Abolition de la prostitution pour toutes et tous, c’est la seule solution !

Je suis assez contente que mon texte sur l’échec -cuisant- des pays réglementaristes, soit paru hier dans Slate, pour le 8 mars, et faire conrtepoids à l’avalanche d’articles de ces derniers jours qui tentent de nous faire passer des vessies pour des lanternes.

http://www.slate.fr/tribune/69153/prostitution-abolition-impasse-reglementarisme

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Contente aussi parce que, même s’il n’aborde pas le sujet, cela permet de faire lire un peu autre chose que le concert de n’importe quoi autour de la prostitution pour personnes handicapées, qu’ils appellent assistanat sexuel, qui allie au mépris de celles-ci par les valides la promotion de l’esclavage sexuel des femmes. En effet, lors d’un débat après le film « L’apollonide » de Bertrand Bonello (que j’ai d’ailleurs trouvé intéressant et un très bon support pour le débat) auquel je participais jeudi soir à Choisy-le-roi avec Claire Quidet pour le Mouvement du nid, le sujet n’a pas manqué d’arriver dans la discussion.

« Comment faire pour les pauvres gens (hommes, bien sûr) trop handicapés, trop malades, trop vieux, trop timides, pour avoir une vie sexuelle quand même ?  »
Oui, la sexualité des personnes en situation de handicap est une vraie question. Mais la société doit-elle décider que pour cette raison une catégorie de personnes doit être mobilisée-désignée-convoquée pour satisfaire ce qu’on veut d’un coup à nouveau faire passer pour des besoins sexuels (et serait réduite à des actes techniques et/ou purement factices) ? Et être obligées, alors que la sexualité doit être fondée non sur le seul consentement mais sur la relation entre personnes désirant avoir une relation, de « fournir des services sexuels » ? Et qui seraient ces personnes désignées (ah non, qui auraient le droit de choisir…)  Mais pas n’importe lesquelles ! On est dans une société de domination où on n’a pas les mêmes possibilités de refuser, selon qu’on est femme ou homme, pauvre ou riche, immigrée ou non-immigrée, valide ou invalide, victime de violences dans l’enfance ou pas. Qu’il y ait argent ou pas  (à lire l’article de Christine Delphy « la condition de la possibilité du don, c’est l’égalité). Donc,  seraient chargées de pallier ce problème, des personnes qui sont soient contraintes d’accepter de l’argent, soient contraintes de faire un don.  Tout en les privant elles du droit à une sexualité désirante, et en les mettant en danger de risque de domination et violences supplémentaires. Est-ce supportable dans une société humaine ? Non. Est-ce satisfaisant pour les personnes en situation de handicap qu’on contraint à ne pouvoir espérer plus ? Non. Alors qu’on pourrait, enfin, essayer d’avoir une politique ambitieuse pour rendre la société moins brutale envers les personnes en difficulté, plus accessible. On pourrait permettre les rencontres au lieu de les interdire dans certaines institutions, continuer à tout faire pour que les enfants handicapé-e-s puissent aller à l’école avec les autres et y nouer des relations etc…mais bien sûr, cela demanderait plus d’efforts -et pas que financiers- à la société des valides, qui devrait aussi changer de regard…

manifslateBref, tout cela pour dire qu’alors que certains journaux très influents (mais désespérants de partialité sur le sujet, je parle bien sûr de Libé, le journal qui publiait sans sourciller Iacub lorsqu’elle disait que le viol c’est pas bien grave, mais d’un coup se trouve offensé que celle-ci ne les ait pas prévenus de sa relation avec DSK…) promeuvent en Une un film qui parle d’un cas tout à fait exceptionnel pour en faire un outil de propagande pour ce qu’ils appellent l’assistanat sexuel (The Sessions, sorti sur les écrans mercredi), qui serait une entorse à la loi sur le proxénétisme, il nous faut nous battre pour arriver à faire publier nos arguments.

Encore un d’ailleurs : imaginons qu’on accepte cette entorse à la loi sur le proxénétisme. Qui seraient les prochains sur la liste ? Les vieux ? Les timides ? Les hommes mariés -qui sont le profil type du client-prostitueur et qui s’estiment lésés ou qui ont « un malaise » parce que leurs femmes veulent être leurs égales (cf L’Express) et ne pas être violées ? Ah, et qui serait chargé de déterminer si le degré de handicap, de timidité, est suffisant pour « avoir le droit de bénéficier de ce service » ? Et qui fixerait les limites d’âge ? Les limites tout court ?

Bref, une vaste fumisterie, disons-le, qui ne s’adresse qu’aux hommes : dans tous les films sur le sujet, on n’a jamais vu l’idée qu’une femme en situation de handicap aurait le droit à une sexualité. Non, le lot quotidien très fréquent des femmes handicapées, c’est la violence sexuelle, et la violence tout court, par l’interdiction d’accès à toute information sur la sexualité : elles sont trois fois plus exposées aux violences, selon les études, et encore plus vulnérables  si leur handicap est survenu à la naissance, les laissant à la merci des valides, et dépourvues d’informations sur leurs droits humains. Et ça, tout le monde -ou presque, s’en fout !

Une vaste fumisterie enfin, qui reprend les armes habituelles du patriarcat : ne sachant organiser une société où tous ses membres peuvent espérer s’épanouir, il désigne au sacrifice et à la loi du marché une partie d’entre elles, à qui il n’hésite pas à retirer ses -vrais- droits humains.

S.G