Quand la violence se dit ouvertement

Ce matin, je suis tombée sur cet article. Hallucinant ! Un homme sur quatre en Asie reconnaît avoir déjà commis (au moins) un viol, en général sur sa partenaire, plus d’un sur deux reconnaît être violent avec les femmes (jusqu’à 80% en Papouasie Nouvelle Guinée). C’est une étude effectuée par l’ONU auprès de 10.000 hommes.

Mais je vous arrête tout de suite. Il ne s’agit pas ici de montrer du doigt un continent en particulier. Dans les pays choisis, il y a des raisons de conjoncture très certainement (comme des guerres récentes) qui peuvent expliquer les taux hallucinants constatés (cf Papouasie-Nouvelle-Guinée). Il ne s’agit pas non plus de dire que là-bas, la violence est plus décomplexée. Je ne sais pas si c’est vrai. Mais de dire que cette étude nous livre des clés pour comprendre l’ampleur des violences masculines contre les femmes et celle du déni. Partout dans le monde.

En effet, je crois c’est que parce que l’ONU s’est donné les moyens de faire un vrai travail d’étude et de recherche dans cette partie du monde, qu’on parvient à de vrais résultats sur la réalité, opposables au déni généralisé.

A ce propos je voudrais livrer une courte réflexion sur le déni et le mensonge. Nous, féministes parfois jugées extrémistes, disons que l’immense majorité des violences est cachée derrière le déni. Et ce ici même en France. (A lire à ce propos la remarquable interview de Muriel Salmona dans L’Humanité). Ce déni, qui consiste à laisser penser que les violences sexuelles sont commises de façon marginale par une minorité d’hommes « mal dégrossis » ou « psychopathes ». Ce déni,  surtout, qui consiste, pour l’agresseur, (l’individu homme en majorité et la société patriarcale), à assurer son impunité. Pour cela, deux méthodes simples : il retourne la culpabilité (« la victime, c’est la coupable ») et nie être violent. (Mais ça, c’est quand il a besoin de le faire, parce qu’en apparence, la société serait « contre le viol »).

C’est une caractéristique des sociétés qui en adjoignant la « démocratie capitaliste » au patriarcat assurent leur impunité par la culture du mensonge (la « publicité »).

« L’être et la marchandise », de Kajsa Ekis Ekman, décrit bien comment le capitalisme (je cite de mémoire) a perpétuellement besoin de nouveaux espaces de marchandisation pour se perpétuer) et surtout comment, pour que cela passe sans contestation, il a besoin d’un discours de propagande fondé sur la promotion du mensonge idéologique selon lequel la liberté et la justice guideraient ses actes (je développerai une autre fois si vous le souhaitez). La société est égalitaire dans ses lois (c’est vrai mais pas appliquées), les hommes sont gentils, il n’y a pas de violence, ce sont les féministes qui victimisent les victimes qui ne sont pas des victimes mais des héroïnes et qui aiment ça (référence entre autres à la prostitution et à la pornographie où l’on montre des femmes torturées et violées en disant qu’elles aiment ça).

La caractéristique de cette propagande est de ne jamais se fonder sur la réalité mais sur le fantasme de la réalité. Laquelle réalité il faut à tout prix cacher et donc surtout ne pas chercher à la connaître.

Alors ce que nous montre cette étude, ce n’est donc pas que les hommes d’Asie sont violents (ils le sont, mais à eux on leur a demandé contrairement aux autres), mais que lorsque les masques tombent, la réalité des violences est effarante. Et vient confirmer ce que disent les féministes radicales.

Quand on se donne les moyens de poser les questions aux agresseurs, selon une méthodologie* destinée à éviter le déni, la réalité des violences sexuelles apparaît au grand jour (tout comme quand, dans la prostitution, on veut bien regarder la réalité et pas rester dans le fantasme) et les chiffres sont effrayants.

Et en particulier ces derniers, qui sont la réponse des hommes à qui on a posé la question : pourquoi ? (ont-ils violé)

59% pour s’amuser (« entertainment ») ! 75% pour des visions sexuelles objectifiées (« je la voulais ou j’avais envie de faire l’amour » -l’autre n’est donc qu’un instrument/objet). Et 38% de réponses, les plus parlantes : pour la punir. (et donc la maintenir dans l’état d’opprimée).

Je propose donc que l’ONU ne se contente pas de choisir un continent « plus facile » à faire passer pour « culturellement rétrograde » et fasse pareil avec le reste du monde et l’Europe par exemple. En se donnant les moyens de poser et d’avoir des réponses à ces questions. Même si les réponses doivent faire peur.

S.G

 
*Je vous laisse lire l’article entier pour connaître la méthodologie précise de l’étude (en gros, 10.000 hommes avec garantie d’anonymat, interrogés par des hommes formés spécifiquement et ne posant pas directement la question « avez-vous violé » mais avez-vous déjà forcé une femme ou était elle trop soule etc.)

7 réflexions sur “Quand la violence se dit ouvertement

  1. A reblogué ceci sur Femmophobie and commented:
    « pourquoi ? (ont-ils violé)
    59% pour s’amuser (« entertainment ») ! 75% pour des visions sexuelles objectifiées (« je la voulais ou j’avais envie de faire l’amour » -l’autre n’est donc qu’un instrument/objet). Et 38% de réponses, les plus parlantes : pour la punir. (et donc la maintenir dans l’état d’opprimée). »

    Quand la violence se dit ouvertement


    http://www.france24.com/en/20130910-un-survey-reveals-asia-pacific-rape-crisis

  2. ben oui ces femmes sont comme le défouloir de ces hommes. Ils ne vont pas au club de gym après le boulot, ils rentrent à la maison et ils utilisent leurs femmes filles ou fils pour se défouler de leurs frustrations. Plutôt que de s’en prendre au pouvoir ou à ce qu’ils détestent dans la vie, ils jouent avec leurs proches, ils jouent et en jouissent… Il y a une tolérance familiale y compris des mères/femmes, par peur, en essayant je crois de s’en accommoder, d’arranger, de faire la gentille et de mettre les enfants au diapason de cela, pour ne pas faire de vagues, espérant « calmer la situation », ce qui malheureusement, affaiblit les vulnérables (mères et enfants) et donne encore plus de champ à l’agresseur. Ces gens là, agresseurs font peur, la grande famille les évite, ce qui isole encore plus, du coup, ceux qui vivent sous son toit… Tout ça est très compliqué.

  3. Une étude-enquête était parue vers 1998 sur les violences conjugales en France.
    Il en ressortait que 50% des violences avaient lieu au sein de foyers en moyenne Bac+4…
    Et pendant ce temps les idées de déni se perpétuent et l’on préfère en effet voir les violeurs et les violents comme alcooliques, pauvres, perdus dans la vie et la société.
    Et les pères incestueux seraient aussi tous de pauvres malades !
    Alors à propos de cette étude, les justifications prétendant que les femmes d’un niveau social supérieur seraient plus à même de porter plainte ont fait long feu !
    Il serait intéressant de retrouver cette étude à la lumière d’aujourd’hui.

  4. J’ai vu dans une émission télé , il n’y a pas longtemps , un reportage sur une tribu d’amazonie je crois ….. Bon , des gens très différents en apparence des occidentaux urbains ….. Et bien , dans cette tribu il était interdit aux femmes d’avoir des relations sexuelles hors mariage , et , si une femme avait un enfant hors mariage alors l’enfant était abandonné dans la forêt ……. Je me suis dit : Finalement les humains sont partout les mêmes et cela sans doute depuis des siècles …… Le patriarcat n’a rien à voir avec les pays et les époques (?) Enfin si , par ses diverses forme sans doute , mais globalement c’est comme une sorte de constante le patriarcat ……

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