#Cantat COMMUNIQUE DE PRESSE de Maître Yaël Mellul

La nouvelle intervenue en plein été a eu peu d’écho. Maitre Yael Mellul, avocate, a sollicité pour un client la communication de la totalité de l’enquête préliminaire diligentée en suite du suicide de Kristina Rady et le rapport d’autopsie et un entretien au parquet de Bordeaux. Elle estime qu’au moment du suicide de l’ex-femme de Bertrand Cantat, l’enquête n’a pas été menée avec suffisamment de sérieux. L’assassin de Marie Trintignant était en effet sur place ce jour-là, et alors en liberté conditionnelle. En outre, de nombreux éléments portent à croire depuis qu’il était violent avec Kristina Rady. L’avocate demande donc à la ministre de la justice Christine Taubira un entretien.

1/ En ma qualité de conseil de Monsieur François SAUBADU, j’ai sollicité un entretien à Madame le Ministre de la Justice afin de lui signaler ce qu’il me semble être un dysfonctionnement des services du Parquet de Bordeaux au moment du suicide de Kristina RADY, l’ex-femme de Bertrand CANTAT.

Par courrier en date du 19 août dernier, nous avons sollicité du Parquet de Bordeaux la communication de la totalité de l’enquête préliminaire diligentée en suite du suicide, et le rapport d’autopsie, documents qui n’ont jamais été portés à la connaissance d’aucun membre de la famille, ou proche.

Le 10 janvier 2010, Kristina Rady, 41 ans, se suicide à Bordeaux, seul Bertrand Cantat est présent. Dès le lendemain, le 11 janvier 2010, un magistrat du Parquet de Bordeaux entérine la thèse du suicide. A la question posée par un journaliste « Bertrand Cantat a été auditionné hier, n’est-ce-pas ? « , le magistrat répondra : « Exactement. Comme d’autres proches de son ex-femme. Ni plus, ni moins. Il a fourni les éléments qu’il devait fournir ». Il est fondamental de rappeler qu’au moment où Bertrand Cantat est auditionné, il est toujours en liberté conditionnelle, susceptible d’être incarcéré au moindre faux pas. Alors même que Bertrand Cantat a été condamné le 29 mars 2004 à Vilnius, pour un « meurtre commis en cas d’intention indirecte indéterminée », pour avoir infligé au total dix-neuf blessures à Marie Trintignant, sept résultant de coups à la tête ayant entraîné l’irréversible coma, il sera auditionné ni plus, ni moins Il aura donc fallu 24 heures au Parquet pour exclure toute autre hypothèse que le suicide, et ce alors même que Bertrand Cantat est encore sous contrôle judiciaire pour avoir tué une femme de ses poings, et qu’à la lumière de toutes les révélations qui ont été faites depuis ce drame, tout porte à croire que Kristina Rady a été victime de violences tant psychologiques que physiques, thèse, qu’une simple enquête de voisinage aurait permis de confirmer.

De plus fort, dès le 24 juillet 2010, les parents de Kristina Rady évoquent pour la première fois le message laissé par leur fille (juillet 2009), six mois avant son suicide, et la terreur psychologique que Bertrand Cantat exerçait sur leur fille. En novembre 2012, le père de Kristina Rady évoquera un fait précis :  » Bertrand avait fait tomber Cini (surnom de Kristina) en la poussant contre une fenêtre ». En juin 2013, les parents de Kristina affirmeront cette fois que leur fille leur avait avoué que Bertrand l’avait giflée à l’époque où elle était tombée enceinte de sa fille Alice. Au même moment, le contenu du message laissé par Kristina Rady, six mois avant son suicide, est diffusé en intégralité : (Extrait du livre du Stéphane Bouchet et Frédéric Vézard « L’amour à mort ») « Hier, j’ai failli y laisser une dent » « A plusieurs reprises déjà, j’ai échappé au pire » « Bertrand est fou » « J’espère qu’on va pouvoir s’en sortir et que vous pourrez encore entendre ma voix. Sinon, vous aurez au moins une preuve que … des preuves, il y en a. Les gens dans la rue et nos amis ont vu, hier, quand Bertrand a tout cassé » « Mais comment s’en sortir saine et sauve? »

Force est donc de constater une passivité des services du Parquet pour le moins surprenante, eu égard aux mesures de contrôle judiciaire auxquelles était encore soumis Bertrand Cantat, et au vu des éléments nouveaux qui ont pu être révélés par la suite, éléments qui ne peuvent que confirmer un réel dysfonctionnement. Il nous semble également fondamental de s’interroger sur le rôle joué par Monsieur LAFLAQUIERE, Vice-Président du Tribunal de Grande Instance de Toulouse, en charge de l’application des peines, qui avait décidé en 2007 de la liberté conditionnelle de Bertrand Cantat, aux termes d’une longue décision qui décrit Bertrand Cantat comme une victime de son amour passionnel pour Marie. C’est une décision qui a été prise alors même que Monsieur LAFLAQUIERE ne s’est jamais fait remettre aucun élément du dossier pénal. Monsieur LAFLAQUIERE qui, dans son ouvrage, « Longues peines = le pari de la réinsertion » n’hésitait pas à écrire que « depuis sa sortie, comme tout au long de son incarcération, Bertrand Cantat a affiché une discrétion et une décence dont pourraient utilement s’inspirer certains condamnés, vrais assassins pour le coup ». Monsieur LAFLAQUIERE qui n’hésite pas non plus à comprendre, même, que « sous l’effet de la douleur, les parents de leur fille disparue aillent jusqu’à qualifier d’assassin un homme qui a porté la mort sans l’avoir voulu ».

Donc, selon Monsieur LAFLAQUIERE, Bertrand Cantat aurait porté la mort sans l’avoir voulu. Pour conclure, en évoquant le suicide de Kristina RADY, Monsieur LAFLAQUIERE écrit « Après l’exposition infamante de leur père en place médiatique, A et M ont perdu leur mère dans des circonstances d’une violence inouïe. Eux aussi. La barque sur laquelle ils naviguent est déjà lourde, très lourde. Est-il besoin de la charger un peu plus, au risque de la faire sombrer ? ». Une nouvelle mise en examen de Bertrand Cantat au moment du suicide de Kristina Rady aurait clairement décrédibilisé, voire discrédité la décision du Juge d’application des peines qui, n’aurait pas pris la mesure de la dangerosité de Bertrand Cantat qu’il jugeait comme un prisonnier exemplaire, et un faux assassin. Le Juge d’Application des Peines a-t-il joué un rôle au moment de l’enquête express concernant le suicide, justement, « pour ne pas charger un peu plus » ? A-t-il eu connaissance du rapport d’autopsie ? Autant de questions, qui à ce jour, sont sans réponse.

2/ En outre, mon client et moi-même avons sollicité, un entretien au Parquet de Bordeaux, afin que mon client puisse relater la relation qu’il a eue avec Kristina Rady, ainsi que les évènements qui ont précédé son suicide. A cette occasion, Monsieur François Saubadu remettra des documents, notamment l’enregistrement du message laissé par Kristina Rady qu’il détient, ainsi que des courriers rédigés à son intention par la mère de Kristina RADY, et évoquera les témoins qu’il conviendrait d’entendre dans le cadre de la manifestation de la vérité.

Et pour finir, Bertrand Cantat a indiqué par l’intermédiaire de son avocat que la démarche de François Saubadu n’était qu’une opération de communication… Mais qui s’inscrit dans une opération de communication? Universal qui annonce la sortie prochaine de l’album de Bertrand Cantat.

Le cinépatriarcat à l’oeuvre

Hier, j’ai lu le résumé d’un film : « Ouf » sur le site d’Ugc :

« À 41 ans, François avait tout pour être heureux : une femme qu’il adore, deux enfants d’une précédente union, un bel appartement. Mais un jour il a pété les plombs : la rage l’a envahi, il a voulu foutre le feu, a mis ses proches en danger. Alors on l’a interné. À sa sortie d’hôpital, Anna, l’amour de sa vie, ne veut plus le voir. Réfugié chez ses parents, fragilisé, infantilisé par ses proches, il serait bien tenté de retourner à l’hôpital. Mais il va plutôt se démener pour reconquérir la femme de sa vie ». Immédiatement je me suis dit : je vais le voir, parce que ça va m’énerver et que je pourrai en parler et dénoncer/démonter les mécanismes de la propagande cinématographique. Celle qui nous montre de la violence conjugale l’air de rien, comme si c’était juste un type qui a eu un coup de folie et qui sinon est tout à fait gentil avec « l’amour de sa vie ».

Eh bien je n’ai pas été déçue ! j’ai été énervée, tout le long, ne restant jusqu’au bout que pour voir si la curée serait totale…ce qu’elle fut. Car dès la première scène, on voit Anna, mère de deux enfants, qui se déguise en Wonder Woman et fait un bide devant ses enfants (dévalorisation). Pire, au même moment, son ex qui vient de sortir de l’hôpital et qu’elle ne veut pas voir s’est caché dans un carton et regarde la scène. S’ensuivent une série de scènes où il harcèle Anna au téléphone et en sonnant à la porte, alors même qu’elle ne veut pas lui répondre, mais qui ne sont pas montrées comme telles. On a plutôt l’impression qu’elle est froide et que quand même, elle pourrait lui répondre. Ensuite, il s’impose chez elle, et quand elle le fait ressortir, il fait mine d’accepter, puis sonne chez le voisin et essaie de rentrer par la fenêtre, ce qui amène à sa réhospitalisation. Mais alors, on justifie le fait de le réhospitaliser par ces mots :  « vous avez mis votre vie en danger » et non « vous avez harcelé et nié la volonté de votre ex en allant jusqu’à tenter de rentrer par effraction en faisant une grande scène, donc en la terrorisant ». Ce qui pourtant est exactement ce qu’il fait.

Il y a aussi une allusion claire au masculinisme des pères, avec d’un coup, alors qu’il se comporte en agresseur, il dit à quelqu’un « je crois qu’Anna et Céline (son ex femme) vont se liguer contre moi pour que je ne voie plus mes enfants ». Comme s’il s’agissait de se liguer et non de protection contre la violence d’un père (alors même que les deux femmes ne se liguent pas du tout).

Mais au moins, pendant toute la première partie du film, la famille, les psys, les amis, lui disent que son comportement est inadmissible (maissans l’identifier comme de la violence conjugale). Dans la deuxième partie du film, il n’est plus question de cela.

Une fois réhospitalisé, après quelques jours dans cet hôpital, il semble calmé. Sa psy lui conseille d’être « chevaleresque » s’il veut reconquérir sa femme. Et d’un coup, il « s’échappe », et puis donne un rendez-vous à Anna alors qu’elle est sur le point de se libérer de son emprise par le biais de l’éloignement (elle a accepté une mutation à Turin). Elle dit alors à quelqu’une: « parfois, il a un côté irrésistible ». Et là, on sait que la femme qui a courageusement résisté à l’homme violent a dû céder face à l’emprise, et qu’elle va aller au rendez-vous. Alors qu’elle va à ce rendez-vous,-il l’emmène au milieu de nulle part et elle ne sait pas où, lui non plus, elle est donc totalement à sa merci-  elle semble totalement anesthésiée, perdue. Et tout d’un coup, il lui dit que c’est un endroit qui ne serait rien s’ils ne s’embrassent pas, et elle se met à sourire Mais au lieu de montrer tout cela comme la réussite d’un agresseur dans sa manipulation perverse, c’est ce qui constitue dans ce film le « happy end ».

C’est bien un film du cinépatriarcat, qui apprend aux hommes qu’ils ont bien raison d’être des agresseurs (les rires des spectateurs hommes à chaque agression déguisée ou humiliation de la femme ne trompant personne), et aux femmes qu’elles doivent se soumettre.

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Pour continuer sur ce cinépatriarcat,  je parlais de sexisme des Oscars dans mon dernier billet, mais il y avait pire à venir :la cérémonie fut semble-t-il un paroxysme du genre : à lire  We saw your boobs, une célébration du viol aux oscars. Et l’analyse du blog Féministes radicales : Rape joke, quand les virils font de l’humour

Pas étonnant dans ce contexte, qu’avec une telle propagande au cinéma et partout dans la société, il y en ait encore qui défendent les assassins de femmes, et prétendent qu’il n’y a pas récidive en cas d’assassinat conjugal (qu’une émission de France Inter osait encore appeler drame passionnel récemment)…alors que tous les mécanismes sont connus. Cette semaine, cet article de Metro est venu révéler ce qui ne nous étonne pas, à propos de Bertrand Cantat, qui a passé 4 ans en prison pour le meurtre de Marie Trintignant, et dont l’ex-femme, Kristina Rady s’est « suicidée ».

Elle était victime de violence conjugale, et les faits qui ont été révélés cette semaine sont accablants, en particulier le message vocal qu’elle a laissé sur le répondeur d’une amie : Kristina Rady : des témoignages accablent Bertrand Cantat
« Hier, j’ai failli y laisser une dent, il m’a frappée, mon coude est complètement tuméfié, un cartilage s’est même cassé. Mais ça n’a pas d’importance, tant que je pourrai encore en parler », dit-elle. « Bertrand est fou, il croit que je suis l’amour de sa vie et que (…) tout va bien », poursuit-elle. Puis elle détaille le carnet scolaire (bien faible) de ses enfants. « J’espère qu’on va pouvoir s’en sortir et que vous pourrez encore entendre ma voix… Sinon vous aurez au moins une preuve que… mais des preuves il y en a « , lance t-elle avant de passer le combiné à sa fille Alice ».

« Il croit que je suis l’amour de sa vie » : ça ne vous rappelle pas le résumé d’un film cité plus haut ?

Quand j’avais écrit ceci il y a trois ans, dénonçant déjà la propagande médiatique, certain-e-s m’avaient dit que l’homme ayant purgé sa peine, j’allais trop loin…Ce noir désir d’euphémisme et d’oubli.

Mais pour finir sur une note un peu plus optimiste, je signale cette info d’hier : le Congrès américain a enfin reconduit une loi contre les violences conjugales de 1994,, qui accorde protection et assistance aux femmes victimes. Elle était retardée depuis plusieurs mois par des Républicains qui s’opposaient à l’ajout de clauses protégeant les victimes homosexuelles, immigrées et autochtones.