Le 13 avril, et ces derniers mois, nous l’avons répété : la politique néo-abolitionniste est une politique globale de lutte contre le système prostitueur. Son premier objectif est d’imposer une nouvelle norme sociale concernant la prostitution, qui découle de ce que le logo du collectif Abolition 2012 exprime : prostitution = violence.
Cela, si l’on veut bien regarder la réalité en face, est une évidence. Tout le monde s’y accorde. C’est une violence pendant et après la prostitution (voir à cet égard la déclaration d’abolition ci-dessous) et qui prend sa source dans les violences patriarcales. C’est une violence sans nom, dont sont victimes des millions de femmes, des enfants et quelques hommes à travers le monde. Alors, si c’est une violence, que devons-nous faire pour l’enrayer ?
Il faut instaurer une nouvelle norme sociale, qui dise ces 2 choses :
-1- Les personnes prostituées étant les victimes de cette violence, elles doivent être traitées et considérées comme telles : cela veut dire qu’il faut les aider, les accompagner vers la sortie de la prostitution, leur proposer des soins, et des alternatives, et cesser de les abandonner ! Il faut donc y mettre tous les moyens possibles.
-2-Les coupables de cette violence doivent être pénalisés, comme tous auteurs de violence. Car de qui les personnes prostituées sont-elles victimes ? Des proxénètes, de l’Etat (qui en tire des revenus fiscaux) et doit donc cesser de tirer profit de la prostitution d’autrui.
Et surtout , elles sont victimes des hommes-prostitueurs qui achètent l’impunité d’un viol.
Si des hommes ne considéraient pas des femmes comme violables et achetables, la prostitution n’existerait pas. Si les hommes n’étaient pas éduqués à considérer qu’ils ont le droit -que ce soit par la norme sociale, la force ou l’argent ou la manipulation- de prendre possession d’autres êtres humains pour leur satisfaction-jouissance personnelle, qu’ils ont le droit ou qu’il est toléré de contribuer à la destruction d’autres êtres humains en échange d’un billet, parce qu’il y aurait des êtres humains destinés à cela, il n’y aurait pas de prostitution.
Aujourd’hui, face aux résistances de la société, qui ose à peine nommer le client comme responsable de cette violence, il n’ y a donc qu’une seule solution : pénaliser le client-prostitueur.
Ce n’est pas faire preuve d’ordre moral. Ce n’est pas une atteinte à la liberté de qui que ce soit. Je le dis pour ceux qui vont hurler si l’on ose proposer une peine de prison pour ce crime : se sont-ils tant affolés quand la loi a prévu 6 mois de pénalisation pour les victimes du système lors de la loi sur le racolage, alors que celle-ci pénalisait LES VICTIMES ?
Quelle peine faut-il mettre en place ? Si la prostitution est un viol, doit on alors rendre le client passible de peines de l’ordre du crime ? Sans doute, ce serait la logique d’une justice qui veuille mettre fin à la domination et à la violence, à la tolérance envers ce plus grand scandale de l’humanité. On ne peut imaginer en effet de commencer par un simple délit qui serait moins pénalisé que le simple vol de biens, encore moins par une simple amende : on verbalise pour les infractions au stationnement de véhicules, pas pour la destruction active et volontaire d’autrui.
Puisque la prostitution est une violence, une atteinte aux droits humains il faut d’urgence établir la norme sociale de l’interdiction d’achat d’un acte sexuel, et ensuite définir le viol prostitutionnel pour ce qu’il est.
Et il faudra que la loi frappe fort : parce que quand on sait déjà qu’en matière de violences sexuelles commises par les hommes contre les femmes, les peines sont très inférieures à ce que dit la loi, les viols sont correctionnalisés une fois sur deux, que les peines prononcées pour ces crimes sont souvent très faibles ce n’est pas en instaurant une infraction qu’on transformera une société prostitueuse en société de droits humains.
Sandrine GOLDSCHMIDT