Subversive, la nudité ?

Je n’ai pas encore vu le documentaire de Caroline Fourest et Nadia El Fani sur les Femen (qui sera diffusé ce soir à 22h45 sur France 2), mais viens de lire l’interview de la journaliste et féministe co-fondatrice de Pro-choix dans Le nouvel Observateur, où elle affirme que la nudité est plus subversive aujourd’hui qu’hier. Une interview qui me laisse perplexe.

Je trouve tout à fait indispensable que les femmes luttent contre l’imposition du voile à travers le monde et toute tentative de les rendre invisible dans l’espace public. Car oui, c’est un problème, qu’on veuille nous effacer, toujours et tout le temps, en cachant notre corps, pour nous invisibiliser, nous déshumaniser, nous nier. Oui, voiler entièrement la tête d’une femme, c’est comme lui couper la tête (dans les images). C’est une entreprise patriarcale mondiale, qui consiste à nous effacer de l’espace public, privé, et de l’histoire des êtres humains.

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Une femme nue, offerte…subversive ?

C’est un problème là où on voile les femmes. C’est aussi un problème là où on ne les voile pas. Car là où nous ne sommes pas contraintes de nous voiler, les femmes sont mises à nu et également étêtées. Je l’ai dit suffisamment souvent ici. C’est inouï ce que dans les sociétés occidentales on montre, partout, les femmes, exclusivement nues, et exceptionnellement seulement munies de têtes, donc vivantes. Mais si elles ont des têtes, leur nudité au milieu d’hommes vêtus les met à leur merci. Deux « chefs d’oeuvre » de la peinture française en sont les symboles :

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Signe pour les toilettes des femmes à Bruges

Le déjeûner sur l’herbe de Manet, et l’origine du monde de Courbet. Dans les deux tableaux, la femme est à la merci des hommes. Elle est là pour leur servir d’objet sexuel. Dans un cas, elle est vivante, mais n’est qu’un objet de plus du déjêuner des messieurs. Dans l’autre, elle est déjà morte, tronquée, étêtée, démembrée.

J’ai vu la même configuration dans deux représentations « artistiques » à Bruges : cette statue au milieu d’un quartier par ailleurs charmant. Et une autre à l’entrée d’une galerie (genre Vénus de Milo moderne ET sans tête) que je n’ai pas photographié. A la place, je vous montre qu’on étête les femmes jusque sur les signes des toilettes…

Alors, quand d’un côté on efface les femmes en les dissimulant derrière un vêtement qui les invisibilise, quand de l’autre on les pornifie et on en fait des mortes sans tête et nues à la merci des hommes, je ne peux croire que la nudité est subversive.

Elle est -au mieux- kamikaze, on l’a vu lorsque les Femen sont allées se « frotter » à Civitas et au GUD. Elles sont alors en grand danger. Subissent de nouvelles violences. Mais je ne vois pas en quoi cela a -jamais- dérangé le pouvoir. La pornification des femmes ne s’en trouve pas moindre, les femmes n’ont pas plus de liberté à se mouvoir et à se vêtir comme elles l’entendent.

Alors, aujourd’hui, qu’est-ce qui serait subversif ? Je me souviens, d’un film que nous avons diffusé à Femmes en résistance, il y a quelques années, Love and words are politics , de Sylvie Ballyot, 2007, France, 41 minutes. Filmer était impossible pour une femme. Et pourtant, elle s’est faite filmer, tête nue, au milieu des hommes, alors que là-bas, on ne peut circuler que totalement voilée. Le geste, allait courage physique et intelligence. Il était selon moi beaucoup plus subversif, que l’image d’une soubrette seins nus devant le logement de DSK il y a deux ans. Une image qui m’est restée, malheureusement trop peu diffusée, car un des critères de la vraie subversion, c’est que les tenants des médias mainstream la dissimulent aux yeux du plus grand nombre…

S.G

 

Sexualité des personnes handicapées : la lettre ouverte de FDFA à François Hollande

Femmes pour le dire, Femmes pour agir a rédigé une lettre ouverte au Président de la République. Elle a été signée par de nombreuses associations du collectif Abolition 2012 pour l’adoption d’une loi d’abolition du système prostitueur. En disant fermement non à la dépénalisation du proxénétisme dans le cas des personnes en situation de handicap, c’est une lettre pour le respect de la liberté et de la dignité de celles-ci.
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Voici la lettre :

Monsieur le Président,

La société prend conscience de la sexualité et de la vie affective des personnes handicapées et nous nous en réjouissons. Mais la vie sexuelle et affective des personnes handicapées doit se vivre dans la dignité. Les personnes handicapées veulent exercer leur liberté de choix de partenaire. Elles désirent développer leurs propres relations amoureuses dans un environnement les favorisant et respectueux de leur dignité.

Certaines associations de personnes handicapées réclament le recours à l’ « assistance sexuelle » en argumentant de la difficulté pour certaines personnes handicapées, de pouvoir satisfaire leurs « besoins sexuels ».

Leur raisonnement repose sur l’affirmation que la sexualité est un « droit humain fondamental ». Or la sexualité ne relève pas du domaine du « droit ». La sexualité relève de la vie intime et ne peut être soumise à un contrat. Parler de droit fait référence non plus au désir mais à une obligation, qui implique un «devoir sexuel» pour celles et ceux qui seront chargés de l’assurer. Sur ce sujet le rapport Bousquet-Geoffroy nous informe : « Sur un plan juridique, il ne saurait être reconnu de droit à une vie sexuelle. En effet, pour qu’il soit effectif, le titulaire d’un droit doit pouvoir le faire valoir par le biais d’une procédure auprès d’une personne qui est débiteur de ce droit. Ainsi, la reconnaissance d’un droit à une vie sexuelle impliquerait la création d’une procédure pour faire respecter ce droit et la désignation d’un débiteur de ce droit, qui serait certainement l’État ».

Cette demande, qui est essentiellement masculine, s’inscrit dans une conception de la sexualité où les corps des femmes sont mis à disposition pour répondre à de soi-disant « besoins sexuels masculins irrépressibles ». Que ce soit un aidant sexuel masculin ou féminin, le problème de la marchandisation du corps demeure. L’inclusion de « services sexuels » dans le champ du marché engendrera inévitablement l’exploitation de la précarité et de la pauvreté. Elle pose la question fondamentale de la prostitution comme réponse à de soi-disant « besoins » ou « droits ».

En aucun cas la prostitution, quel que soit son habillage, ne peut constituer une réponse. Cette demande ne peut justifier un « ajustement » des lois sur le proxénétisme, alors que la France a une position abolitionniste, et est engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes et le trafic des êtres humains.

Par ailleurs, l’ « assistance sexuelle » serait une mauvaise solution qui entraînerait une plus grande exclusion et l’invisibilité des personnes handicapées Par la création d’un service spécifique à coloration compassionnelle, «ces pauvres handicapés» seraient encore plus marginalisés et ghettoïsés.

Nous nous élevons contre toute modification de la loi sur le proxénétisme, dont l’industrie du sexe avec ses dérives et ses trafics profiterait pour s’étendre sur un marché lucratif. Nous sommes opposé-e-s à toute légalisation de « services » payants d’assistance sexuelle, considérée d’ailleurs comme une forme de prostitution dans les pays où elle existe.

La réponse est dans le changement de regard de la société et l’ouverture d’un environnement accessible afin de permettre la multiplicité de rencontres; dans les institutions, nous demandons un environnement favorisant les relations consenties entre pensionnaires. Ainsi les personnes handicapées pourront gérer leur vie affective et sexuelle dans le respect de leur dignité et de celle de l’autre.

C’est à une réflexion de toute la société sur la sexualité et la vie affective que nous invite cette question : comment préparer les enfants et les jeunes à des relations sexuelles dans le respect de l’autre ? Comment les informer des différences ? Quelle est la place de la sexualité dans une société de consommation ? Comment assurer l’équilibre entre liberté individuelle et contraintes sociales ?

En conclusion, nous vous demandons deux choses, Monsieur le Président : d’une part le renforcement de la politique abolitionniste et de la lutte contre toute forme de proxénétisme, sans exception pour telle ou telle catégorie, d’autre part d’accélérer la mise en accessibilité des espaces sociaux de rencontres et de partages de vie… pour toutes et tous !

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre respectueuse considération.

Maudy Piot, présidente Femmes pour le dire, Femmes pour agir FDFAAssociation régie par la loi du 1er juillet 1901

Siège social : 16, rue Emile Duclaux – 75015 PARIS – Tél.: 06 18 20 34 66 – Courriel : maudypiot@free.fr – Site : http://www.femmespourledire.asso.fr/SIRET 450 195 615 00015 – APE 853C

Associations signataires :

Amicale du Nid, Geneviève DUCHÉ, présidente – Assemblée des Femmes, Danielle BOUSQUET, présidente – Association des femmes franco-africaines de Paris – AFAF, Françoise MORVAN – Centre National d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles – CNIDFF, Annie GUILBERTEAU, Directrice Générale – Centre de recherches internationales et de formation sur l’inceste et la pédocriminalité, (CRIFIP), Sandrine APERS – Coordination française pour le lobby européen des femmes (CLEF – regroupant environ 70 associations françaises membres), Olga TROSTIANSKY, présidente – Collectif ruptures : Marie-Josée SALMON – Conseil National des femmes françaises (CNFF), Claudie Bougon-Guibert – ECVF élus contre les violences faites aux femmes : Geneviève COURAUD, Présidente – Les efFRONTé-e-s, Fatima-Ezzahra BEN-OMAR – L’égalité, c’est pas sorcier, Henriette ZOUGHEBI – Encore Féministes, Florence MONTREYNAUD – Fédération nationale GAMS, Isabelle GILLETTE-FAYE, Directrice Générale – Femmes libres, Nelly TRUMEL – Fédération nationale solidarités femmes, Françoise BRIÉ – Femmes pour le dire, femmes pour agir, Claire DESAINT, secrétaire générale adjointe – Femmes solidaires, Sabine SALMON, Présidente nationale – Fondation Scelles, Philippe SCELLES Président d’honneur, Yves SCELLES, vice-président – Le CRI Bordeaux, Raymonde PLEDRAN – Le Monde à travers un regard, Sandrine APERS – Ligue du Droit international des Femmes, (LDIF), Annie SUGIER, présidente – Marche mondiale des Femmes France, Nelly MARTIN – Mémoire Traumatique et Victimologie, Dre Muriel SALMONA, présidente – Mouvement du Nid, Grégoire THERY – Mouvement Jeunes Femmes, Marie-Cécile MOULLIN, Présidente – Osez le féminisme, Magali de HAAS – Rajfire, Dora CANTOS – Regards de Femmes, Robert PIGEON, Michèle VIANES, Présidente – Réseau féministe ruptures: Bernard BOSC, Monique DENTAL, Animatrice du réseau – Résistances de Femmes: Sandrine GOLDSCHMIDT Présidente – ZéromachoZonta Clubs de France, Nicole HERB

Personnalités signataires :

Françoise HERITIER, anthropologue, professeure honoraire au Collège de France – Malka MARCOVICH, CATW International (Coalition Against Trafficking in Women) – Ernestine RONAI, militante féministe – Anne Marie VIOSSAT, Militante féministe, Animatrice au Planning 94