Moi, en jupe le 25 novembre ? Non, merci.

Ni putes ni soumises a décidé de participer à la mobilisation globale des féministes et des autres pour le 25 novembre, journée de lutte contre les violences envers les femmes. Parmi l’océan d’initiatives, c’est probablement une façon de se distinguer. Campagne contre le viol, expos, tables-ronde, projections qui parlent de la violence, Ni putes ni soumises, elle veut nous mettre en jupe. Je dis non et j’explique. Je reproduis l’appel en noir italique, j’y réponds en rouge.

« Lorsque je suis en jupe, je remarque, oui, que les hommes me regardent. Lorsque je suis en jupe, je me sens femme, oui, aussi dans mon propre regard. Lorsque mes sœurs, à Vitry ou ailleurs, tentent d’en faire de même, elles se font traiter de putes. Elles bravent l’interdit en arborant trop de liberté et de féminité.

Lors que je suis en jupe, je ne me sens pas moi-même. Les hommes me regardent, parfois, mais ce n’est pas ce que je recherche dans la vie. Ce n’est pas pour mon habillement que je veux être regardée, par un homme ou une femme. Lorsque je ne suis pas en jupe, je me sens femme, aussi, dans mon propre regard, même si ce n’est pas la définition hétéro-patriarcale d’une femme. Lorsque d’autres femmes se font traiter de putes parce qu’elles mettent une jupe, ce sont toutes les femmes, y compris les prostituées, qui sont insultées. La stigmatisation des putes, ça suffit ! La honte doit changer de camp, être sur ceux et celles qui s’arrogent le droit de nous dire comment il nous faut nous habiller, et qui exploitent les femmes ».

« C’est de là qu’est venue l’idée de se servir des jupes comme un symbole de notre mouvement. Le 25 novembre donc, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, j’appelle toutes les françaises à porter une jupe, qu’elle soit crayon, porte feuille, mini, bouffante, plissée…comme un acte de soutien à toutes celles qui subissent le fait d’être née femme ».

Je suis prête à soutenir les femmes qui souhaitent se mettre en jupe et à me battre pour que les hommes et les jeunes garçons cessent de les importuner. En revanche, je n’appelerai jamais personne à faire autre chose pour s’habiller que de faire comme elle a envie, et comme elle se sent le plus elle-même, qu’elle se dise femme, féminine, féministe, androgyne, trans, lesbienne, ou qu’elle ne se dise pas.

Aussi, ce même jour, Ni Putes Ni Soumises organisera « Toutes en Jupes », une vente aux enchères de jupes de femmes célèbres, qui ont décidé de soutenir notre combat pour les femmes. Les fonds récoltés à l’occasion de cette vente serviront à financer des « appartements-relais », projet de Ni Putes Ni Soumises et de l’association Aurore, un acteur social reconnu. Dans la continuité, des photos de filles des quartiers portant les dites jupes seront exposées et mises en vente.

Je veux bien organiser des ventes aux enchères de vêtements dans lesquels des femmes (et toutes les autres « étiquettes possibles », voir ci-dessus) se sont senties elles-mêmes pour financer ces appartements relais. Des photos de femmes habillées comme elles le souhaitent seront exposées.

J’attends que les valeurs de Ni Putes Ni Soumises de métissage et de mixité empreignent le Palais de Tokyo le soir du 25 novembre, et que cette soirée soit un bel hommage à toutes celles qui se battent, en France et ailleurs, contre les pressions de toutes sortes.

J’attends que les valeurs humanistes de la liberté individuelle des femmes (en tant que catégorie sociale) à disposer de leur corps librement, ce qui passe par se vêtir de la façon qu’elles souhaitent, en jupe en banlieue ou en jean dans leur entreprise, sans pression de la part de la société androcentrée au travers des magazines, de l’éducation, des pressions de toutes sortes, soient enfin reconnues.

Sandrine Goldschmidt

26 réflexions sur “Moi, en jupe le 25 novembre ? Non, merci.

    1. n’oublions pas qu’il y a des quartiers où des jeunes filles aimeraient se mettre en jupe (ou en robe), c’est-à-dire, montrer leurs jambes, non pas pour que les mecs les matent, simplement pour être en jupe ; malheureusement il y a des mecs pour qui, se mettre en jupe se rapporte à la prostituée, et donc c’est qu’elles « cherchent » à se faire violer. Donc le 25 novembre toutes en jupes)))))

      1. c’est bien, ça fait du débat…
        bon, « il y a des quartiers où »…mais même dans les immeubles de luxe de la défense, une fille en jupe se fait mater. Et il y en a des tas qui se font harceler sexuellement pour ça ou pour autre chose.
        1/ Oui, la différence là, c’est le fait d’être traitée de putes. Moi je serais prête, pour défendre les personnes prostituées, à crier « nous sommes toutes des putes ». Pas « ni putes ni soumises ». Oui, que NPNS crie « nous sommes toutes des putes », la honte ne doit pas être sur nous.
        2 / Le risque du viol est-il si différent pour celles qui ne portent pas la jupe ? et si les mecs pensent que « la prostituée cherche à se faire violer et que toute femme en jupe cherche donc à se faire violer », vous ne croyez pas que c’est plutôt vers les garçons qu’il faudrait agir ? vers les hommes en général ? En faisant par exemple une campagne contre le viol comme celle qui va sortir la semaine prochaine ! et qui montrera quand même que le risque de viol n’est directement lié avec le fait de mettre une jupe ! quand ce n’est pas une jupe, c’est parce qu’on met un pantalon, quand ce n’est pas pour ça, c’est parce qu’on n’accepte pas le diktat des autres ou de la société… alors non seulement je crois que c’est vraiment une initiative à courte vue, en plus, je le redis, la façon dont elle est défendue par l’argumentaire de cet appel est catastrophique !

  1. Je comprend bien les propos en noirs, et ceux en rouge aussi !
    Ils ne sont pas si contradictoires qu’ils n’apparaissent au premier abord, me semble-t-il : c’est une question d’histoire et de chemin à parcourir.
    Les unes viennent d’un lieu où porter une jupe est un acte revendicatif de liberté. Ca peut se concevoir, quand on voit comment les signes distinctifs de féminité « officiels » et visibles y sont considérés.
    En noir, c’est le chemin inverse, sans doute : venant d’un lieu où la ces mêmes signes deviennent des carcans, comme s’il n’y avait qu’une façon d’être femme.
    En tant qu’homme féministe, il me semble que ces deux points de vues, issus de parcours différents, visent le même but : que chacune puisse s’affirmer telle qu’elle l’entend, et pas seulement par le port de ses vêtements.
    J’ai marché plusieurs fois Journée Internationale de Lutte contre les Violences Faites aux Femmes.
    Cette année, j’ai bien envie de le faire en jupe : comme ça, le slogan pourrait devenir « Tou(te)s en jupe »…
    Fun et significatif à la fois, non ?
    😉

  2. Heu…
    je voulais écrire :
    En rouge, c’est le chemin inverse, […]
    Vous m’auriez compris quand même sans doute ?

  3. Je partage totalement l’avis d’Escribure.
    Le but est bel et bien de montrer que les femmes ont le droit de s’habiller comme elles l’entendent, jupe inclue. Et puis il y a tellement de jupes différentes en plus!
    Parce que oui, en France, être en jupe ce n’est pas facile. Jamais personne ne m’a donné l’injonction de mettre une jupe, tandis que l’inverse, oui. Souvent.
    Je sais que ma mère a vécu la situation inverse: interdiction d’être en pantalon. mMis moi, c’est en mettant une jupe que j’ai l’impression de faire ma révolutionnaire, de braver un interdit puissant alors que au final qu’est-ce que je fais? J’essaie juste de m’habiller comme il me plaît. Pour moi. Pas pour les passants mâles.

    Alors oui, je soutiens cette campagne!
    Je vois cette manifestation de jupe un peu comme l’équivalent du « on est tous/toutes Roms » ou on est « tous/toutes immigrées ».

    1. OK, très bien mais pas avec cet argumentaire là…ce que je lis, ce n’est pas les femmes ont « le droit » de s’habiller comme elles l’entendent.
      La question de la façon dont nous nous habillons ne devrait même pas exister.
      comme je le disais dans ce papier que je remets en lien, l’appel dit aussi que l’habit fait le genre… https://sandrine70.wordpress.com/2010/05/04/du-port-du-vetement-en-general-et-du-pantalon-en-particulier/

      1. d’accord avec les premiers commentaires. cette analyse n’a de sens que lorsqu’on a déjà le choix de s’habiller comme on le souhaite ! pour toutes celles qui ne peuvent pas se mettre en jupe alors qu’elles le souhaiteraient, je dis OUI à cette campagne !

      2. encore une fois, le problème n’est pas de nous demander de nous mettre en jupe, c’est l’argumentaire ! On dirait qu’il n’y a que les femmes de « Vitry et d’ailleurs » qui souffrent « d’être nées femmes »… on en est avant Beauvoir, là!

      3. @ Sandrine
        […] « l’appel dit aussi que l’habit fait le genre… » […]
        => D’où ma proposition. 😉

        Si vous pensez encore que l’habit fait le genre, allez voir par curiosité ces liens là :
        – Styliste spécialisé dans les jupes pour hommes :
        http://www.amok.ch/fr/idea.php?p=0
        http://www.amok.ch/fr/webshop_products.php?kategorie=1&s=m

        – Association les Hommes en Jupe :
        http://asso.i-hej.com/

        Nous sommes tous et toutes soumis(e)s à la question de la façon de nous habiller… C’est pourquoi les vêtements sont aussi porteur de messages en eux-même. On sait bien que derrière cette liberté revendiquée de s’habiller comme on l’entend, c’est une façon d’affirmer une plus grande liberté d’être.

        Un jour, une copine m’a dit : « J’ai toujours eu des problèmes avec ma féminité, ma façon de la vivre ».
        Je lui ai répondu : « Il y a une infinité de façon d’être femme. Et parmi elle, il y a la tienne, que tu construis ».
        C’est pareil pour les hommes. Jamais je ne me suis reconnu dans le schéma patriacalo-machiste qu’on a tenté de m’imposer. Et je dois construire ma masculinité avec ce que j’ai…
        C’est pourquoi le féministe, en libérant les femmes, libère aussi les hommes.
        Qu’on ne nous impose plus des schéma pré-construits, mais qu’on nous laisse donc nous construire sans avoir nous amputer d’une part de nous même !!!!

  4. J’aime bien l’idée de se mettre en jupe pour faire la nique aux dictateurs phalliques, mais je trouve effectivement que « je me sens femme » est une expression d’une absolue vacuité. Autant dire que je me sens blanche, que je me sens vertébrée, etc…

  5. Il y a plusieurs questions à cette intiative de NPNS. Tout d’abord leur capacité à systématiquement exotiser le sexisme, faire croire que c’est pire pour celles qui vivent au banc du lieu, adhérer donc au discours dominant qui nous explique depuis des années que « là bas » vivent les sauvageons et leurs victimes sans nous dire jamais pourquoi ils le sont devenus. Ensuite, il y a leur message subliminal (voir les commentaires sur FB) « islam fondamentaliste = sexisme » comme si cet islam était au pouvoir en France, comme s’il était responsable des chiffres consternants sur les inégalités femmes/hommes, sur les violences faites aux femmes. Enfin, elle montre leur incapacité à s’unir avec les initiatives déjà existantes et à quelles fins? Récolter des fonds pour créer des places d’hébergement! Avec qui? L’association Aurore, énorme structure aussi féministe que mon arrière grand-père alors qu’en matière d’hébergement pour les femmes victimes de violences il existe d’autres partenaires… féministes! Si prendre la rue, en jupe, en pantalon, en robe ou en bermuda leur semble une urgence pourquoi ne se sont-elles pas associées à la marche de nuit? Bref, encore une fois cette asso nous montre qu’elle ne communique que sur un féminisme opportuniste et démago, qui rassure tellement qu’il semblerait qu’elle vient de recevoir 60.000 euros pour faire de la prévention sur …le port du voile intégral (!) quand d’autres assos féministes qui travaillent sur le terrain, comme le Gam’s, voix de femmes, etc, courent après quelques sous ou sont contraintes de fermer par manque de subventions!!!

    1. je ne sais pas d’où vous tenez votre affirmation – mais peut-être il y a des études ?
      De toutes façons, le problème, c’est que les femmes ont peur de se faire emmerder. Jupe ou pas…et qu’il n’y a pas que les « mecs des quartiers » qui sont en cause.

  6. Mais en quoi la jupe est-elle le symbole de la féminité ? Pourquoi cette idée depuis 68 que pour revendiquer son droit à disposer de son corps, la femme doit l’exposer tel un étendard? Dans le cas de Ni Putes Ni Soumises,j’imagine que la campagne se positionne en référence à l’intégrisme religieux (et là j’englobe tous les intégrismes).Contre le « cachez ce corps qui est pêché ».
    Je vais/je vis par intermittence dans le 93, et c’est effectivement courageux de porter une jupe dans un certain contexte. Je trouve dommage que les unes critiquent les initiatives des autres. On en revient toujours au très matchiste crêpage de chignon, c’est bien dommage. La suite sur : http://anaismisfits.canalblog.com/archives/2010/11/18/19637173.html
    Anaïs Misfits

  7. La jupe , c’est bien en été.
    La jupe, la robe, c’est bien pour faire le couple, par tradition: lui–> garçon, moi—> fille.
    En général, le jupe n’est pas pratique pour marcher vite,porter des paquets, se baisser .
    Ce symbole revendiqué n’est pas celui de la liberté, c’est le symbole du plaisir qu’on éprouve à se sentir comme on s’ aime.
    Mais c’est aussi une façon de s’aimer en fille.

    Les écossais ne seraient pas d’accord. Très certainement.
    Les thailandais, non plus.
    Qui d’autres ?

  8. mais dans leur évènement, les NPNS ne disent pas qu’il n’y a que les filles des quartiers qui ne peuvent pas se mettre en jupe. je crois même avoir vu dans leur évenement facebook que c’était partout en france. moi, plus y’a d’initiatives contre les violences, plus je suis content, alors au lieu de se diviser betement, et bien moi je ferais la campagne contre le viol…en jupe !

  9. J’ai bien lu votre article… par contre je n’ai pas lu tous les commentaires, donc ne suis pas au courant des éventuels débats qui auraient pu avoir lieu.

    Pour moi cet argumentaire n’a pas lieu d’être. pourquoi? Je le comprends bien, mais pour moi elle ne serait justifiée que si Ni Putes Ni Soumises disait à toutes les femmes de se mettre en jupe tout le temps. Or là, il n’est pas question de ça, juste de porter une jupe pour montrer son soutien envers ces femmes insultées ou violentées. Au même titre que porter un Ruban Rouge (en décembre ou toute l’année) pour montrer son soutien à la recherche contre le sida, un ruban rose (en octobre…) pour le cancer du sein. En Islande, on a même le mois de soutien pour la recherche contre le cancer de la prostate (en mars), Mois pendant lequel il est coutume pour les hommes de se laisser pousser la moustache… et beaucoup de femmes en mettent une postiche pour rejoindre le mouvement.

    Il n’est donc pas question d’aliéner la liberté de la femme, comme Sandrine Goldschmidt le dit, mais juste de montrer que l’on est pas indifférent à une situation grave.

    Tout comme je porte toujours un ruban rouge et un ruban rose ; tout comme je porte régulièrement une moustache en mars, Je porterais une jupe demain. Et je compte bien expliquer pourquoi aux islandais étonnés…

    1. à la limite, un ruban rouge, on sait ce que c’est…c’est pas comme si, tous les jours, partout, il n’y avait pas de femmes en jupe…
      donc, des femmes en jupe, aujourd’hui, personne ne va le voir (peut-être vous, si vous en mettez pas d’habitude)…parce que des femmes en jupe, il y en a tous les jours. Personne ne pourra dire parce qu’il ou elle voit une femme en jupe que c’est un signe de soutien aux filles qui ont des difficultés à se mettre en jupe !
      je n’ai jamais dit qu’il était question « d’aliéner la liberté de la femme ». (euh « des femmes ? »). Jamais. Je dis juste que l’argumentaire me choque énormément, et je ne vais pas me répéter, tout est « en rouge ». Je crois qu’en cette journée de lutte contre les violences faites aux femmes, beaucoup d’initiatives, en particulier la campagne contre le viol, la manif, les projections, permettent suffisamment de montrer que nous ne sommes pas indifférent-es aux violences faites aux femmes, où qu’elles soient, quelles qu’elles soient.
      Si NPNS avait fait une manif avec tous et toutes en jupe, au son de « nous sommes toutes des putes », !indiquant ainsi que le problème n’est pas d’être « une pute » ou une salope, mais que le problème, ce sont les hommes qui voudraient garder le contrôle sur les femmes, par tous les moyens, vestimentaires en tête), j’aurais peut-être adhéré…

  10. nan mais je pense que NPNS écrit d’un lieu particulier, les cités, et franchement j’ai du mal à dire ou redire quelque chose parce que ce n’est pas un univers que je connais et c’est très particulier (j’ai pourtant vécu 25 ans en Seine St Denis dans un milieu populaire mais pas en cité, et j’en suis partie depuis assez longtemps, on sait que les choses se sont bcp dégradées ces dernières années). Quelque part, je les « soutiens », parce qu’elles ont à répondre à autre chose que ce que nous connaissons, elles sont issues d’une autre culture dont le machisme est plus – comment dire – cristallisé dans la réalité quotidienne que ce que nous vivons nous. Notamment les petites filles. Je ne me sens pas « en droit » de redire à leurs actions, eu égard de tout ça. J’ai toujours trouvé dommage qu’elles ne soient pas aux mêmes dates et mêmes lieux que les « autres féministes » (CNDF), le 8 mars, le 25 novembre, etc. c’est dommage car on a en commun la lutte contre le machisme, qui traverse effectivement toutes classes sociales, sensibilités politiques, religieuses, culturelles. J’ai bcp aimé le film « la journée de la jupe », mais je ne me mettrai pas en jupe comme un symbole puisque je peux m’y mettre « librement »… et je sais ce que c’est que de « devoir » se mettre en jupe et s’habiller « en femme », j’ai bossé dans un beau magasin étant plus jeune, il fallait s’habiller, etc. J’avais l’impression d’être déguisée ;o)

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