25 novembre, et maintenant…

Le Président de la République, François Hollande, a annoncé hier un plan d’envergure de lutte contre les violences faites aux femmes, et le ministère des droits des femmes a précisé qu’il y aurait une loi cadre d’ici l’été 2013. Hollande, qui s’est engagé en visitant le C.H.R.S de l’association FIT, une femme un toit, à inscrire dans la loi la nécessité d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences dans toutes les villes.

C’était donc pour ce premier 25 novembre sous sa présidence le temps des promesses. Il n’y a plus qu’à passer aux actes. Et à ne pas oublier d’aborder toutes les violences, qui concernent massivement les enfants et les femmes.

Et nous ferons tout, comme l’a si bien dit hier Nelly Martin de la MMF qui animait la banderole Abolition du collectif abolition 2012, très suivie, pour que 2013 soit aussi l’année de l’abolition. Parce que la prostitution est une violence faite aux femmes et aux enfants, et la seule pour laquelle aujourd’hui les responsables (prostitueurs qui achètent un acte sexuel non-désiré/viol) ne sont pas sanctionnés, tandis que ce sont les victimes, les personnes prostituées, qui le sont.

Elle a relu le début du tract d’Abolition 2012. J’en remets ici le premier paragraphe, qui rend les choses très claires  :

« Etre mis-e en prostitution veut dire subir de manière répétée des actes de pénétration ou actes sexuels non-désirés, dont l’élément de contrainte est l’argent. A cette violence, s’ajoutent souvent des violences verbales, des insultes et des humiliations par les clients-prostitueurs, des agressions physiques, du harcèlement, des coups…C’est vivre dans la peur et l’angoisse, être le plus souvent sous l’emprise d’un proxénète. C’est être réduite à une marchandise. Les violences prostitutionnelles sont tellement graves que 60 à 90 % des survivante-s de la prostitution présente des états de stress post-traumatique similaires à ceux que vivent les personnes ayant subi des tortures de guerre ».

 
Et voici le communiqué de presse du Collectif national droits des femmes en réaction aux annonces politiques :

5000 personnes ont manifesté cet après midi à l’appel du Collectif national pour les Droits des Femmes et de 72 associations féministes, syndicats et partis politiques contre les violences faites aux femmes et pour une loi cadre.

Le Président François Hollande, lors d’une visite aujourd’hui d’un foyer d’hébergement parisien a annoncé un «  « plan global » pour les femmes victimes de violences visant à la fois à mieux « punir » les auteurs, « informer » et accompagner les victimes. » selon la dépêche AFP. Ces mesures vont dans le bon sens mais ce plan, qu’il concerne la formation des professionnels, la création d’un Observatoire national , ou une « grande campagne d’information », les mesures doivent en être gravées dans le « marbre de la loi ». De même que doit être gravée dans le marbre de la loi l’obligation d’un hébergement dédié aux femmes victimes de violences dans chaque département.

Le fait d’inscrire ces mesures importantes dans la loi évitera qu’elles ne soient balayées en cas de changement de majorité et d’absence de volonté politique.

Il a été aussi annoncé une loi cadre avant l’été 2013. Cette loi cadre que nous réclamons effectivement depuis 6 ans déjà, doit être écrite en collaboration avec le mouvement féministe comme a été élaborée en Espagne en 2004 « la loi intégrale contre la violence de genre ». Elle doit prendre en compte toutes les violences et comporter des mesures d’ordre éducatif, de sensibilisation- information-éducation de l’opinion publique, de formation des professionnels, social, de santé, de prise en compte des conséquences des violences au sein du travail, de solidarité économique pour les femmes les plus démunies, judiciaire, institutionnel, de procédure pénale .

 

Toutes ces mesures doivent partir de la réalité de ce que vivent les femmes victimes de violences et enfin s’affranchir des réticences et résistances de certains législateurs, juges, décideurs. Elles doivent êtres accompagnées des moyens nécessaires pour les mettre en œuvre.

 

La loi cadre doit aussi abroger la loi sur le racolage pour les personnes prostituées et mettre en œuvre vraiment la position abolitionniste de la France en offrant de véritables alternatives à la prostitution, en permettant aux personnes prostituées d’accéder aux droits fondamentaux auxquels elles ont droit, et en responsablisant les clients et pénalisant l’achat de services sexuels.

Ce n’est qu’en adoptant ce type de loi que la France avancera enfin réellement dans la lutte contre les violences faites aux femmes.

Ce que le gouvernement socialiste espagnol a pu faire voter en 2004 , le gouvernement socialiste français peut le faire en 2012-2013.

 

 

 

A voir cette semaine !

Voila, c’est l’heure de l’auto-pub ! C’est cette semaine que le film que j’ai réalisé pour l’association Fit, une femme, un toit, avec les résidents de son centre d’hébergement, sera diffusé au Nouveau Latina, dans le cadre des séances mensuelles organisées par le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, que je remercie vivement ! Alors n’oubliez pas, c’est à 20heures, jeudi 13 janvier, 20, rue du Temple, tout près de Beaubourg et de l’Hôtel de ville !

Et pendant que j’y suis, je vous recommande aussi « Remue-ménage dans la sous-traitance », vendredi à La Clef. Un film très intéressant sur la grève de femmes de ménage de succursales d’Accor, sur plusieurs années, que nous avions diffusé à Femmes en résistance en 2008. Réalisé par Ivora Cusack et produit par le collectif 360° et même plus.

« Une fille comme moi », pour viser la lune

« Ma philosophie », d’Amel Bent, c’est l’hymne du C.H.R.S « Les Universelles », qui accueille 60 femmes de 18 à 25 ans.

« Une fille comme moi », c’est le titre du documentaire que certaines d’entre elles ont écrit avec moi et que j’ai réalisé avec elles pour l’association FIT, en partant du questionnement, « Féministes, pour quoi faire ». Il sera projeté le 25 septembre à 20h30  au festival « Femmes en résistance », festival féministe de documentaire, engagé à montrer comment les femmes parviennent, partout, à prendre en main leur destin.

Ce n’est donc pas un hasard si les deux structures se sont rencontrées, le festival, et le FIT, et que nous nous sommes engagées ensemble dans ce projet.

Car l’association FIT, c’est un projet féministe de réinsertion par l’émancipation, et par  la parole. Apprendre à dire non, à s’occuper de soi et de ce qui est bien pour soi et non pour le conjoint, la famille ou la société. Apprendre à mettre en place un projet professionnel pour assurer sa propre autonomie et ne dépendre de personne.


Le réussir quand on a tout subi, tout enduré, de ce que peuvent endurer les femmes, ce n’est pas juste difficile, c’est presqu’un rêve. C’est comme viser la lune. Ca ne se fait pas d’un coup de baguette magique de fée ministe, ni sans rechutes et erreurs sur le chemin.

C’est difficile, mais l’association FIT, qui gère la relation avec ces jeunes femmes, a compris qu’en se retrouvant à la rue, elles ont en fait déjà fait le premier pas. Elles ont dit NON une fois, désormais, il faut, non pas leur prendre la main pour les emmener quelque part, mais les accompagner sur le chemin de l’indépendance, les rendre capables de continuer à dire non pour pouvoir avancer dans la vie..
Ces jeunes femmes ont, souvent sans le savoir, toutes les ressources en elles pour y arriver. Même si parfois elles s’expriment mal en français, même si elles connaissent des échecs cuisants qui semblent remettre en cause tous leurs efforts. Même si elles voudraient être indépendantes mais se retrouvent dans un foyer où il y a des règles (même si la liberté est ici une des règles, elles n’ont pas d’horaires, et ne sont pas surveillées), elles doivent comprendre qu’il ne s’agit là que d’un moment de transition. Un moment où elles peuvent emmagasiner un VRAI soutien, un vrai accompagnement sur la route de leur projet de vie. C’est un lien, mais un lien qui libère.

Et le principal problème auquel elles se retrouvent confrontées, contre lequel elles doivent lutter, c’est la fatalité. Elles ont toujours évolué dans des environnements, familiaux, amicaux, scolaires, où on leur a dit que leur place était tout en bas dans l’échelle du choix, qu’elles avaient un rôle et qu’en sortir ce n’était pas pour elles. Du coup, elles ont tendance à penser que « des filles comme elles », n’ont pas le choix, que c’est la fatalité. Alors oui, maintenant, elles sont convaincues qu’elles doivent avoir le droit de ne pas épouser un homme qu’elles n’ont pas envie d’avoir, de ne pas être violentées. Mais de là à imaginer qu’elles pourraient  non seulement espérer avoir un « bon travail », mais aussi participer au changement de la société, au regard sur le monde… Il y a un pas qu’elles ont du mal à franchir. Et pourtant, elles en sont capables et la société, nous tous et toutes, nous avons besoin d’elles, de leur regard, de leur parole.

Elles peuvent tout à fait viser la lune. Il faut juste qu’elles y croient. Qu’elles intègrent une autre image d’elles-mêmes que celle qu’on leur a toujours renvoyée. Cette autre image d’elle-même, c’est celle que j’ai voulu montrer dans le documentaire que j’ai réalisé avec elles pour l’association FIT et qui sera diffusé le 25 septembre à Arcueil lors du festival « Femmes en résistance ». Car leur démarche, c’est aussi ma démarche et celle, qu’au festival, nous essayons, sans relâche, de rendre visible. Nous donnons la parole aux sans-voix, dans la lignée directe de Carole Roussopoulos, et nous montrons les démarches d’associations, et de femmes, qui prennent leur destin en main.
J’espère que se voir dans ce film et dans ce lieu où elles seront écoutées et vues,  les aidera à révéler à elles-mêmes cette autre image, et les révèlera aussi au public telles qu’elles sont : des femmes jeunes et pleines de promesses, des personnes indispensables à notre  société, et dont il faut absolument, enfin, entendre la voix.

Sandrine Goldschmidt

(photo Marie Moretti)

Féministes, pour quoi faire à La Flèche d’or le 6 juin

Le 6 juin prochain à la Flèche d’Or, l’association des 40 ans du Mouvement de libération des femmes organise une grande fête féministe. Débats, projections, ateliers-vidéos, rencontres, musiques et restauration, de 14 heures à 2 heures du matin, ce sera le grand moment festif de la célébration des 40 ans.

Une occasion idéale pour enfin faire la jonction entre toutes les féministes, celles de l’époque, celles d’aujourd’hui, et celles de demain ? Le projet de documentaire que j’anime avec les éducatrices du FIT, « Féministes, pour quoi faire », sera présent à la Flèche d’or. Certaines résidentes, qui sont un peu « féministes sans le savoir », viendront écouter ce que les féministes militantes ont à dire, et partager aussi, avec avec elles, ce qu’elles ont elles-mêmes à dire et que nous souhaitons faire entendre. Parce que trop souvent la voix de ces jeunes femmes n’est pas entendue. Et que si elles ne se clament pas haut et fort féministes, on ne prend pas toujours la mesure du chemin qu’elles doivent parcourir, et de la force de vie qu’elles développent  pour y arriver.

Féministes sans le savoir, elles le sont, parce que si elles sont au FIT, c’est  qu’elles ont posé des actes fort de refus du système patriarcal. Elles ont (pour certaines) fui leurs familles pour éviter des mariages forcés, fui la violence conjugale parfois, et souvent, elles commencent par se retrouver dans une situation où les obstacles se multiplient.

Car en échappant à sa famille par exemple pour éviter d’être mariée, une jeune femme non seulement se retrouve à la rue, coupée de ses liens affectifs, seule, mais aussi doit  travailler. Elle n’a pas eu le temps et/ou la possibilité de faire des études, elle est donc sans diplôme. En gagnant la liberté, on perd aussi parfois des éléments de socialisation qui aident à trouver du travail. Et à la rue, de se retrouver exposée à de nouvelles violences. Si en plus elle est d’origine étrangère, elle encourt la multiple peine. Femme, sans diplôme et d’origine étrangère, coupée de sa famille,  quel est le champ des possible ?

En travaillant avec certaines résidentes,  je découvre la force qu’elles ont, cette volonté d’être toujours debout, et c’est moi qui reçoit largement autant que je donne. Elles seront à la Flèche d’or pour notre documentaire, et aussi parce que ce qu’elles ont à transmettre, et que vous découvrirez dans le film, est bien aussi important que ce qu’elles ont à apprendre. Ce sera l’occasion de les rencontrer, j’espère pour de beaux échanges.

S.G

La projection du film documentaire « Féministes, pour quoi faire, est prévue le 25 septembre à Arcueil, lors de la 8ème édition du festival « Femmes en résistance ».

Féministe, pour quoi faire ? A la découverte du projet de documentaires Femmes en résistance /Les UniversElles

Pour en savoir plus, sur le blog de Femmes en résistance ou la page FIT du Conseil régional.