La côte d’Adam, l’utérus d’Eve…

Aujourd’hui, c’est Roch Hachana, la fête juive de nouvel-an. Approximativement, nous sommes donc en l’an 5771, basé sur le calcul du nombre de générations bibliques depuis Adam…cela me met d’humeur philosophique…

5771 ans donc qu’Adam aurait pris le pouvoir sur l’Humanité, lui imposant une marque masculine ? En affirmant que la femme, Eve, n’était sortie que de sa côte, ou de son côté, la religion prend le pas sur la Nature, son observation et sa compréhension : et si vouloir à tout prix qu’il y ait Dieu, c’était surtout pour exprimer cette obsession de l’Homme de « changer la nature » ? Cette nature qui dit très clairement que les petits hommes ne sont pas nés avant…mais qu’ils passent par les femmes, avant de naître…la femme n’est pas née de la côte d’Adam, l’homme n’y peut rien changer, il est né de l’utérus d’Eve (ou d’une autre avant elle)…ce qui s’est passé avant, c’est bien sûr la rencontre du spermatozoïde et de l’ovule…ce qui s’est passé bien encore en avant, bien malin qui peut le dire avec certitude…

Ou alors, Adam est né de la matrice originelle (nature, hasard, lois physiques, ou divines, selon ce que l’on en pense), nécessairement au minimum multisexuée, peut-être bien féminine…et s’est empressé depuis, de prendre le dessus sur sa compagne, de chercher à posséder ce qu’il ne pouvait prétendre avoir…

Lilith, John Collier

Quand je dis « prendre le dessus », ce n’est pas métaphorique, c’est ce que raconte l’histoire de Lilith.

Lilith serait la première femme avant Eve. Elle est mentionnée dans de nombreuses légendes et dans quelques textes du Talmud (particulièrement l‘alphabet de Ben Sira).

Elle est tirée de la même terre qu’Adam (que l’Alphabet de Ben Sira appelle Adam-Kadmon) et est son égale. Seulement, quand ils font l’amour, elle refuse de se tenir « au dessous ». Adam ne l’accepte pas, ils se disputent.  « Elle invoque alors le nom de l’Éternel, des ailes lui poussent, et elle abandonne Adam et l’Éden. Devant les plaintes d’Adam, Dieu envoie trois anges convaincre Lilith, qui refuse. Elle est donc celle qui dit non à la fois à la position que lui propose l’homme dans leur couple et à la fois à la tentative de réconciliation de Dieu lui ordonnant de se plier au désir de l’homme« (source, wikipedia).

Et voila qu’elle traverse la Mer rouge et se range du côté des démones…fait plein de petits enfants démons…et qu’elle devient ainsi la première femme révoltée, la première « tentatrice », la première femme qui fait peur aux hommes…ou plutôt la première insoumise, la première féministe, à sa façon ? Pas étonnant que l’histoire ait si peu parlé d’elle…

S.G

(photo D.R)

3 réflexions sur “La côte d’Adam, l’utérus d’Eve…

  1. En fait, comme souvent en ce qui concerne la Bible et son compère le Coran, le clergé (les Hommes?) n’ont retenu que ce qu’ils ont voulu, en l’occurrence UNE version de la Genèse.

    En effet, j’ai été très surprise lorsque j’ai lu la Genèse (vi vi, entres autres innombrables lectures, j’ai lu la Bible -pi le Coran, pi le Tao, et une partie des Vedas- ) que l’Eglise et les Hommes ont fait un savant mixe du 1er et 2d chapitre du Livre de la Genèse: ils ont gardé la partie « le 1er jour il fit ceci, le 2d jour il fit cela » du 1er chapitre, mais en remplaçant la création des Humains du premier chapitre par celle du second chapitre, celle que tout le monde connaît, où la Femme est issue de la côté d’Adam.

    En fait, c’est plus compliqué que cela:
    Dans les traductions « reconnues pouvant faire l’objet d’une utilisation liturgique » par les commission doctrinales de l’Eglise catholique, on note deux versions totalement différentes et sans beaucoup de rapport l’une avec l’autre, où la première évoque la création simultanée de l’homme et de la femme à partir de terre glaise modelée par le grand Barbu (Gn, 1.27)

    En 2001 (édité par Bayard en France), après des années de boulot, une équipe multidisciplinaire comportant majoritairement des linguistes et des historiens accoucha de la traduction linguistiquement la plus fidèle aux manuscrits de la mer morte. On s’aperçoit entres autres dans cette traduction que le texte est beaucoup plus… poétique, d’une part (et proche des types de textes lyriques de l’époque -j’ai pensé à Sapho plusieurs fois-, ce qui n’est pas le cas des traductions « canoniques »), mais surtout plus sujet à interprétation, éloignée, voire très éloignée du Dogme catholique romain et protestant (je connais peu l’orthodoxie, je ne peux donc pas en parler).

    Dans cette traduction, les « deux versions », en fait les deux premiers chapitres de la Genèse, ne sont plus antinomiques et contradictoires mais dans la suite l’un de l’autre.

    Le verset en question est alors le suivant:

    « Dieu crée l’adam à son image
    le crée à l’image de Dieu
    les crée mâle et femelle » (Gn.1. 27)

    Hors, si l’on est attentif aux mots, on voie qu’en fait l’être humain, le fameux Adam, n’est pas un homme au sens sexué du terme, mais « à l’image de Dieu », « mâle ET femelle ».

    On peut donc penser qu’Adam est initialement hermaphrodite.

    Ce n’est que dans le second chapitre que le barbu se dit que la solitude de l’adam (en fait, il semblerait que le terme « adam » ne soit pas un nom propre mais un nom commun) n’est pas bonne et qu’il faut, comme pour les autres animaux, lui « faire une aide comme quelqu’un devant lui » (Gn, 2. 18)
    Et qu’il prend une côte de l’être bisexué, donnant naissance à un mâle -adam- et une femelle, qui ne s’appelle pas encore Ève (elle ne prend ce nom qu’après la malédiction post -apple).

    Tout cela pour dire que les Textes, écrits par des êtres humains -en l’occurrence, des hommes- disent ce que les sociétés humaines à un temps T veulent y lire, rien d’autre.
    Souvent, ils renferment une part étonnante de liberté, de féminisme aussi : le Coran a par exemple représenté une avancée énorme pour les droits des femmes de la région bédouine de l’époque; les paroles du Christ sont très éloignées du dogme catho: il y explique que l’adultère, Dieu s’en bat les steaks, que la Femme est sa copine et que la richesse et l’ordre établi c’est cacaprout, bref, un discours assez éloigné des canons professés par les différentes Eglises chrétiennes.

    Quant à Lilith: euh, je ne trouve pas qu’elle ait été oubliée par l’histoire. Je suis même à peu près certaine qu’il est unique qu’un personnage aussi évanescent, inconsistant dans le corps du Texte biblique ait trouvé une telle postérité, et pas seulement dans les cercles ésotériques!!!!
    En fait, elle est totalement absente de la Bible dans la plupart des traductions, et son mythe (= l’interprétation à un temps T du mythe de la Genèse dans une société donnée, en l’occurrence les sociétés sémitiques méditerranéennes au Xème siècle) est né en tant que tel que très tardivement, au Xème siècle dans alphabet de Ben Sira que vous citez.
    Les pages wiki auxquelles vous renvoyez le signalent, d’ailleurs: elles expliquent que l’interprétation la plus courante des deux chapitres de la Genèse dont j’ai parlé ici est de les considérer comme séparées, incompatibles, et comme témoins en fait de la création de 2 femmes différentes, Lilith étant la première (donc la femme égale de l’homme. et non pas un un être bisexué évidemment), et Eve la seconde (ce qui d’un coup nous replace dans le binôme à la con Putain ou Sainte!).
    En dehors de la tradition juive ésotérique, la miss Lilith connut une période de gloire à la renaissance, période faste de la Chasse aux Sorcières, durant laquelle les déomonologues pérorèrent à qui mieux mieux sur la nature par essence diabolique de la Femme…. ( des siècles auparavant, à la moitié du Moyen Age, il y eut même une synode dédié exclusivement à la question de savoir si les femmes avaient une âme ou non. Le synode n’a pas pou conclure!!!!)

    Bon, je cesse de pérorer 🙂

    Et en profite pour dire que je lis toujours très attentivement vos articles 🙂

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