Je suis allée voir l’exposition Nikki de Saint-Phalle. Je ne vous raconterai pas sa vie et son œuvre exceptionnelles, des « nanas » au jardin des Tarots en passant par ses performances de tirs de peinture, vous pourrez les trouver bien mieux expliqués ailleurs. Mais j’ai envie de partager le choc réjouissant de voir rassemblée ici au Grand Palais (jusqu’au 2 février) cette œuvre exceptionnelle, artistique pas seulement parce qu’elle est politique, mais parce qu’elle magnifie le politique.
Dès le premier « collage » avec le petit singe en peluche et le wagon de train vert, dès la première huile de femme préfigurant les nanas, dès la première porte peinte « à la Pollock », j’ai vécu une expérience intérieure. Il se passe quelque chose au plus profond. Une inventivité, une liberté d’expression, peu communes. « Peindre la violence », dit le premier panneau de l’exposition, oui mais aussi tout simplement peindre la vie, ses émotions, sa rage (voir ci-dessous le mur de la rage), avec une modernité folle dans les habits d’une autre époque ?
L’exposition est ponctuée de vidéos qui nous font découvrir dans son visage, sa voix, la beauté de la passion et de la révolte, alors que son discours féministe, sur un ton qui évoque la radio d’antant, reste dans notre actualité.
Nikki de Saint-Phalle parle dans les années 60 de la domination masculine et du système patriarcal avec une intense lucidité. Mais ce qui fait que ces mots ne restent pas ceux d’une énième théoricienne ou militante du féminisme, c’est qu’elle est poète, peintre, sculptrice, créatrice d’un monde où les femmes ont un rôle. Le système ne nous donne pas de place (voir la capture d’écran vidéo), qu’à cela ne tienne, elle fabrique des gigantesques nanas, qui décrivent une société matriarcale dans laquelle la tête est un peu moins présente -mais toujours là, et l’amour et la justice un peu plus…
Elle dénonce, évidemment, la violence des pères et des amants (voir l’amant crucifié). Elle dénonce « la mère dévorante aussi ».
Elle tire sur ses tableaux, en peinture, précurseure là encore d’une mode des performances, mais elle le fait dans la continuité de son œuvre, et du sens de son œuvre. Ainsi, elle tire sur son art, plutôt que de tirer sur les hommes, et de devenir terroriste (cf citation ci-dessous).
C’est donc en transformant sa rage en œuvre d’art, qu’elle change le monde et touche au cœur de nos émotions.
L’exposition rend magnifiquement la joie de la création, la force de la révolte, et donne envie de parcourir la Toscane, l’Europe et le monde, pour aller voir sur place comment, par ses statues monumentales, elle a imposé à un monde gris les couleurs de la vie.
Pour finir, quelques photos supplémentaires, en commençant par le mur de la rage
Sandrine GOLDSCHMIDT
Bonjour, pourriez vous me préciser à partir de quel document vous avez pu prendre la photo du mur de la rage ?
Je vous en remercie,
C’est à partir d’un carnet de notes vendu dans la boutique de l’expo sur lequel est reproduit le mur de la rage.