Duhamel Kouchner : Merci à celles qui brisent l’omerta

Que c’est dur même après 15 ans de militantisme féministe de découvrir qu’un homme que vous admiriez pour ses cours de droit constitutionnel à Sciences-po, la même année, perpétrait des viols incestueux sur son beau-fils. Et qu’ensuite, la loi du silence allait perdurer plus de trente ans. Avec son lot de dévastation. (voir l’article du Monde ici)

Autre point personnel -mais futile- le 24 avril 2011 je mettais en photo de profil Marie-France Pisier, morte dans sa piscine ce jour là, suicide ou d’accident. Je ne savais rien du contexte : sa soeur, épouse de Duhamel, refusait de défendre ses enfants face aux violences, alors qu’elle souhaitait la dénoncer.

Aujourd’hui, la loi du silence semble se briser avec ma génération, d’enfants ou frères ou sœurs qui ne veulent plus se taire. Après Vanessa Springora, Après Ronan Farrow, Camille Kouchner, qui parle, dans un livre « la familia grande ». Enfin, heureusement, et pourvu que cela dure…

L’article du Monde dit tout, je ne vais donc pas épiloguer, mais juste souligner ici comment les agresseurs se soutiennent si bien entre eux. Comment signer une pétition pour défendre DSK dans le procès du Carlton, quand on sait ce qu’on vécu les victimes, ce qu’elles vivent encore ?

Je voudrais surtout ici réagir à un tweet mal intentionné qui reproche à Camille Kouchner d’être la compagne de Louis Dreyfus, président du directoire du Monde qui le premier sort l’affaire (mais 3 jours avant la parution du livre au Seuil donc s’il fallait lui reprocher qqch, ce serait de privilégier le média de son conjoint, et alors ?), avec L’Obs, dont il est aussi le patron. Alors non, ça ne me choque pas. Mais m’inspire deux réflexions.

La première, pas nouvelle, c’est qu’il faut ça pour qu’une femme puisse parler. Etre Adèle Haenel, actrice reconnue, ou Vanessa Springora, éditrice reconnue, ou enfin Camille Kouchner, avocate et proche d’un grand patron de presse. On imagine combien c’est difficile pour celles qui n’ont pas ces soutiens de le faire, et on les remercie de le faire aussi pour elles. Pensons aussi à toutes les autres pour qui être entendues (parce qu’elles parlent) est encore plus difficile

Deuxièmement, c’est une bonne nouvelle, qu’aujourd’hui des médias, des réseaux d’influence puissent servir la dénonciation des crimes et non plus la protection des criminel·les Et quand c’est Le Monde, on sait en plus qu’ils ne le font pas à la légère mais avec sérieux. Depuis quelques mois, avec les unes sur les féminicides, avec la une contre l’inceste, on voit que le plus réputé des quotidiens français a évolué.
Et si c’est parce qu’un homme puissant a su écouter la parole des victimes, qu’il ne s’agit évidemment pas de vengeance mais de justice et de vérité, alors je dirais juste, TANT MIEUX !

Et bien sûr, je vais m’empresser de lire le livre pour peut-être ensuite en parler…

7 réflexions sur “Duhamel Kouchner : Merci à celles qui brisent l’omerta

  1. Un grand merci Sandrine ! Comme toujours, commentaires passionnément feministes et remarquables de justesse. Pensées sorores. Hélène Monlaü.
    Ps:je n avais pas vu qu on pouvait comme’ter tes posts sinon je l aurais fait plus tôt

  2. OUI, merci à Sandrine et à Dire D’Elles, je me joins à cette solidarité qui doit se manifester face au courage de celles et ceux qui brisent le silence de l’inceste, du viol, du harcèlement, du féminicide et autres violences. Je peux vous dire que dans les discussions privées en ce moment les avis sont parfois surprenants et loin d’être acquis sur ces causes. La bagarre est donc quotidienne et dans notre propre entourage il faut répercuter ces actes courageux. Cet article peut nous y aider. Merci.Jackie

  3. « On imagine combien c’est difficile pour celles qui n’ont pas ces soutiens de le faire » Un contre exemple : souviens toi de l’ancien légionnaire au chien que sa compagne, de condition très modeste , envoya dare-dare en prison. Lui par contre n’a pas dû bénéficier des meilleurs avocats mais avait bien mérité son sort et l’effet protecteur avait été immédiat.

  4. Merci Sandrine pour ce texte.

    J’ai été également choquée d’apprendre cette nouvelle d’autant que j’avais invité Evelyne Pisier dans mon émission de radio Planète féministe, en mars 2001 pour le livre « Les femmes. De Platon à Derrida ».
    Cordialement,
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