Pourquoi le 13 avril, je veux l’abolition citoyenne du système prostitueur !

afficheVoici une sorte de profession de foi abolitionniste. Pour vous rappeler que le 13 avril, 54 associations réunies dans le collectif Abolition 2012, organisent, avec le soutien de personnalités et politiques, et surtout de nombreusEs citoyennEs, une convention d’abolition du système prostitueur ! Pour s’inscrire, il n’est pas encore trop tard, et c’est ici !

http://www.emailmeform.com/builder/form/ff6Hg04w82bU8y72Q

Cela se passera à la Machine du Moulin rouge, salle de concert située place Blanche, une façon de dire l’abolition, ce n’est pas un idée pour les salons chics, ce sera une avancée, sur tous les terrains, pour toutes les femmes, et donc pour toute la société.

Au programme, un temps de présentation des associations qui se sont mobilisées depuis 3 ans pour favoriser la préparation d’une loi d’abolition. Ce que nous y voulons, vous le trouverez dans le dossier de presse que nous avons préparé pour l’occasion et téléchargeable ici

 

Ensuite, des personnalités, des survivantes, puis des politiques interviendront. Sans oublier quelques surprises !

Du coup, j’ai aujourd’hui envie de vous faire partager le pourquoi de mon engagement abolitionniste. Ou plutôt, puisque c’est évident, qu’il est ici question de féminisme et de droits humains, sa genèse.

Quand j’avais 20 ans, la prostitution était pour moi une inconnue. Je ne comprenais pas que des hommes puissent acheter des femmes. Et je dois dire que pour les hommes dans mon entourage, c’était la même chose. Ils ne comprenaient pas les autres hommes qui le faisaient. Il a fallu ensuite que j’entre en militantisme féministe pour que je réalise à quel point la prostitution faisait partie d’un système. Alors, je me suis intéressée à ce qu’en disait les féministes. Ou plutôt, j’ai entendu une copine du festival Femmes en résistance dire : les féministes sont divisées là-dessus. Et puis j’ai vu « les prostituées de Lyon parlent », de Carole Roussopoulos, où Barbara clamait des droits pour les femmes en situation de prostitution, et soulignait qu’on les méprisait et abandonnait à leur situation, mais qu’en même temps, on leur faisait payer des impôts. Les prostituées de Lyon affirmaient qu’elles étaient en grande majorité indépendantes. Sans proxénète. Quelques années plus tard, la vérité éclatait, et Barbara disait aux féministes : « mais comment avez-vous pu me croire ? » (quand elle disait qu’elle n’avait pas de souteneur).

Citation_VictorHugo

C’est seulement en 2009 que j’ai commencé à réfléchir aux politiques actuelles. Je me disais : peut-on interdire la prostitution sans que les personnes prostituées soient celles qui sont pénalisées ? Non, ce serait la prohibition. Que faire alors ? J’ai alors lu des arguments selon lesquels si on ne pouvait interdire ni éliminer la prostitution, alors on pouvait peut-être les protéger en leur offrant de meilleures « conditions d’exercice ». Si on encadrait, ne leur éviterait-on pas violences, et exploitation ? La question méritait d’être posée, sur le plan théorique. Mais en même temps je découvrais les chiffres et les informations émanant de Judith Trinquart et Muriel Salmona de l’Association mémoire traumatique et victimologie, expliquant les conséquences psychotraumatiques des actes sexuels non désirés répétés (que j’appelerai aujourd’hui viols ou agressions sexuelles répétés). J’ai aussi à ce moment là découvert que certains pays avaient dépénalisé le proxénétisme, pour soi-disant « mieux encadrer et protéger les personnes prostituées », mais que cela semblait avoir des effets contre-productifs (ce qui a été bien confirmé depuis). Surtout, je découvrais la politique suédoise et les études montrant que la situation, en 10 ans en Suède, avait fortement évolué, vers, non pas une éradication, mais une diminution de la prostitution, et un désintérêt des réseaux internationaux de proxénétisme pour ce pays.

Mais c’est donc seulement début 2010 que l’abolition est devenue mon combat.  2 événements, survenus à 8 jours d’intervalle, m’ont déterminée et poussée à m’engager :

Le 3 février 2010, j’allais voir à l’Espace Saint-Michel le documentaire de Jean-Michel Carré, « les travailleu(r)ses du sexe ». J’interviewais même le réalisateur sur ce qu’il avait voulu faire, et il me présentait les choses comme vous pouvez l’entendre dans l’article. Dans la salle, des membres du STRASS, qui parlaient sans cesse du « lobby du Nid » (le mouvement du Nid, découvrirais je ensuite, association de bénévoles qui rencontre des milliers de personnes prostituées chaque année et a, en effet, un rôle de plaidoyer auprès des politiques), nid à cul-bénis selon eux (le nid a été fondé par un prêtre mais n’a aucune orientation religieuse aujourd’hui. d’ailleurs, j’en fais désormais partie…). En même temps, je regardais le film, et minute après minute, ma bouche s’allongeait. Tous les arguments présentés en faveur d’une forme de réglementation de la prostitution, me semblaient des preuves et/ou des faits à l’appui de l’abolition, tellement ils ne tenaient pas. Du pseudo-plaisir des personnes prostituées en passant par les pauvres maris qui ne trouvent pas ce qu’il faut auprès de leur femme et ne trouvent un peu d’affection qu’auprès des prostituées, j’avais l’impression d’entendre des clichés éculés digne d’histoires à dormir debout. Pis, la prostituée interviewée régulièrement dans le film affirmait que la vraie liberté sexuelle résidait dans le contrat et que les personnes prostiutées étaient en ce sens plus libre que les autres…

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Bref, je raconte tout cela ici : https://sandrine70.wordpress.com/2010/02/06/travailleurses-du-sexe/ mais c’est pour dire que pour moi, ce film fut le premier accès à l’évidence : l’abolition était la seule solution.

8 jours plus tard donc, le 11 février, avait lieu à l’Assemblée nationale un colloque à l’initiative du fameux « lobby du nid » et 16 autres associations sur la question. Je m’y rendais, ravie d’y rencontrer Pierrette Pape du Lobby européen des femmes et Marie Vermeiren, amie et présidente du festival de films de femmes de Bruxelles.

-Premier choc : je voyais enfin son film Pas à vendre, 26′ d’une désintox’ implacable de toutes les idées reçues sur une prostitution soi-disant choisie ou glamour. La prostitution, c’était bien, pour les personnes qui y sont soumises, « rarement un choix, mais toujours une violence ».

-Deuxième choc : les interventions des représentantes d’associations et syndicats, CFCV, Sud-Solidaires, démontaient magistralement l’idée de « liberté de choix » (quand la violence est omniprésente avant, pendant et après la prostitution) et celles de la notion de « travail du sexe ». Allait-on faire les 35 heures du sexe ? Déterminer le nombre d’actes sexuels quotidiens non désirés qu’il était raisonnable de subir ? 5 ? 10 ? 20 ? Y aurait-il des formations à la prostitution, qu’on pourrait proposer aux élèves de 3e  ?

-Troisième choc : Grégoire Théry, secrétaire général du Mouvement du Nid, expliquait le principe premier de la politique que certainEs appellent néoabolitionniste : inverser la charge pénale. Faire porter la culpabilité non plus sur les victimes. La prostitution étant reconnue comme une violence, elles sont bien les victimes ! Donc, faire enfin porter la responsabilité sur les coupables. Renforcer les mesures contre le proxénétisme et les traficants d’être humains, mais aussi faire apparaître celui qui n’était jamais mentionné pénalement : le CLIENT, c’est à dire la demande, c’est à dire l’homme qui s’arroge le droit de disposer pour son propre plaisir d’un autre être humain, et achetait l’impunité de lui imposer un acte sexuel non désiré, le plus souvent un viol !

Pénaliser le client, c’était donc possible, mais en plus ni moraliste, ni ultra-répressif (une amende et 6 mois de prison, sachant que les peines appliquées sont rares, ça n’est pas bien lourd…), ET efficace ! Comme le montrait la Suède, où l’effet normatif de la loi a été crucial sur un changement des mentalités.

Dès 2010, je diffusais à Femmes en résistance « Pas à vendre ». Et en 2011, 4e choc, je découvrais L’imposture, le film de Eve Lamont que nous avons diffusé en première européenne à Arcueil. Pendant 5ans, la réalisatrice avait rencontré, vécu avec 75 prostituées canadiennes. Elle en a fait un film avec une quinzaine d’entre elles, qui dénonce l’imposture des pro-prostitution.

« mais la question fondamentale n’était pas de savoir pourquoi quelques femmes « choisissent » de se prostituer, mais plutôt au nom de quoi certains hommes sont autorisés à acheter du sexe et à utiliser le corps de femmes et d’enfants. Est-ce normal, au XXIe siècle, de réduire un être humain à une marchandise sexuelle, un instrument de jouissance et un objet à consommer ?  »

Dès lors, j’ai rejoint la lutte abolitionniste et me suis engagée dans le mouvement du nid et abolition 2012 et remets ici quelques articles importants pour moi que j’ai écrit sur la question :

http://www.slate.fr/tribune/69153/prostitution-abolition-impasse-reglementarisme

https://sandrine70.wordpress.com/2012/03/13/pour-les-personnes-prostituees-contre-le-systeme-prostitueur/

http://www.slate.fr/tribune/65433/abolir-systeme-prostitueur-droits-humains

https://sandrine70.wordpress.com/2012/08/18/pourquoi-labolition-pour-la-liberte/

https://sandrine70.wordpress.com/2012/07/12/prostitution-les-temoignages-qui-disent-la-realite-de-la-prostitution-sans-strass1/

https://sandrine70.wordpress.com/2012/03/21/hasta-la-vista-de-la-sexualite-des-hommes-en-situation-de-handicap/

https://sandrine70.wordpress.com/2012/04/05/le-corps-des-femmes-nest-pas-une-marchandise/