L’association Ni Putes ni Soumises appelle à un rassemblement samedi 16 janvier à Paris pour soutenir l’auteur et comédienne franco-algérienne, Rayhana, agressée le 12 janvier. Cette manifestation débutera à finalement à 14h30 devant la maison des Métallos rue Jean-Pierre Timbaud (Metro Couronnes).
Rayhana va bien. Cette magnifique artiste, auteure, actrice et militante algérienne n’est pas du genre à se laisser impressionner par l’agression dont elle a été victime, mardi soir.
« Je n’ai pas peur », dit-elle, « pourquoi j’aurais peur ?« . Je vis dans un pays libre, et j’ai écrit une pièce sur la liberté. J’ai pris mes responsabilités. Et la vie continue. On ne va pas s’arrêter pour ça. En Algérie, quand un metteur en scène était assassiné, on continuait ».
Mardi soir, elle a été attaquée par deux hommes, l’un la retenant en arrière pendant que l’autre lui aspergeait de l’essence sur la figure.« Je ne les ais pas vus, je marche toujours la tête baissée. Ca a giclé sur mon visage, j’ai été aveuglée. Puis j’ai vu une cigarette lancée sur moi qui a touché mon bonnet, j’ai couru chercher du secours ». Elle a entendu ses agresseurs lui dire : » on t’avait prévenue ».
C’est arrivé aux environs de Belleville, à deux pas de la Maison des métallos où elle joue tous les soirs dans la pièce qu’elle a écrite, « A mon âge, je me cache encore pour fumer » (voir ci-dessous), qui est mise en scène par Fabian Chappuis. La dernière représentation du spectacle, complet depuis quinze jours, aura lieu samedi soir.
Sa pièce est donc une oeuvre sur la liberté, elle y dénonce « l’oppression des femmes », de toutes les femmes. Et si la scène se déroule dans un hammam d’Alger, elle a vocation à être universelle . « Je voulais parler des femmes, cela se situe à Alger parce que c’est là que j’ai vécu. Mais j’ai essayé d’aller vers l’universel ». D’ailleurs, une des plus belles remarques sur le spectacle lui a été faite par une spectactrice âgée « française de souche ». « Elle m’a dit : je m’attendais à voir des femmes arabes et je me suis vue ». Même si les personnages s’appellent Fatima, ou Zaya, elles pourraient s’appeler Françoise… »
Rayhana, qui heureusement n’a eu aucune séquelle de l’agression, a déposé plainte, pour la deuxième fois. Le 5 janvier, elle avait déja été agressée verbalement. Cette fois-ci, elle a choisi de parler à la presse. Libération en a parlé ce matin dans une double page, et l’info a fait le tour du web avant que le théatre n’organise cet après-midi une conférence de presse. Et bien sûr, le théatre se trouvant dans un quartier sensible près de Belleville, et la pièce parlant de la liberté des femmes et se situant en Algérie, les questions n’ont pas manqué pour savoir si elle liait son agression à l’intégrisme musulman.
Elle a insisté sur le fait que cela n’était en rien sûr, que cela pouvait aussi bien être le fait de deux « salopards », et qu’il ne fallait pas en tirer de conclusions politiques. La pièce, militante, ne se veut d’ailleurs pas polémique.
Si Rayhana a voulu parler de son agression, c’est, après réflexion, pour ne pas faire « comme les femmes battues qui cachent ce qui leur arrive ». Et bien montrer à ceux qui, par deux fois, ont lâchement tenté de l’intimider, pour qu’elle ne puisse plus continuer à clamer son esprit de liberté, qu’ils n’y parviendraient pas. C’est toute la force de cette militante de savoir garder la tête froide malgré ce qui lui est arrivé, et d’oser dénoncer la violence sans se perdre dans la colère. Le succès d »A mon âge, je me cache encore pour fumer », qui a bénéficié d’un excellent bouche à oreille, est là pour l’attester.
Sandrine Goldschmidt (photos S.G)
voire les détails de la pièce dans l’article précédent. Et je vous rappelle que je n’ai malheureusement pas pu voir la pièce, que tous vos témoignages sont les bienvenus.