Une résolution adoptée, un discours entendu !

La résolution réaffirmant l’engagement abolitionniste de la France a été votée aujourd’hui à l’Assemblée nationale.

C’est une étape historique. Ca n’est bien sûr que le début. Mais la violence des tenants du système prostitutionnel ces derniers jours montre bien combien ce début était important. Depuis 60 ans, la France est abolitionniste. Mais les dernières actions de l’Etat, qui visaient plutôt à pénaliser les personnes prostitutées que les clients, en particulier avec la loi de 2003 sur le racolage, ne laissaient présager rien de bon. Et pourtant, l’acharnement d’une député-e à faire connaître à ses collègues la vérité de la situation des personnes prostituées, loin des clichés entretenus par les médias et les tenants de ce commerce (qui représente tout de même 15% des échanges mondiaux. Leur faire renoncer à monnayer des êtres humains n’est donc pas un tout petit enjeu…), ont payé.

Ainsi, être abolitionniste, c’est d’abord et avant tout vouloir une société sans prostitution, donc sans clients. C’est favoriser le monde des possibles pour tous les êtres humains et surtout les femmes pour qui c’est un enjeu économique et migratoire. Tant qu’il y aura des hommes qui pensent que l’on peut acheter le corps ou les services sexuels d’une femme ou d’un homme ou d’un enfant, il y aura des situations qui feront que certain-es feront ce faux choix.

Bien sûr, dans un monde qui fait n’importe quoi et dans lequel la France est certainement complice de nombreux trafics humains, cela peut paraître idéaliste. Mais c’est justement cela qui est important : qu’enfin, au moins là-dessus, la France, devenue si différente de l’image qu’elle a d’elle-même, affirme une position progressiste et tire le reste du monde vers le haut…pour y arriver, il y a encore beaucoup de boulot, c’est pour cela que ce n’est que le début. Merci aux député-es Bousquet et Geoffroy, aux militantes et militants qui luttent ensemble.

Certains articles ont bien rendu compte des enjeux du débat, comme celui-ci du Point (comme quoi les mêmes sont capables du meilleur et du pire…). Même des émissions de télé, qui en parlent, et enfin, donnent la parole à des abolitionnistes. Quand d’autres ne parviennent encore qu’à entendre le Strass et présentent son point de vue comme un évidence : « Alors que s’ouvre aujourd’hui à l’Assemblée nationale le débat sur l’abolition de la prostitution, qui fait une large place à la question de la pénalisation des clients, Le Plus accueille Thierry Schaffauser, travailleur du sexe et activiste (notamment au sein du STRASS), qui nous explique en quoi la pénalisation du client est une erreur.

En quoi la pénalisation est une erreur, même pas « selon lui »… c’est dire. Mais après tout, pire et meilleur, c’est aussi sur l’obs qu’on lit cela.

Il y a, chez les blogueuses qui « parlent de sexe », une grande complaisance envers le client, au nom de la liberté sexuelle…il faut donc redire comme Clémentine Autain a dû le faire face à des critiques indignes et malhonnêtes, combattre le viol (et l’ensemble des violences sexuelles, donc la prostitution), c’est libérer le désir.

Et bien sûr, on a les sites qui prônent un peu plus d’égalité dans l’information, qui en parlent :

Egalités infos, et Les nouvelles news

Enfin, encore une fois, un blog, celui de Rebecca Mott, toujours, survivante de la prostitution…

Tout ceci, pour dire que cela valait bien une résolution, même qui reste symbolique, pour qu’enfin on commence à entendre une autre voix, celle des hommes qui disent non et montrent la voie (zero macho vient d’ouvrir), en s’engageant à ne pas être clients.

Enfin, en attendant que « L’imposture » sorte en France,: vous pouvez voir le film de Marie Vermeiren, celui qu’il faut voir si ce n’est déjà fait en deux parties en cliquant sur les videos dans cet article.

et une chanson à propos…

« il y a des clients y a des salauds… »

S.G

20 réflexions sur “Une résolution adoptée, un discours entendu !

      1. Forte, mais il y réduit la difficulté d’être prostituée à la saleté des « clients » et aux douleurs aux pieds. C’est maigre comme prise de position.
        Vive les éros center : douche obligatoire et la prostituée attend le « client » assise…

      2. je trouve ça un peu injuste à l’égard de la chanson : il ne le réduit pas à mon avis à la propreté, ni au bien-être et hygiène du client. il dit que les prostituées ne sont jamais à la noce…et que la victime est la coupable. De fait, la chanson peut convenir aux deux « côtés », mais moi je pense qu’il vaut mieux que nous la récupérions…

      3. La récupérer, oui, mais peut-on extraire cette chanson du reste de son œuvre?
        En fait, c’est à la lumière d’autres de ses chansons sur le sujet (Le mauvais sujet repenti et Concurrence déloyale en particulier), que j’ai entendu La complainte des filles de joie d’une autre oreille.: pleine de bons sentiments mais sans remise en question du système.
        Aimer ne dispense pas de la critique. Ferré affichait sa misogynie, Brassens l’exprimait avec poésie et humour (mais bien sûr, c’est le second degré auquel les féministes sont hermétiques…).

  1. Il y avait un débat qui suivait sur LCP. J’ai été assez choquée que l’une des personnes présentes, qui était anthropologue, décrétait que « louer » son vagin c’était la même chose que « louer » sa main. Et elle est anthropologue ?!! On a sûrement plus tendance à croire un spécialiste qu’un député…
    mais bon le débat est lancé !

  2. Mardi 6 décembre en fin d’après-midi, l’Assemblée a adopté la proposition de résolution de Danielle Bousquet, Guy Geoffroy et plusieurs de leurs collègues (appartenant à tous les groupes politiques représentés à l’Assemblée nationale) réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution.

    PROPOSITION DE RÉSOLUTION réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution,

    présentée par Mesdames et Messieurs Danielle BOUSQUET, Guy GEOFFROY, Jean-Marc AYRAULT, Christian JACOB, François SAUVADET, Yves COCHET, Marie-George BUFFET, Martine BILLARD et Marie-Jo ZIMMERMANN, députés.

    ASSEMBLÉE NATIONALE
    CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 – TREIZIÈME LÉGISLATURE
    Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 juin 2011.

    1 – Réaffirme la position abolitionniste de la France, dont l’objectif est, à terme, une société sans prostitution ;
    2 – Proclame que la notion de besoins sexuels irrépressibles renvoie à une conception archaïque de la sexualité qui ne saurait légitimer la prostitution, pas plus qu’elle ne justifie le viol ;
    3 – Estime que, compte tenu de la contrainte qui est le plus souvent à l’origine de l’entrée dans la prostitution, de la violence inhérente à cette activité et des dommages physiques et psychologiques qui en résultent, la prostitution ne saurait en aucun cas être assimilée à une activité professionnelle ;
    4 – Juge primordial que les politiques publiques offrent des alternatives crédibles à la prostitution et garantissent les droits fondamentaux des personnes prostituées ;
    5 – Souhaite que la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme constitue une véritable priorité, les personnes prostituées étant dans leur grande majorité victimes d’exploitation sexuelle ;
    6 – Estime que la prostitution ne pourra régresser que grâce à un changement progressif des mentalités et un patient travail de prévention, d’éducation et de responsabilisation des clients et de la société toute entière

    http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion3522.asp

  3. @ lora : moi je trouve cette chanson sensible, elle me ferait presque pleurer. Il insulte les types prêt à se moquer de ces femmes, dit qu’elles pourraient être leur mère, qu’elle ne vole pas les clients etc…Brassens n’est pas toujours égalitariste avec les femmes, il est même parfois tout à fait phallo, mais il a la volonté de défendre les réprouvés, les gens qu’on humilie et il y inclut les prostituées, ce n’est quand même pas rien. Je ne crois pas qu’il réduit les difficultés de la prostituée à ses douleurs aux pieds et aux clients sales mais qu’il reste dans son ton habituel qui part des idées recues du public, de leurs clichés pour en faire autre chose. Ce n’en est pas moins une dénonciation et à son époque, c’est déjà énorme. J’approuve Sandrine de l’avoir placée ici, moi. Je suis aussi d’avis de ne pas laisser à l’écart des acquis de notre culture susceptibles de (sup)porter un propos militant même s’ils le font complètement par hasard.
    Et même s’il est évident que ce n’est pas un hymne abolitionniste.

  4. ‎ » …la France, devenue si différente de l’image qu’elle a d’elle-même, affirme une position progressiste et tire le reste du monde vers le haut… » surtout avec un des gouvernement les plus répresseifs de ces dernières décennies! Ça promet!! comment peut on faire des compromis avec un gouvernement pareil?
    Je pense que c’est une grave erreur de s’attaquer de plein fouet à la prostitution car ça va plonger les femmes les plus pauvres encore plus dans la merde: deja ca va leur enlever le pain de la bouche et je me demande bien où seront les abolitionnistes lorsque les putes devront se cacher encore plus, se mettre encore plus en danger… il a fallu que l’une d’entre elle me mette une claque lorsque je caillassais son client pour comprendre cela… avec toutes nos bonnes intentions, on fait parfois de sacrées conneries!

    Brassens doit se retourner dans sa tombe!

  5. En Allemagne où la prostitution est mise sous le régime du travail ordinaire pour que les prostituées ne soient plus poursuivies, on a parallèlement ouvert des centres de réinsertion sociale de ces femmes pour qu’elles SORTENT de la prostitution car la « légalisation » qui n’en est pas vraiment une n’a jamais eu pour vocation de maintenir les femmes dans la prostitution. La méthode choisie pour les en extraire a malheureusement juste profité aux proxénètes et au trafic humain. Il est évident qu’une abolition doit être accompagnée de la bonne mesure de ce plan raté c’est à dire l’ouverture de ces centres de réinsertion.
    Le « pain de la bouche » doit arrêter d’être couplé avec « la bite au cul », Antropologa à la dérive. Vous l’aurez sans doute compris.

    1.  » Dans tous les cas et quelle que soit la situation administrative des personnes prostituées, leurs droits fondamentaux doivent être garantis, ainsi que le prévoient les conventions internationales auxquelles la France est partie. Au premier rang de ces droits figure celui de pouvoir porter plainte et d’accéder à la justice. » (cf: http://www.assemblee-nationale.fr/13/propositions/pion3522.asp)

      …c’est tout ce que propose la résolution. elle ne propose pas de centres de réinsertion parce que le gouvernement français ne conduit pas du tout cette politique. Je n’ai aucune confiance en ce type d’alliances que vous prôner: http://cahierdeterrain.blogspot.com/2011/12/on-ne-demolira-jamais-la-maison-du.html

    1. En effet. J’ai remarqué que les pro prostitution utilisent beaucoup les mots « liberté » ou « libre ». Comme des pays où règne une dictature ont « démocratique » dans leur nom.

      1. merci Lora ! voila exactement les mots mis sur un truc qui me trottait dans la tête !

  6. @ Sylvie

    j’ai également participé ; faut être plusieurs voix dans ces cas-là 😉
    surtout qu’on y trouve vraiment les clichés les plus stupides : les pulsions sexuelles, le plus vieux métier du monde
    y en a même qui trouvent ça bien parce que ça renflouerait les caisses de l’Etat…

    1. renflouer les caisses de l’Etat ???

      à considérer toutes les formes de violences (politique, en famille, au travail) : guerre, capitalisme, inégalité femmes hommes, discriminations que subissent les lesbiennes et les gays, harcèlement, agressions, viol, inceste, pornographie, prostitution, mariage forcé, mutilation génitale

      à considérer les moyens qu’on devrait mettre en œuvre pour éliminer ces violences : information, soutien parental, instruction à l’école, prise en charge médicale, judiciaire, sociale, centres d’hébergement : ça coûterait des dizaines de milliards d’euros par an

      c’est tellement vertigineux que pour l’instant l’état n’a jamais cherché à mesurer le coût de prise en charge de toutes ces violences !!!

      et ces violences se perpétuent de génération en génération : lire le livre de Noëlle le Dréau http://www.dunod.com/sciences-sociales-humaines/bien-etre-intereditions/apres-linceste (certaines violences peuvent détruire 4 générations)

      alors moi je ne savais pas que la violence pouvait renflouer les caisses de l’Etat !!!!!!!

  7. pour votre info j’ai 70 ans et féministe depuis les années 50

    vous n’avez pas compris ce qu’est le féminisme.

    c’est comme les gens qui se disent de gauche et ne le sont pas

    c’est une nouvelle mode

    j’ai encore du boulot avec vous!

  8. avec l asso LE NID à bordeaux nous faisons de notre mieux pour aider celles qui sont reellemnt d inocentes victimes qui viennent du monde entier!
    toutes et tous ensemble nous avancerons pour faire changer les mentalités!

    merci de debattre de ce sujet si peu évoqué sur le plan de l insertion socio economique

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