Elle, Lybrido, déculottée : la haine des femmes en haut de l’affiche

Haine des femmes, et haine de soi. C’est ce que les images de nous que donnent ceux qui sont censés être « nos journaux » les féminins (bon ce sont pas les miens hein), les affiches, le cinéma, qui nous morcèlent et nous étête, et haine de notre désir, à la fois en imposant le « tout à l’orgasme », le « tout au coït » et l’interdiction de « trop en vouloir ». bref, l’interdiction de faire ce qu’on a envie et de ne pas être dans le désir de l’homme (cf Ozon, etc.)

3 exemples en 2 jours…

project

-vu hier dans le métro, le « movie project », le projet de film de nous donner la déculottée ?!!! Inouï.

elle-vu en une de Elle cette photo d’une « non-femme »au corps totalement irréel, avec en dessous cet article qui dit : « se plaire telle qu’on est ». Vraiment ? C’est typique des injonctions paradoxales de Elle, mais à ce point, on se demande en effet comment les femmes peuvent garder une tête sur leurs épaules.

Enfin, dans le genre « WTF », lisez cet article qui explique comment « le viagra féminin » risque de rendre les femmes agressives : une quintessence de millénaires de corsetage physique moral et sexuel des  femmes. Pour le Viagra, est-ce qu’on s’est posé la question si ça allait augmenter le nombre de viols ? http://www.slate.fr/life/73191/viagra-feminin-trop-efficace-lybrido

Adèle, la Palme et le sexisme

blueBon, hier, je n’ai rien dit, parce que « La vie d’Adèle » primée le jour de la #manifdelahonte, c’était un joli pied de nez, même si l’on doute que ce soit cela qui ait motivé Steven Spielberg, le président du jury. En revanche, la nécessité de préserver son image aux Etats-Unis l’a probablement encouragé (indépendamment même des qualités ou pas du film ce qui n’est pas en discussion ici) à écarter d’emblée toute récompense à Polanski qui nous eût insupporté-e-s. Ozon non plus, qui s’est tiré une balle dans le pied lui-même avec ses déclarations sur ses fantasmes sur la prostitution, et c’est tant mieux.

En effet, si les deux n’avaient pas prononcé des phrases d’un sexisme et d’un androcentrisme insupportable, en plus pour l’un d’être en fuite d’une accusation d’un crime de viol sur mineure qu’il a reconnu et d’avoir choisi des sujets de films qui montrent leur incapacité à envisager les femmes autrement que comme des objets (l’un allant jusqu’à déclarer que l’égalité femmes hommes était une idée vraiment stupide), alors peut-être que personne n’aurait réagi plus que ça (bon moi j’avais déjà réagi avant le festival ;-). Mais là, leur propos incroyables les ont largement discrédités, et c’est tant mieux !

Mais revenons à la Palme d’or. Elle devait sauver cette sélection ultra-masculine et misogyne, à la fois dans le nombre de réalisateurs (18 sur 19) et dans le choix des sujets, qui ne concernaient essentiellement que des hommes. Or, quand je l’avais dénoncé dans mon article d’avant le festival, je n’avais pas parlé du Khechiche. Parce que je ne savais pas encore qu’il était tiré de la BD lesbienne culte « Bleu » est une couleur chaude de Julie Maroh, auteure et lesbienne, et parce que je me méfiais du regard que pouvait avoir le réalisateur sur la question.

Puis, donc, il a été encensé comme un « choc cinématographique » par la critique (voir les inrocks ici) et a eu la Palme un jour où symboliquement c’était très fort. De quoi pourrions-nous alors nous plaindre ? Déjà, la lecture d’une interview où le réalisateur français affirmait qu’il avait filmé la scène de 10′ de sexe entre les deux femmes « sans jamais penser que c’était deux femmes », parce qu’il n’y avait pas de différence me semblait louche…ou signe qu’il n’avait jamais parlé de la question avec des lesbiennes, ce qui est un peu(beaucoup) problématique…

Ensuite, je craignais -avec d’autres que le regard d’un homme soit surtout là pour exciter des fantasmes masculins (qui sont une part importante de la pornographie) hétéronormés. Ces craintes, qui n’ont pas effleuré la critique française, ont en revanche été relevées par le New York Times :

« This intimacy is clearly meant to draw you into her consciousness. Yet, as the camera hovers over her open mouth and splayed body, even while she sleeps with her derrière prettily framed, the movie feels far more about Mr. Kechiche’s desires than anything else.

It’s disappointing that Mr. Kechiche, whose movies include “The Secret of the Grain” and “Black Venus” (another voyeuristic exercise), seems so unaware or maybe just uninterested in the tough questions about the representation of the female body that feminists have engaged for decades ».

Enfin, il y avait le fait que ses techniciens avaient manifesté de son comportement exécrable sur le tournage (ce qui est tout de même rare alors que les réalisateurs ne sont pas réputés être des enfants de choeur), et qu’il s’était incrusté (pas lui mais un caméraman et ses actrices) sans prévenir les organisatrices dans la marche de nuit féministe et lesbienne du 8 mars 2012, les filmant scandant des slogans n’ayant rien à voir avec ceux de la manif.

Mais pour finir, il y a enfin le peu de respect accordé à l’auteure de la BD, qu’il n’a même pas remerciée au Palmarès, et son opinion à elle sur ce qu’il a fait de son oeuvre :

j’en cite juste 2 extraits, vous pouvez tout lire ici : http://www.juliemaroh.com/2013/05/27/le-bleu-dadele/

« Je tiens à remercier tous ceux qui se sont montrés étonnés, choqués, écœurés que Kechiche n’ait pas eu un mot pour moi à la réception de cette Palme. Je ne doute pas qu’il avait de bonnes raisons de ne pas le faire, tout comme il en avait certainement de ne pas me rendre visible sur le tapis rouge à Cannes alors que j’avais traversé la France pour me joindre à eux, de ne pas me recevoir – même une heure – sur le tournage du film, de n’avoir délégué personne pour me tenir informée du déroulement de la prod’ entre juin 2012 et avril 2013, ou pour n’avoir jamais répondu à mes messages depuis 2011.  » JM

Deuxième extrait, à propos des scènes de sexe. Après avoir exprimé en tant qu’auteur que le parti pris de Khechiche n’était pas le sien mais qu’elle ne jugeait pas cela, elle poursuit :

« Ça c’est en tant qu’auteure. Maintenant, en tant que lesbienne…
Il me semble clair que c’est ce qu’il manquait sur le plateau: des lesbiennes.
Je ne connais pas les sources d’information du réalisateur et des actrices (qui jusqu’à preuve du contraire sont tous hétéros), et je n’ai pas été consultée en amont. Peut-être y’a t’il eu quelqu’un pour leur mimer grossièrement avec les mains les positions possibles, et/ou pour leur visionner un porn dit lesbien (malheureusement il est rarement à l’attention des lesbiennes). Parce que – excepté quelques passages – c’est ce que ça m’évoque: un étalage brutal et chirurgical, démonstratif et froid de sexe dit lesbien, qui tourne au porn, et qui m’a mise très mal à l’aise. Surtout quand, au milieu d’une salle de cinéma, tout le monde pouffe de rire. Les hérétonormé-e-s parce qu’ils/elles ne comprennent pas et trouvent la scène ridicule. Les homos et autres transidentités parce que ça n’est pas crédible et qu’ils/elles trouvent tout autant la scène ridicule.  Les seuls qu’on n’entend pas rire ce sont les éventuels mecs qui sont trop occupés à se rincer l’œil devant l’incarnation de l’un de leurs fantasmes.
Je comprends l’intention de Kechiche de filmer la jouissance. Sa manière de filmer ces scènes est à mon sens directement liée à une autre, où plusieurs personnages discutent du mythe de l’orgasme féminin, qui… serait mystique et bien supérieur à celui de l’homme. Mais voilà, sacraliser encore une fois la femme d’une telle manière je trouve cela dangereux.
En tant que spectatrice féministe et lesbienne, je ne peux donc pas suivre la direction prise par Kechiche sur ces sujets.
Mais j’attends aussi de voir ce que d’autres femmes en penseront, ce n’est ici que ma position toute personnelle ».

Elle souhaite avoir des avis d’autres femmes. On ira donc voir le film mais je crains que nos craintes ne s’y voient confirmées…

En résumé, malheureusement, il n’est pas du tout évident que la Palme d’or soit finalement moins misogyne que la plupart des films présentés à Cannes. Alors certes, c’est mieux que Polanski et Ozon, mais…

S.G

 

Buzzons contre le sexisme 2e : un bon cru !

Mercredi au cinéma La Clef à Paris, c’était la remise des prix « Buzzons contre le sexisme », organisé par Teledebout, dont c’était la deuxième édition.
Plus de 50 films réalisés, et de nombreux primés à l’arrivée. Car dans chaque catégorie, 10-14 ans, 15-16 ans et 17-25, il y a eu de belles découvertes. Femmes en résistance décernait comme l’an dernier son prix, et le choix n’a donc pas été facile. Nous avons décidé de récompenser 2 films (que vous pourrez voir dans la 9e édition du festival) : « Un unique chromosome », qui a également eu un premier prix du jury, un très court film autonome qui nous a plu parce qu’il réussit là où tant d’autres, selon nous, échouent d’habitude : il fonctionne sur le principe du renversement. En moins de 2′, avec un commentaire (un peu trop rapide dans son rythme), ce film d’animation raconte l’histoire de l’humanité à l’envers. Avec des rôles sexués vraiment renversés, à tel point qu’on voit au final l’absurdité ET l’artificiel de ces rôles.

Un unique chromosome 1’39 min / Vidéo autonome  de Marie Herpe, 17 ans, Laval.

http://www.dailymotion.com/video/k4zThyI52pnqms3WE56

Nous avons par ailleurs primé un film réalisé par le lycée professionnel Lautréamont à Tarbes,

Le sexisme c’est tabou on en viendra toutes à bout 8’40

http://www.dailymotion.com/video/k6ykueUOtBEhza3XaqV

un film qui réfléchit, en partant du support d’images d’archives récentes qui montrent le sexisme ordinaire (Cécile Duflot moquée en robe à fleur à l’Assemblée, etc.) aux moyens de vraiment lutter contre le sexisme. Des lycéennes et lycéens, filmés en groupe face caméra s’expriment sur le sexisme, et au fur et à mesure du film, on sent une prise de conscience : que  le sexisme est partout. Que ce sont les hommes qui en sont les bénéficiaires et les agents, et qu’il faut faire quelque chose. Ainsi, des idées -surtout des filles- fusent. « On ne va comme même pas supprimer tous les hommes », dit l’une, une autre réfléchissant elle très concrètement à où l’on pourrait faire passer le message massivement pour que le sexisme cesse. Et de proposer une idée originale (que je vous laisse découvrir). Double attrait du film donc : on voit les lycéens et surtout les lycéennes, vraiment concernées et transformées pas la réflexion, et en plus, elles réflechissent à des modes d’action qui seraient efficaces. Certes, avec encore quelques illusions sur la possibilité que nos idées de justice et d’égalité soient reprises à grande échelle, mais peut-on vraiment changer quoi que ce soit sans illusions ?

Il y avait beaucoup d’autres films très intéressants dans la sélection. En premier lieu un film que nous aurions primé et de loin en tête, « Maintenant à poil », de Marine Claverie et Margaux Chataux. Un film d’une grande maîtrise et d’une grande maturité de réflexion autour de l’épilation, avec des idées très originales et dans le montage et dans le fait d’avoir fait un sondage sur le sujet. Mais… la chute du film, dernière image  était trop ambiguë et sujette à interprétation totalement à l’opposé de l’intention même de la réalisatrice. Selon nous, elle risque de se laisser interpréter par des jeunes comme une attaque envers les féministes. Je vous laisse découvrir cette chute et vous faire un avis :

http://www.dailymotion.com/video/k7kmup5YASe8SF3W3iI

Enfin, deux films cette année -chez les 15-16 ans, se sont intéressés à la lesbophobie. Intéressant à noter sachant qu’on était en plein « débat » sur le mariage étendu aux personnes de même sexe. Certaines classes ont donc tenu à mettre en avant le sexisme qui s’allie à l’homophobie dans le regard de la société sur les lesbiennes. Avec en particulier un très joli film, qui dit tout simplement les choses : « Chemin de femmes », d’élèves de Landivisiau,  à voir ici :

http://www.dailymotion.com/video/k3rEpuJkPVbFKV3XflY

Voici pour les films qui nous ont le plus marqué, d’autres nous ont plu, certains n’ayant pas eu de prix m’ont aussi intéressé pour ce qu’ils nous donnaient à voir du sexisme à partir des préoccupations des ados d’aujourd’hui. Que forcément nous, féministes plus âgées ne pouvons pas toujours voir.  Ainsi quand des élèves découvrent par la réflexion autour du film que les filles n’ont pas accès aux espaces de repos et/ou d’activités comme le foyer et la table de ping pong, lorsqu’ils s’interrogent autour d’une soirée entre jeunes sur les comportements vis à vis des filles et des garçons (un garçon bourré c’est bien une fille c’est la honte, par ex). Des petites prises de conscience qui correspondent à leur quotidien, et nous permettent de rester en prise avec leur réalité.

Enfin, je salue dans la catégorie des plus jeunes, le film d’une classe de 5e, « nous sommes nés en l’an 2000 », galerie d’interviews des élèves d’une classe, qui disent très concrètement, que dès 12 ans on peut avoir une idée très précise du sexisme qui nous entoure et de l’injustice qu’il représente.

C’est donc réjouissant et très motivant, comme l’ont souligné toutes les membres du jury (Christine Bard, Geneviève Fraisse, Hélène Fleckinger, Laetitia Puertas, Hélène Marquié, Agnès Szabo, Clémentine de La Barbe,..) que tous ces films puissent désormais être utilisés comme supports de réflexion pour d’autres jeunes, et on attend avec impatience la troisième édition l’an prochain !

Et encore merci à Barbara et Josefine deTélédebout pour l’organisation. Il ne faut pas hésiter à les solliciter pour obtenir des DVD et faire circuler au maximum ! teledebout.org/news/4/105/Remise-des-Prix-de-Buzzons-contre-le-sexisme/

Rassemblement devant les Galeries Lafayette ce soir

Pas le temps d’écrire un article plus long, alors je transmets juste l’info et le communiqué de presse des assos et je soutiens bien sûr

Ni pour vendre, ni à prendre, le corps des femmes n’est pas une marchandise !

Rassemblement le 23 mai de 16h30 à 19h devant les Galeries Lafayette Haussmann

Les Galeries Lafayette inaugurent du 21 au 25 mai un nouveau concept « Glam et sexy » : le lancement de leur nouveau rayon lingerie.

Celui ci s’accompagne d’animations mettant en scène des mannequins dénudés portant la signalétique du magasin tatoué sur leur corps, postées aux portes d’entrée et aux abords des escalators ; d’autres mannequins jouent les fausses clientes et tombent leur manteau pour continuer leurs achats en string et soutien gorge. L’après midi sera ponctué par des strip-tease.

Surfant sur la vague du porno chic, ces animations nous rappellent les défilés de mode mettant en scène des mannequins en situation de prostitution.

Ces femmes sont des salariées contraintes de s’exposer dans le cadre de leur travail. C’est une atteinte à leur dignité et une mise en danger.

La direction des Galeries Lafayette exploite le corps des femmes pour mener une opération de communication afin d’augmenter ses ventes. Le corps des femmes n’est pas une marchandise !

80 % des salariéEs des Galeries Lafayette sont des femmes. Le secteur du commerce est particulièrement touché par les bas salaires, les horaires atypiques et la précarité.

Alertées par les syndicats CGT, CFDT et FO, nous appelons à se rassembler le 23 mai de 16h30 à 19h devant les Galeries Lafayette ( angle rue de Mogador et du Bd Haussmann Mo : Chaussée d’Antin) pour exiger l’arrêt immédiat de ces animations .

Premières signataires : Collectif national pour les Droits des Femmes, Attac, CADAC,les Chiennes de Garde, la CLEF,Collectif féministe contre le viol, Collectif Val de Marne Contre les Violences Faites aux Femmes, les efFRONTé-e-s, L’égalité, c’est pas sorcier, Elu/es contre les Violences Faites aux Femmes, Fédération Nationale Solidarité Femmes, Féminisme Enjeux, Femmes égalité, Femmes libres Radio Libertaire, Femmes pour le dire, femmes pour agir, Femmes solidaires, FIT, une femme, un toit, Fondation Copernic, Groupe pour la Reconnaissance en Droit des Féminicides, Ligue des Femmes Iraniennes pour la Démocratie, Ligue du droit international des femmes,Marche mondiale des femmes, Mouvement du Nid, Osez le Féminisme, Planning familial de Paris, Planning familial 93.

Soutenu par : Front de gauche

Carton rouge (encore) à Cannes et Ozon

Bon, c’est malheureux à dire, mais j’avais raison…la propagande bat son plein à Cannes.
Et François Ozon vient de donner une magistrale leçon de ce qu’elle signifie. Je ne parle pas du film qu’il a présenté. Mais de ce que son réalisateur dit de son personnage.
Car on pourrait arguer que lorsqu’il a voulu faire le portrait d’une fille de 17 ans qui se prostituerait par plaisir, il ne faisait qu' »imaginer » un « possible ». Et comme l’expression de l’imagination humaine permet ça, qu’il l’aurait fait. Mais face à nos critiques d’abolitionnistes qui ont le malheur de vouloir qu’aussi dans la sexualité les femmes soient des sujets, il aurait alors pu répondre : c’est une fiction ! Qu’allez vous universaliser ou politiser la chose ?

Et bien même pas. Car lui-même fait de son personnage un élément du discours politique : en effet, il universalise la création de son esprit à toutes les femmes. Car c’est bien connu, comme le disent Les nouvelles news, il est tout à fait normal que les hommes discourent sur ce que pensent les femmes. Même si c’est la pure expression de leurs volonté de justification de leurs fantasmes malgré les violences masculines. Ainsi, il ne dit pas du tout que le personnage est le fruit de son imagination et un cas particulier! Metro rapporte qu’il affirme à un journal américain : « Mais je pense que les femmes peuvent facilement se connecter avec cette fille car c’est un fantasme de beaucoup de femmes de se prostituer. Ca ne veut pas dire qu’elles le font, mais le fait d’être payé pour coucher est quelque chose qui fait partie de la sexualité féminine. »

Ah. Donc, M.Ozon est un expert en sexualité féminine ? Il a mené des études sociologiques d’envergure (rapport Hite par ex), rencontré des milliers de femmes, lu des dizaines de livres qui lui permettent de parler à la place des femmes, à notre place ? Non, il ne s’agit pas de ça. Il s’agit D’UNE EVIDENCE + d’une CROYANCE…

Car voila ce qu’il dit encore : je crois qu’être un objet dans la sexualité est quelque chose d’évident, le fait d’être désiré, utilisé. Il y a une forme de passivité que les femmes recherchent. »

Et donc puisqu’il le croit ça doit être vrai ? Et c’est donc ça la libération sexuelle que certains brandissent en étendard contre nous, abolitionnistes ? Dire « des évidences » dignes du café du commerce, asséner des aberrations millénaires en disant que c’est moderne, et obtenir un porte-voix dans un festival mondialement regardé ?

Non, moi je redis que c’est de la propagande, de donner une telle audience à des affirmations sans aucun fondement ni sens, sans rien à voir avec le cinéma, mais juste avec un nouvel obscurantisme, celui qui sous couvert de « toutes les opinions se valent mais je ne donne la parole qu’à quelques unes », vient justifier le maintien de millions de femmes dans l’esclavage sexuel, le maintien de toutes les femmes dans une vision violente et esclavagiste de la sexualité et de leur personne, vient justifier la déshumanisation de toutes les femmes.

Ah, et à lire cet article, on ne s’étonnera pas que le film ait plu à Cannes…apparemment, les prostitueurs ont tout de même besoin de trouver des justifications du genre « c’est une évidence que les femmes fantasment d’être payées » pour justifier leurs actes…ou assurer leur impunité plutôt…

Honte.

Juste…des femmes. Merci, Anne Sylvestre

NB : Anne Sylvestre sort un 21e album à ne pas manquer, et elle sera à Violette and co pour la présentation de sa biographie par Daniel Pantchenko : « Et elle chante encore ? « (Fayard) le vendredi 24 mai à 19h. A ne pas manquer è

 

justunefemMercredi soir, je suis allée voir Anne Sylvestre en concert. Grâce à une amie chère, c’était la seconde fois que j’avais la chance d’assister à un de ses concerts. La première fois, c’était en décembre 2011, à Ivry-sur-Seine, un concert un peu particulier : d’abord j’y étais allée en vélo -je vous expliquerai(1), ce qui m’est fortement contre-indiqué ;-). Enfin parce que la grande Anne s’était blessé le poignet 3 jours plus tôt, et qu’elle était tout de même sur scène, et impressionnante.

Cette fois-ci, c’était au Casino de Paris, occasion de retrouver le quartier de mes 20 ans (je ne peux traverser la place Trinité sans penser au meilleur croissant de Paris à 2 pas, dans la rue Pigalle où j’habitais, et sans penser à Jean-Pierre Léaud descendant sa bouteille de lait après une « nuit buissoniere » aux pieds de l’Eglise.

Au Casino de Paris, Anne Sylvestre s’était entourée de 3 musiciennes, piano, cordes et vents, pour l’accompagner sur les chemins poétiques de la vie qu’elle chante, celle d’une femme, celle des femmes. Amour, féminisme, petites choses de la vie quotidienne, j’aime la richesse du répertoire. Et son écriture tout à fait exceptionnelle pour qui prend le temps de bien l’écouter. Elle sait nous faire rire, tout comme nous interpeller, glisse des messages abolitionnistes dans une chanson sur les souvenirs d’une « femme au foyer » (« les calamars à l’harmonica »).

Elle rend des hommages à des amies disparues qui savaient parler le langage de l’eau (« le lac Saint-Sébastien »), nous amuse de son dégoût de « l’obligation sociale » des balades et de devoir marcher dans la boue, ou d’un « quart d’heure de langue de p. ».

Elle nous parle aussi d’elle, avec la très belle chanson « Ecrire pour ne pas mourir ».

Enfin, elle nous parle de nous, les femmes, dans tous les aspects de nos vies. Avec « Gulliverte », qui n’avait jamais si bien résonné en moi qu’en l’entendant chanter sur scène, et « juste une femme », où elle répond, avec finesse et justesse au mépris de la société, des médias et des hommes puissants pour les femmes victimes de violence, en précisant…qu’il y a bien mort d’âme. Et en une chanson, rend justice à toutes.

S.G

(1) sérieusement, c’est quoi l’intérête du vélo ? un vélib’, jamais à la bonne taille (mal aux genoux), on peine quand ça monte, on s’ennuie quand ça descend, mais on n’a pas le temps de voir le paysage qui défile trop vite, on ne peut quand même pas s’arrêter tous les deux mètres pour faire une photo, enfin on a froid et le vent dans les yeux fait pleurer les yeux.  Et on arrive à la station vélib’ à 10′ de chez soi complètement crevée, les jambes en compote…A tout prendre, je préfère le RER..

Cannes, palme du cinéma par et pour les hommes

Capture d’écran 2013-05-15 à 10.10.13Ce qu’il y a de bien avec le cinéma, c’est que c’est un étalage sans fin de ce qu’est ou peut être la misogynie et le backlash, un sujet perpétuel donc de dénonciation pour les féministes en quête d’articles à écrire…

Comme je le dis ici souvent, la culture en général, et le cinéma en particulier est un lieu idéal de la propagande d’un monde fait pour et par les hommes, misogyne et réduisant les femmes à l’état d’objets de possession : pour cela, il faut préciser ce que l’on entend par culture : aujourd’hui, dans une société ultra-libérale qui dispose de médias de masse (télévision, cinéma, internet), la culture est un ensemble de produits culturels commercialisables. Le fait qu’il y ait des critiques et labellisations « artistiques » à ces produits, n’est qu’une façon de plus ou moins les distinguer, et de donner des lettres de noblesse aux procédés patriarcaux qui sont derrière ces produits. Ainsi, avec un festival, comme celui de Cannes, qui commence cette année, on est dans le plus parfait des  effets à double détente (libérale et patriarcale) :

D’un côté, il s’agit là d’un immense marché de produits culturels, destinés à renforcer les parts sur ce marché de certain-e-s dans un contexte de crise (d’où 5 films américains et 5 films français dans la sélection 2013, comme si, « artistiquement », le cinéma de ces deux pays était plus inventif, créatif, vivant, ce qui est loin d’être le cas. C’est juste que c’est là qu’économiquement cela a beaucoup d’importance). De l’autre, il s’agit de renforcer la propagande que sert le cinéma sur une représentation du monde qui sert à la fois les clichés séculaires des rôles femmes hommes et les évolutions vers un libéralisme liberticide (pour celles et ceux qui sont moins égales que les autres). Pour cela, il suffit de regarder la sélection cannoise, que ce soit dans la compétition pour la Palme d’or ou dans la principale section parallèle, un certain regard. Dans la sélection pour la palme, il y a cette année 1 femme sur 18 ou 19. Ce n’est donc pas mieux que quand il y en avait zéro, contrairement à ce que dit cet article-modèle de soutien à tout ce qui sera dénoncé ici surrue89 : http://www.rue89.com/rue89-culture/2013/05/14/couleur-festival-cannes-femmes-etats-unis-cul-losers-242300).

Mais encore plus que le nombre de femmes réalisatrices, le choix des réalisateurs sélectionnés, est tout à fait édifiant. Représentatif d’ailleurs de ce que sont les 18 ou 19 films qui sortent sur nos écrans chaque semaine. « Virils », stéréotypés, et ne balayant le spectre des sentiments et situations humaines que par un tout petit bout de lorgnette baignés aux jouets pour garçons…que ce soit les jouets de guerre, ou d’exploitation sexuelle des femmes.

Ce serait presque drôle si cela n’était tragique, de vous faire part des films sélectionnés, avec les résumés trouvés dans le magazine d’UGC, tellement c’est caricatural.

Guerres et trafics :

Un certain Takashi Miike, présente « Shield of Straw » :« graphique, ultra-violent, fou à lier, le couperet du japonais hyper-actif… ».

Amat Escalante, : « Heli », mexicain, « au talent précoce et furieux affronte en frontal les cartels mafieux. Après une magistral paire de baffes (dans son précédent film), il enverra au jury un uppercut gagnsta qu’on voudrait aussi ahurissant de style ».

Nicolas Winding Refn : « only god forgives » roule au carburant de la violence froide et pope telle une laque prête à éclater.

Alex Van Warmerdam, « borgman ». : Thriller horrifique sur un couple fortuné qui recueille un SDF. »

Mahamat Saleh Haroun « grigris » (bon là je parle pas du racisme du commentaire). .portrait d’un jeune danseur, qui confrontera le soleil cannois à la moiteur d’une Afrique violente et corrompue ».

Histoires d’amitié entre hommes ou pères-fils :  précision. Je n’ai rien contre le fait que des mecs veuillent écrire des histoires d’amitié entre hommes ou des histoires pères-fils. Mais juste : si seuls les mecs ont des financements et des possibilités de distribution+ sélection à Cannes, quand voyons nous des histoires d’amitié entre femmes et des relations mères-filles ? (ah mais non, dans ces cas-là c’est nul, je vous le disais l’autre jour).

Ethan et Joel Coen : « Inside Llewyn Davis, « un biopic, ballade folk dans « Greenwich village d’un musicien pote de Dylan ».

Hirokazu Kore-eda, nous propose : « like father, like son » : « cette histoire de paternité et de séparation impossible ».

Alexander Payne : « Nebraska » : « road-movie à deux têtes -un père et son fils »,

Arnaud Desplechin « Jimmy P. » : « Sujet familier (la psychanalyse), il adapte en anglais son livre fétiche, l’amitié entre un indien alcoolo et son psy…

Femmes pornifiées, promotion de l’exploitation sexuelle des femmes.

L’autre grande caractéristique de cette sélection, c’est -et vous vous attendez bien sûr à ce que j’en parle- la présence de plusieurs films de propagande pro exploitation sexuelle. Il y a, évidemment, la rage ressentie devant la glorification permanente d’un criminel (viol d’une jeune femme de 13 ans, avec moultes circonstances aggravantes) non jugé, Polanski, qui depuis qu’il a échappé à la justice après avoir été arrêté pendant le festival de Cannes (ce qui semble-t-il était là un crime de lèse-festival) est systématiquement adulé et sélectionné partout. Il y a pire : en plus, il utilise sa femme pour adapter à l’écran « La Vénus à la fourrure ».

La Vénus à la fourrure est une nouvelle de Sacher-Masoch. Moins connu que le Sade du sadisme, il est bien le Masoch du masochisme…  Voici donc comment est résumée la nouvelle de cet auteur du XIXe sicèle : « La Vénus à la fourrure est la première oeuvre marquante de la littérature qui s’attache à décrire la relation entre un homme et une femme où la représentation extrême de l’amour prend la forme d’un esclavage librement choisi et consenti ».

Ici, c’est un homme qui se soumet à cet esclavage qui, s’il est librement choisi et consenti, ne peut pas être de l’esclavage. En fait, c’est  le comble de la perversité, comme le montre cette recension : « D’ailleurs, le héros masochiste, loin de n’être qu’un partenaire faible et « subissant », à la recherche de la main punitive, est l’être d’une certaine posture : bien qu’il se complaise dans la soumission, l’abaissement, il est aussi le grand ordonnateur, le metteur en scène de ses propres fantasmes ; celui qui amène l’autre dans ses contrées fictives, dans la logique de ses fantasmes. Il manipule, persuade ; c’est, selon Gilles Deleuze, la victime qui dresse son bourreau. Dans La Vénus à la fourrure, Wanda confie à Séverin : « Vous avez une manière bien à vous d’échauffer l’imagination, d’exciter les nerfs et d’accélérer le pouls de qui vous écoute. En vérité, vous êtes un homme à corrompre une femme, entièrement. »

Sauf que, ce fantasme littéraire d’esclavage non pas librement consenti donc mais de manipulation d’une femme, est devenue un outil supplémentaire d’oppression des femmes par les hommes. Les cas où des femmes sont effectivement des « domina » sont rarissismes. Les cas où des femmes sont victimes de l’oxymore absolu où on leur fait prétendre qu’elles « consentent » à la violence qu’elles subissent, sont massifs, et deviennent normatifs dans notre société. Tellement qu’en justice, des hommes ont des circonstances atténuantes et des peines de prison ridicules s’ils ont tué leur partenaire dans le cadre de ce pseudo « consentement à l’esclavage ».

Alors que Polanski s’empare de cette histoire ou plus exactement d’une histoire de Broadway où il s’agit d’adapter la nouvelle de Sacher-Masoch,  c’est franchement insupportable. Et en plus, il y fait jouer sa femme. Voici un résumé qu’on peut lire sur le net, qui décrit le personnage principal du film, qui joue une actrice  : « L’actrice vulgaire, écervelée et débridée rebute d’abord l’homme de théâtre. Mais cette dernière va peu à peu lui montrer qu’elle comprend parfaitement le personnage dont elle a d’ailleurs le prénom. Perverse, sulfureuse, tous les qualificatifs bruissent sur cette oeuvre qui emprunte aux théories de Leopold von Sacher-Masoch, l‘inspirateur du masochisme.

Bon, j’arrête ici les frais, me direz-vous ? Mais non, parce que je ne vous ai pas encore parlé d’Ozon. Ozon François, auteur de « 8 femmes », « gouttes d’eau sur pierres brûlantes », qui propose cette année : « Jeune et jolie ». Passons sur le titre qui pue la propagande mainstream (car n’allez pas imaginer de la dénonciation). Mais le sujet du film ! Une jeune femme de 17 ans qui se prostitue « par plaisir » ! Je ne vais pas vous refaire ici une démonstration de pourquoi on ne se prostitue pas par plaisir.

Ozon ne sait-il pas, qu’aujourd’hui, déjà dans la loi, les hommes n’ont pas le droit d’obtenir des actes sexuels contre de l’argent de femmes mineures ?  Ne sait-il pas que le consentement n’existe pas lorsqu’on est mineure ? Qu’il s’agit donc de viol ? Quel intérêt à aller raconter sur un écran qu’une femme de 17 ans pourrait prendre plaisir à se prostituer, alors que tous les témoignages expliquent comment ces actes sexuels répétés sont destructeurs, et comment on ne se retrouve pas en situation de prostitution par hasard à 17 ans, mais par la double équation violence-nécessité de survivre, et ce dans l’immense majorité des cas ? Alors quel pourrait donc être le but d’un tel film, sinon faire de la propagande pour celles et ceux qui voudraient nous faire passer des vessies pour des lanternes, des viols pour du désir ? Pour préparer les mentalités au backlash, quand l’explication du fait que la prostitution est toujours une violence, commence à se répandre dans la société ?

 

BacklashBref, il y a quelques autres films (4 ou 5) dont l’effet backlash est moins évident à la lecture des résumés (il y a au moins Ashgar Fahradi, peut-être..), mais je m’arrête à 11/19 films insupportables…

Ce n’est pas mieux non plus dans la sélection « un certain regard ». C’est un peu moins mal. Mais c’est pire en fait : car s’il y a 7 femmes réalisatrices sur 18, cela autorise les journalistes à écrire que « les films de femmes se ramassent à la pelle »(1) : et c’est là ce que j’appelle le backlash, celui qui prend la moindre petite avancée pour un avènement du féminisme et de l’égalité, pour mieux faire taire toute revendication. Sans parler de la comparaison des films de femmes avec les feuilles mortes…

merida

A propos de « Backlash », il y a un dernier exemple dans l’actualité, qui circule pas mal ces jours-ci : celui de « Rebelle », « Brave » en anglais. Vous savez, le Disney écrit par une femme, avec une héroïne princesse non seulement courageuse et intelligent, qui crée une relation forte avec sa mère, mais qui n’a que faire de trouver le prince charmant, qui veut vivre sa vie en priorité ? Eh bien Disney a accepté d’en faire une de ses égéries. Parce qu’ils deviendraient plus féministes ? Non je rigole. Parce que c’est un moyen de la faire rentrer dans le rang. Ou plutôt dans le corset de la pornification. Car en « l’adoubant » aux côtés des Cendrillon, Ariel ou Belle au bois dormant, il lui on refait le profil…jugez plutôt. Heureusement, cela n’est pas passé inaperçu. Et la réalisatrice d’origine (car oui, elle a été écartée à la fin) comme les femmes à travers le monde et même les enfants, ont décidé de réagir, en signant cette pétition, qui a déjà près de 200.000 soutiens : http://www.change.org/petitions/disney-say-no-to-the-merida-makeover-keep-our-hero-brave

Victimes DE, mais pas « victimes par définition »

Aujourd’hui, je vais juste vous partager deux articles essentiels, qui parlent des femmes, des enfants et des hommes victimes de violences sexuelles, familiales et conjugales, et du fait d’être victime. Car en effet, jusqu’au sein du mouvement féministe, il y a parfois une confusion, entretenue par les libéraux, et par l’imprécision du langage, sur ce que l’on veut dire quand on parle de victimes. Quand, comme Muriel Salmona, psychiatre psychotraumatologue, Présidente de l’association mémoire traumatique et victimologie et auteure de l’indispensable « livre noir des violences sexuelles qui vient de paraître » on se bat pour mettre fin au scandale de l’abandon et l’absence de soin aux victimes en France. Une absence de soin et un abandon des victimes qui est servi par un discours médiatique qui minimise systématiquement les violences qu’elles ont subi et la responsabilité de l’agresseur -dont il découlerait forcément la responsabilité globale du système, de la société.

C’est ce qu’elle développe dans l’article qu’elle a publié le 8 mai à propos de la libération de trois Américaines sequestrées, torturées et violées depuis des années :

« Nous sommes sous le choc de cette information qui est tombée le 7 mai 2013 concernant trois jeunes femmes de Cleveland aux USA disparues depuis 10 ans qui venaient d’être retrouvées, l’une d’entre elle ayant en l’absence de leur bourreau (pour l’instant un seul des trois frères Castro, Ariel Castro est inculpé) réussi à alerter un voisin en cherchant à s’évader.

Mais nous avons aussitôt assisté à tout un discours de minimisation et de négation de la réalité particulièrement intolérable avec l’habituelle incapacité de nombreux journalistes et spécialistes de nommer précisément les violences, de parler de leurs conséquences psychotraumatiques, et de les replacer dans un cadre plus politique de violences et de crimes sexistes commis par des hommes envers des femmes. Les mots crimes, viols, sévices, tortures, actes de barbarie ne sont que trop rarement entendus, les journalistes ne parlant surtout que d’enlèvement, de séquestrations, de calvaire, et même de syndrome de Stockholm… »
Pour lire la suite et la démonstration magistrale de Muriel, c’est ici :

http://stopauxviolences.blogspot.fr/2013/05/les-trois-jeunes-femmes-de-cleveland.html

Ces femmes, c’est très clair, ont donc été victimes DE : un homme, qui a perpétré de nombreux crimes contre elles, peut être plusieurs, et de la société qui n’a rien vu (et qui, très probablement, va tâcher de les culpabliser à un moment de quelque chose pour pouvoir éviter de se poser les vraies questions. Voir à cet égard la conclusion de l’article de ce matin du Huffington Post:

La police reste cependant perplexe: comment se fait-il que les gens rendant visite à Ariel Castro au 2207 Seymour street n’aient jamais rien remarqué de suspect? Pourquoi les voisins n’ont-ils jamais rien entendu? « Ariel tenait tout le monde à distance », avait souligné mercredi le chef adjoint de la police de Cleveland, Ed Tomba. « On ne sait pas encore à quel point Castro contrôlait ces jeunes femmes. Il va certainement nous falloir beaucoup de temps pour comprendre tout ça », avait-il ajouté.

Donc, elles sont victimes DE, et c’est des traumatismes subis qu’il faut les soigner, c’est pour les conséquences matérielles qui en découlent qu’il faut les aider. Pas parce qu’elles « seraient » des victimes. Elles sont des individues, dont une caractéristique -parmi d’autres- même si elle prend beaucoup de place dans leur vie en raison des explications données ci-dessus est d’avoir été victime DE. Pourtant, la société dans son discours insiste à les enfermer dans ce statut. C’est une façon d’en faire les responsables de ce qui serait un « état de fait ».

EkmanC’est aussi une nécessité politique libérale, comme l’explique admirablement Kajsa Ekis Ekman (l’auteure suédoise présente à l’abolition citoyenne du système prostitueur le 13 avril), dont le livre « L’être et la marchandise » sort en France, et qui explique comment la société « rend tabou la notion de victime, pour masquer l’existence d’agresseurs » :

« Comme tous les systèmes qui acceptent les inégalités, l’ordre néolibéral déteste les victimes. Parler d’un être humain sans défense, d’un être vulnérable, suppose en effet la nécessité d’une société juste et le besoin d’une protection sociale. Rendre tabou la notion de victime est une étape pour légitimer le fossé entre les classes sociales et les sexes. Ce procédé exige deux phases. D’abord, il faut affirmer que la victime est, par définition, une personne faible, passive et impuissante. Puisque les personnes vulnérables se battent malgré tout et développent de nombreuses stratégies pour maîtriser la situation, « on découvre » que l’idée qu’on s’est faite de la victime est inexacte. La personne vulnérable n’était pas passive, bien au contraire. Donc, nous dit-on, il faut abolir la notion de victime. En conséquence, nous devons accepter l’ordre social – la prostitution, la société de classes, les inégalités – si nous ne voulons pas étiqueter des gens comme des êtres passifs et impuissants ».

Ou la façon expliquée plus haut de confondre victime et sujet, appliquée au discours pro-protsitution. La suite des extraits de ce texte magistral est à lire ici : http://sisyphe.org/spip.php?article4415

S.G

« Louisa Cheba », ou Djemila et Emma, sans Ken ni Aladdin

Les critiques cinémas n’aiment pas les bons sentiments. Ni la télé. Ni les femmes.

Hier, par hasard, je suis allée voir « Cheba Louisa », histoire ultra-classique du parcours d’une jeune femme d’origine algérienne qui acquiert peu à peu son indépendance, tout du téléfilm, quoi. Mais, ce qui m’a attirée, c’est le résumé et la bande-annonce. Il s’agissait d’un film qui se centrait sur deux personnages de femmes, qui -ô surprise- n’étaient pas rivales, ni cantonnées à un rôle de victimes qui serait un statut et contre lequel elles ne pourraient rien sans l’aide d’un homme (prince charmant, …)

cheba-louisa

Plus étonnant encore, je lisais rapidement le nom de la personne qui avait réalisé le film…et c’était un homme, qui écrivait l’histoire d’une amitié entre deux femmes et de ses conséquences positives sur leur vie. Vous en avez vu souvent au cinéma ? Oui, il y a Thelma et Louise (auquel il est fait explicitement référence dans le film). Mais à part Thelma et Louise ? Alors que les films, souvent très moyens, sur des amitiés entre deux hommes ? Ah oui, c’est un genre, (Francis Veber, etc.)

Tout au long du film, qui, avec une très belle distritution (les magnifiques actrices Biyouna, Isabelle Carré, Rachida Brakni), fait du bien (et pourtant n’est peut-être pas un chef d’oeuvre « cinématographique » selon les canons esthétiques), je me disais : « c’est vraiment très étonnant que ce film soit fait par un homme ». En effet, les réactions des femmes dans le film semblaient à la fois possibles, réjouissantes et lucides souvent sur les hommes. Pis, il y avait une dérision sur les amis/amants/promis de l’héroïne, Djemila, qualifiés de « Ken et Aladdin », qu’on attendrait pas d’un homme. Préjugés de ma part ? Peut-être, mais je me réjouissais surtout qu’un homme vienne les casser…

Et le film se poursuivait ainsi d’une façon dont le cinéma n’a pas l’habitude. Pour devenir vraiment libre dans sa vie, Djemila, forte de sa rencontre avec Emma, se rend compte que ni l’homme avec qui elle est ni celui qu’elle doit épouser selon le voeu de sa famille ne correspondent à ce qu’elle veut vraiment dans la vie. Alors, au lieu, comme cela aurait été le cas dans les films classiques, de devenir une pauvre victime éplorée qui finit soit par aller vers le prince charmant (le 3e homme, le propriétaire du bar) qui la sortirait de sa situation inextricable, soit par renoncer, elle finit célibataire, et heureuse !

Pour le personnage d’Emma, jeune veuve, caissière et mère de deux enfants en galère, mais dotée d’un don extraordinaire pour la joie de vivre et pour la combativité (oui, ça aussi, c’est dur à voir pour les misogynes), même chose : dans la cité, on l’appelle la « p… » c’est une femme qui s’habille comme elle veut, qui n’a pas sa langue dans sa poche, et qui se débrouille. Du coup, face à une galère financière de trop, au désespoir de perdre ses enfants si elles ne rend pas le lendemain matin les 900 euros qu’elle a pris dans la caisse pour qu’ils puissent aller, comme les autres, en classe verte, on la voit se diriger vers le trottoir, et monter en voiture avec un prostitueur.

Son amie qui lui court après pour l’en empêcher, arrive à temps, mais ce n’était même pas nécessaire. Car dans une scène qui vraiment fait beaucoup de bien à la militante abolitionniste de la prostitution que je suis et qui met en avant l’indignité des clients-prostitueurs, pas celles des femmes en situation de prostitution, elle se retourne contre l’homme qui l’humilie dans une belle situation d’empowerment, et sort de la voiture.

Deux femmes qui réussissent à échapper à leur « destin patriarcal », une de devoir être prostituée pour pouvoir faire manger ses enfants ou d’aller en prison, l’autre se mettre en couple soit selon les voeux de sa famille soit d’une illusion, visiblement c’est trop de bons sentiments pour la critique(1).

Et les bons sentiments, et des femmes qui s’en sortent, ils ne supportent pas, à en croire Télérama.Et bien moi, je dis que voir des femmes qui rigolent, se soutiennent, pleurent, se battent et finissent seules mais un peu plus indépendantes, c’est une formidable nouvelle. Tant pis si « ça fait sitcom ».

Ah, mais j’oubliais. En fait, j’avais lu trop vite. J’avais lu François au lieu de Françoise. En fait, c’est une femme qui a fait le film, son premier : Françoise Charpiat. Dommage pour la fin de mes préjugés ;-). Mais merci à elle !

S.G

(1) Ils préfèrent visiblement les Polanski ou Ozon (sélectionné à Cannes) qui les ramènent à ce que le cinéma et la société machiste veulent faire d’elles : des objets.

 

 

10-20 juillet : l’Eurolesbopride à Marseille

C’est un événement unique, et en plus il a lieu à Marseille, en été ! L’Eurolesbopride, grande manifestation lesbienne, se déroulera du 10 au 20 juillet. Dans un contexte où l’homophobie ambiante et déclarée cache parfois la spécificité de la lesbophobie (qui lie homophobie et sexisme), c’est une très bonne nouvelle que cet événement.

C’est le Centre Evolutif Lilith (CEL), qui l’organise (parallèllement à l’Europride qui se déroule aux mêmes dates), avec ses partenaires de la CLF. L’objectif, faire un grand rassemblement avec des nombreux moments non-mixtes, et lutter contre le sexisme, la lesbophobie et toutes les discriminations. Ce sera aussi un moment de convivialité pour toutes celles, lesbiennes ou amies, qui ont envie de se retrouver pour des activités en non-mixité, pour pouvoir « se ressourcer, écrire et transmettre notre culture, notre histoire ». Enfin, c’est aussi un lieu pour contribuer à mettre en place des réseaux, en particulier de solidarité pour les femmes qui sont persécutées dans leur pays parce qu’elles sont lesbiennes.

Quelques temps forts du programme, que vous pouvez découvrir dans son intégralité ici : http://celmrs.free.fr/euroLESBOpride/Preprogramme-euroLESBOpride.pdf

-du 11 au 19 juillet, un village lesbien

-les 15, 16 et 17 juillet : 3 jours de colloques, réflexions et projections

Jeudi 18 juillet : Rencontre des Organisations Lesbiennes en Euroméditerranée + Marche de nuit

Vendredi 19 juillet : concert

Samedi 20 : cortège lesbien dans la marche de l’Europride

J’espère de mon côté pouvoir y être, filmer et vous raconter l’événement ici !