Le sport, c’est pas un truc de gonzesses !

Le sport, quand même, c’est pas un truc de gonzesses ! C’est un truc viril, il y a de l’engagement physique. Et puis, on risque de se salir. En plus, ça se passe souvent dehors, je veux dire, pas forcément en extérieur, mais dehors, pas dans la maison. Donc, ce n’est pas la place d’une femme, quand même. Une femme, elle est là pour encourager son homme qui fait du sport. Il ne faut pas qu’elle se salisse, elle, mais qu’elle nettoie plutôt les vêtements sales de son footballeur qui s’est roulé dans la boue le dimanche matin. Elle, elle l’a attendue à la maison, parce qu’il faut bien garder les enfants et faire le repas de midi…lui, c’est normal, qu’il sorte. Après sa semaine du travail, il faut qu’il évacue en allant se dépenser avec ses copains. Et puis, une femme, elle peut pas faire du sport, vous vous rendez compte, elle pourrait rentrer avec des bleus partout ! Les « bleus », c’est chasse gardée, à tous les sens du terme. Les bleus, c’est les hommes français qui font du sport, et c’est les mecs qui les font aux femmes, A LA MAISON!

Le sport, c’est décidément pas un truc de gonzesses. Pourquoi je dis ça ? Parce que je viens de refermer Direct Sport, trouvé sur la banquette du RER, en rentrant d’une projection de « Sin by Silence » et « Une fille comme moi ». Deux documentaires projetés dans le cadre de la semaine du 25 novembre, journée pour l’élimination des violences envers les femmes. L’un sur les femmes en prison pour avoir tué leur mari violent après des années, l’autre sur des jeunes femmes d’un centre d’hébergement qui, pour beaucoup, ont subi des violences. En plus, dans le TGV du retour, j’ai entamé la lecture du livre de Natacha Henry, « Frapper n’est pas aimer ». Livre choc, remarquable. Et voila que j’ouvre Direct Sport, pour voir si ça a changé depuis quelques mois.
Et là, je me prends à jouer au petit jeu d‘Isabelle Germain et de mes copines de l’Association des femmes journalistes : je compte les photos, pour voir combien on voit de femmes, combien d’hommes. En général, c’est 5 %. Mais là, je tourne les pages, l’une après l’autre, me rendant à chaque fois un peu plus à l’évidence. Dans les pages qui parlent de sport, il n’y en a pas, des femmes. Pas une. ZERO !

C’est vraiment pas un truc de gonzesse, le sport. D’ailleurs, si j’ai dit « dans les pages qui parlent de sport », c’est pas tout à fait un hasard. Parce que des photos de femmes, il y en a 2, quand même. Mais pas dans les pages sport. Dans la double page qui m’énerve à chaque fois, toujours la même. Et si vous trouvez que j’exagérais au début de l’article, voici de quoi nous achever. Les femmes, elles sont à la maison pour préparer le repas. Mais leur héros, qui a beaucoup sué, sali, craché, pratiqué son engagement physique viril  avec ces copains, il a vraiment besoin d’une petite récompense, d’une « troisième mi-temps » : c’est le titre de la double page, qui chaque semaine, montre un top-model. Une petit photo d’une jeune mannequin, qui pose « presque nue », pour présenter de la lingerie, dans une fourrure entourée de chiens de traîneaux, dans la neige. Et l’article, qui feint d’être scandalisé par le fait « que la pauvre top-model elle aurait froid dans la neige c’est honteux ce qu’on lui fait subir ». Mais tout dit : regardez messieurs comme elle est belle et qu’elle a l’air douce et offerte, cette « gentille jeune femme » entourée d’animaux, elle est là pour vous réconforter…

Et là je me dis : je rêve ? Eh bien non, je ne rêve pas. Le sport, c’est vraiment pas un truc de gonzesse.

Bon, mais je ne vais pas m’arrêter sur cette note négative. La route sera peut-être longue, avant que l’on arrive à les faire descendre tout à fait, ces autoproclamés dieux du stade, de leur podium. Mais on y arrivera. Et quand ils auront enfin mis le pied sur le sol, ils pourront retirer leurs crampons et leurs chaussettes…pour aller les laver eux-mêmes. Parce que laver les chaussettes sales, c’est pas un truc de gonzesses, non plus.

8 réflexions sur “Le sport, c’est pas un truc de gonzesses !

  1. Chère Sandrine,

    Je viens de découvrir avec plaisir votre blog, et je me sens soulagée de voir que je ne suis pas la seule à être perturbée par les fameuses pages de Direct Sport. Le pire, c’est que la première fois que je suis tombée dessus, je n’ai même pas tilté. Comme quoi, hein, bien conditionnée, la petite… C’est mon copain, qui a bâti son identité masculine différemment des autres hommes, qui me l’a fait remarquer d’un air las… Hé oui, il est bien mon copain, même si j’aimerais qu’il fasse un peu plus de sport justement !
    En tout cas, merci beaucoup !

    1. Merci beaucoup à vous, et ça fait plaisir de lire que certains hommes sont vigilants ! Vous lui direz de ma part 🙂
      Bien à vous
      Sandrine

  2. ah le direct sport…
    au début la nana de la double page était une sportive, il y a eu une basketteuse et une surfeuse je crois. que les seules femmes représentées dans ce gratuit soient déshabillées ça me choquait énormément mais j’essayais encore de chercher un bon côté en me disant qu’au moins, on voyait de belles femmes musclées et que ça pouvait en motiver quelques-unes. je suis naîve, hein?
    maintenant ce sont toutes des mannequins bien formatées et donc l’illusion n’est plus possible.

    tout ce que tu dis est parfaitement vrai, malheureusement, il y a peu de monde qui a conscience de l’injustice du truc…

  3. Bonsoir,

    J’ai lu rapidement votre article car le sujet des formes de sexisme dans le sport m’intéresse beaucoup .

    Par contre je n’ai pas lu le mag en question mais comment vous dire ? Je ne suis pas du tout surprise. Le sport depuis longtemps ( et celà s’explique par son histoire et ses racines anglo saxonnes sans doute, enfin c’est ainsi que l’expliquerait Philippe Liotard sociologue du sport )reste un bastion de la virilité quand ce n’est pas malheureusement du « virilisme ». et celà ne s’arrange pas dans nos sociétés modernes où les femmes réclament l’égalité de droits : les hommes tenteraient alors de préserver des lieux de socialisation et d’apprentissage groupal de la masculinité ( Daniel Weltzer Lang parle lui de « maison des hommes » ).

    Pour résumer, bravo pour et article mais nous ne sommes pas sorties de la « maison des hommes » et il faudra encore beaucoup de luttes pour une juste reconnaissance du sport féminin ( je sais ce dont je parle je suis prof d’EPS et sportive et j’ai parfois l’impression de devoir en permanence marcher sur la pointe des pieds dans les gymnases pour ne pas troubler la marche virile des sportifs ( fatiguée bien souvent donc ).

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