il y ait un canapé dans son salon, elle devient nounou et tente de suivre l’injonction de son hôtesse : coucher avec des hommes pour oublier celui qui ne l’aimait pas, à qui elle a tout donné, et qu’elle ne peut oublier…

Et Adèle va suivre le conseil; seulement voila, que ce soit Paul, Pierre, ou Jacques qu’elle rencontre, c’est toujours Mathieu qu’elle voit (coup de génie de faire jouer les 4 par le même acteur), qui qu’elle rencontre. C’est d’abord Jacques, avec qui, elle jouit (alors qu’avec son ex aimé, jamais), mais ne peut l’accepter, parce qu’il est riche.

‘J’ai rompu, dit-elle à sa cousine `-Pourquoi ?  -C’est politique ! – Je comprends, dit cette dernière ».

Une des saynettes infiniment savoureuses et justes du film, destinée à l’amant qui, il est vrai, père de la petite fille que garde Adèle, l’avait bien mérité, se croyant tout permis avec sa Mercedes et pensant qu’une femme a des chances de jouir comme de gagner à la loterie…

Avec Paul, ensuite, qui la manipule et l’emmène sur les chemins du voyeurisme et amène à une scène digne d’un quiproquo des Marx Brothers ou du burlesque, lorsqu’elle couche avec Jacques devant Paul pendant que Pierre garde la fille de Paul et que tout ce petit monde débarque chez Rachel, la cousine…

Ce n’est que loin de ces quatre hommes qui n’étaient que des expressions de sa névrose héritée de l’enfance, qu’Adèle, au prix d’un voyage à New York organisé pour elle par sa cousine,  pourra enfin se libérer de son passé et commencer à vivre sa vie de femme. Et voir enfin en Pierre, un homme, en vrai…

La mise en scène du film, en 4/3, est légère. Les scènes où Adèle découvre l’usage du portable sont irrésistibles. Tout est filmé en miroir, un peu comme si l’écran était partagé en deux. Les deux cousines de part et d’autre du lit, de la table, le parc Montsouris comme décor principal de l’extérieur, où chaque matin le chemin des deux femmes se sépare (auquel fera écho un parc à New York à la fin), l’appartement de Rachel, l’homme et son double, l’amant et ses ersatz…un peu comme si la vie rêvée et la vie réelle s’affrontaient, pour enfin, avoir une chance de se rencontrer.

La relation entre les deux cousines est très réussie, avec un rapprochement en miroir ou en quinquonce,  Adèle aidant finalement autant Rachel à devenir Rachel que celle-ci amène Adèle à devenir Adèle.

La voix off, utilisée avec parcimonie, évoque le Truffaut des « 400 coups » et de « Jules et Jim »,en résumé ce film est un bonheur, et « La reine des Pommes » nous ravit de sa fraîcheur, de son originalité et de sa profonde légèreté.

Sandrine Goldschmidt

(Photos D.R)

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