Tout ce qu’il me reste de la révolution

Toutcequ'ilmeresteVoilà un film très intéressant, réalisé par Judith Davis, marquée par le fait qu’elle a grandi sur les « Maréchaux », boulevards de ceinture de Paris aux noms des Maréchaux de France, et qui sont une sorte de « pré-périph » autour de Paris.

Intéressant, car sans jamais ennuyer, elle nous pose la question de ce qu’il reste de la « révolution », celle de 1968… pas grand chose ? un film avant les Gilets jaunes, qui, qu’on les honnisse ou les adore, ou qu’on ne sache vraiment pas quoi en penser, sont en quelque sorte en germe dans le récit du film… Intéressant, et drôle, aussi, et c’est une des grandes forces du film, comme l’explique la réalisatrice : « ne pas laisser le terrain de l’humour à la bêtise ».

Quelle bonne idée ! Un vent de liberté souffle sur ce film, qui fait aussi penser à « Oublier Cheyenne », sorti en 2005, et qui se posait le même genre de questions…d’ailleurs, on y reconnaît souvent la patte de la co-scénariste Cécile Vargaftig.
Angèle, la personnage principale interprétée par Judith Davies, a du mal à abandonner le mythe du grand soir, de la révolution. Et sa façon de continuer la lutte est tout d’abord rafraîchissante : engueuler son patron, ex-soixante-huitard qui la renvoie sans états d’âmes, se planter devant Pôle emploi en faisant une parodie des services de l’agence et arracher des sourires à celles et ceux qui font la queue devant la porte, en investissant une banque pour y lire un poème aux employé·es et client·es sidéré·es.

Recruter lors de ces actions des femmes et des hommes pour participer à des « groupes de parole politique », où « il n’y a pas de chef·fe », où il n’y a pas de bon et mauvais sujet, pas de règle… mais que c’est difficile à réaliser ! (la référence à des mouvements comme Nuit debout est évidente).

A l’opposé d’Angèle, sa soeur incarne l’anti-révolution. Elle, qui a renoncé depuis longtemps à la lutte, a choisi la société actuelle, où l’objectif, est d’avoir une belle maison, une grosse voiture qu’il faut garer « dans le bon sens » (mais à quel prix), beaucoup d’invité·es à l’anniversaire de l’enfant qui constitue l’épicentre d’une famille, celui sur qui se concentre toute l’attention -le contraire en fait de ce qu’elle a vécu dans son enfance à elle.

A travers elle, et en particulier à travers le personnage du beau-frère, elle montre la violence économique, comment la société capitaliste, en exacerbant la notion de compétition, de loi du plus fort (s’il faut écraser les autres pour réussir et avoir un intérieur bourgeois, alors on y fonce), broie ces individus qu’elle prétend glorifier, et en fait des bras armés pour l’élimination des plus faibles. A tel point qu’il manque de devenir fou, dans une scène d’une violence inouïe, où masculinité toxique et violence économique se mêlent alors qu’il rejoue une scène de son quotidien : renvoyer quelqu’un·e, qui est un « boulet » pour la société (société anonyme, l’entreprise, qui se confond avec la société -le peuple).

Liberté et révolution 

Angèle, contrairement à sa soeur, a gardé l’esprit de la révolution. Comme sa mère, qui les a « abandonnées » à ses 15 ans (la suite de l’histoire révèlera ce qu’il en est réellement de cet « abandon »), voit dans la famille un obstacle à la révolution. A tel point que cela la fait résister à l’amour. Mais on découvrira que c’est en fait sa situation individuelle, la non résolution de la crise de ses 15 ans, qui l’empêche de dépasser l’époque révolue de cette forme là de révolution. Et on découvre avec elle la responsabilité de son père, Simon le révolutionnaire, dans cette crise.

Au cours du film, sans que ce soit appuyé comme tel, la masculinité toxique est épinglée. Que ce soit le mari, ou le père, à l’opposé politique l’un de l’autre (le premier incarnant le capitalisme, le second la révolution) tous deux se révèlent à un moment clé, comme porteurs de cette « maladie » patriarcale, qui mènent la société et les femmes qui les entourent à l’impasse, qui les empêche d’être libres. 

Ainsi, alors que le film, analysé un peu rapidement, pourrait donner l’impression que « tout ce qu’il me reste de la révolution », c’est l’amour…en réalité, livre une réflexion fine et drôle sur l’imbrication du privé et du politique, et sur ce que peut signifier aujourd’hui être révolutionnaire.

La séquence-clé du film nous fait quitter Paris pour une nature idyllique, nous emmène à la campagne, ce fantasme de tant de Francilien·nes se sentant « en boîte » à Paris. En boîte,  pressé·es comme des sardines, que ce soit dans les transports ou au travail, pressé·es, ne travaillant que pour les vacances ailleurs, là où l’on peut se retrouver enfin comme un poisson dans l’eau, enfin libres d’étendre les bras, de nager (comme dans la dernière scène de la séquence, dans la rivière).

Je ne sais pas si c’est l’intention de la réalisatrice, mais le film est venu rencontrer une réflexion que j’ai eue avec une amie deux jours plus tôt : et si, être révolutionnaire, être libre, ce n’était ni se fondre dans l’impératif du « collectif révolutionnaire agissant pour le grand soir », ni se fondre  dans un libéralisme qui condamne chacun·e qui l’accepte à jouer pour soi de la loi du plus fort et permet, si l’on fait partie des plus forts, de « faire ce qu’on veut », tant pis pour les autres. Si c’était, tout simplement, à chaque instant, qu’on pouvait incarner la révolution dans nos actes,  dans nos idéaux, en étant en mouvement permanent donc en révolution, en n’arrêtant jamais les aiguilles de la montre, pas plus sur ses 15 ans que sur 1789 que sur 1917 ou 1968 ou sur le backlash des années 1980… mais en continuant à les laisser  tourner, en apprenant de nos erreurs, et en ne limitant jamais notre liberté d’être nous-mêmes qu’à celle de l’autre, à chaque instant ?

S.G

La bande annonce :

 

 

Paris contre Trump en vidéo

Voici comme promis un petit montage de quelques moments dynamiques de la marche d’hier, en particulier de quelques jeunes états-uniennes !

Here are as announced a little edit of dynamic images of Pariswomensmarch, especially a groupe of young US of A women

Women against Trump

Wonderful weather and light in Paris for a great demonstration. To support the hundreds thousands of women who marched in The US of A.

Très beau temps et lumière à Paris ce samedi pour une belle manif’ de soutien aux dizaines, centaines de milliers de femmes ayant défilé contre le nouveau Président Donald Trump.

Galerie de photos  : vous pouvez cliquer sur chaque photo pour les voir en grand.

Sur le pont des arts, l’amour cadenassé

Petit article court sur un phénomène qui me fascine…en traversant les ponts…et pas qu’à Paris.IMG_3769

« Si par hasard, su’ l’pont des arts, tu crois le vent… »

IMG_3778L’amour n’a pas de frontières. Mais beaucoup de barrières. Ou plutôt, des cadenas. Faut-il que l’amour, pris dans le carcan néo-libéral et hétérosocial soit devenu à ce point dénué de sens qu’une des activités préférées des couples du monde entier en visite à Paris soit d’aller défigurer le Pont des arts d’un cadenas censé être la marque de leur « amour éternel » ? Voici qu’est cadenassée leur relation, des années même après être terminée ? A l’heure où l’amour dure…ce qu’il doit durer, où nos vies étant plus longues, il est plus fréquent que les couples se séparent, faut-il donc laisser une « trace » symbolisant un amour enchaîné ? Certes, « de tout temps », les amoureux ont gravé leur nom sur des arbres en les entourant d’un cœur. Ou sur les murs des monuments. Enfin, de tout temps, je ne sais pas. Déjà c’était donner l’impression qu’il fallait imprimer -graver dans le marbre- une relation pour qu’elle existe. Et puis, un « cadenas », franchement…
IMG_3758Plus facile peut être que d’essayer de la faire exister au quotidien, et de trouver des formes plus élaborées pour s’exprimer de l’amour ? qui s’écrit encore des lettres d’amour ? Aujourd’hui on préfère les SMS…et les cadenas.

Après tant d’années de libération sexuelle affichée, ne reste-t-il plus d’idéal de l’amour que le mariage, la pornographie et des objets qui nous enchaînent ? Ainsi, on cadenasse cette chose sur la grille d’un pont autrefois magnifique, et maintenant recouvert de pans de bois graffitiés pour empêcher que les grilles ne s’effondrent… Et en plus on abime Paris dont les clichés hollywoodiens ont fait la ville de l’amour.

Constat amer encore : au lieu de mettre en valeur un amour qui s’autorise à se terminer, lorsqu’il n’est plus vrai, parce qu’il respecte la liberté de chacunE des personnes qui le partagent, au lieu de mettre en avant que le plus important c’est de conserver dans la relation son intégrité et sa liberté, pour qu’elle soit vraiment désirante et réciproque, on s’attache les unEs aux autres aujourd’hui avec des objets qui nous contraignent. S’attacher, se contraindre, s’emprisonner dans des objets, cela fait penser à l’autre « must » de l’amour tel que d’autres images nous le montrent (cf 50 machins…).  Quel rapport avec la « libération sexuelle » pour laquelle certainEs se sont mobiliséEs ?

IMG_3771Au-delà de la volonté de s’affranchir de « l’ordre moral », et de la nécessité de libérer la sexualité des liens que l’hétérosexualité « obligatoire » entretient avec la reproduction, a-t-on jamais réfléchi à cette liberté sexuelle comme l’envie de créer des relations sexuelles épanouissantes et libératrices pour chacunE… à les libérer de la violence et de la contrainte (dans le mariage, la dépendance entre époux, la domination du désir de l’un sur la personne de l’autre). On aurait oublié de créer, d’imaginer, d’inventer comment l’amour, affranchi de la religion et de la grossesse, pouvait aussi revêtir quantité d’autres formes ? On aurait oublié que la libération pouvait permettre enfin à deux êtres de se rencontrer,  d’inventer ensemble plutôt que de se matérialiser dans des objets qui à nouveau les enchaînent dans une symbolique de contrainte,  comme les menottes ou des cadenas pour avoir l’illusion du plaisir ?

Heureusement, qu’il y a aussi -même si c’est plus rare, celles et ceux qui nous apprennent que le plaisir, c’est autre chose que ces images.

S.G

IVG : images de manif’

IMG_6478Jusqu’à 40.000 personnes ont défilé dans toute la France en soutien aux Espagnoles, entre 15 et 30.000 à Paris, c’est rare de voir autant de monde (et autant de monde qu’on ne connaît pas) dans une manif féministe à Paris, et il paraît qu’à Madrid et dans toute l’Espagne la mobilisation a été à la hauteur.

Partout donc, les femmes sont prêtes à retourner dans la rue s’il le faut pour défendre ce droit acquis mais qui -comme tout droit des femmes- disait Beauvoir, risque d’être remis en cause. Voici quelques photos de la manifestation, il faisait beau, c’était beau, Paris, alors j’en ai fait pas mal

 

Violette and co : 10 ans, ça se fête !

vandcoLa librairie Violette and Co a 10 ans ! Un vrai événement pour cette librairie féministe unique en son genre, qui dispose en plus d’ouvrages qu’on ne trouve souvent pas ailleurs, d’un espace d’exposition et de rencontres dont je vous ai souvent parlé ici, qui organise des ateliers d’écriture et se déplace sur les festivals.

C’est là que je les ai rencontrées, sur un festival, Femmes en résistance, la première année que j’y ai participé. C’était en 2005, donc il y a presque 10 ans !

J’étais moi même une débutante en militantisme féministe -même si la fibre était ancrée en moi depuis longtemps- et la table de livres à Femmes en résistance, c’était un peu la caverne d’Ali Baba…

Depuis, j’ai assisté à de multiples rencontres passionnantes, depuis la présentation des Textes premiers pour les 40 ans du mouvement en passant par Tristane Banon ou la présentation par Christine Delphy des Femmes de droite d’Andrea Dworkin, sans oublier la rencontre organisée par les amiEs du festival avec Muriel Salmona pour le « Livre noir des violences sexuelles ».

Les libraires fêtent donc leurs 10 ans avec un agenda de rencontres, et dès le 8 février un vernissage d’une expo « récapitulative » « 10 ans, 40 artistes », le 28 mars une rencontre « lire Violette Leduc aujourd’hui » et bien d’autres que vous retrouverez sur le nouveau blog.
A lire également, une interview des deux libraires ici.

On souhaite donc un excellent anniversaire et longue vie à la libraire !

S.G

Paris, Notre-Dame et ses gargouilles

Je ne sais pas si c’est d’avoir écrit qu’il fallait bouger  si c’est le rayon de soleil sur Paris ou de vouloir conjurer l’avancée du temps et les légères torsions de chevilles sous la pluie, en tout cas, en ce 17 janvier, j’ai réalisé un exploit après lequel je courais depuis 4 ans à peu près…monter à nouveau en haut de Notre-Dame (j’avais dû le faire il y a  27 ans environ) pour chatouiller le menton des gargouilles et ressentir l’immensité parisienne. Auparavant, j’avais retrouvé les mouettes trouvillaises que j’avais filmé entre Noël et nouvel-an venues faire un plongeon dans les bassins des Tuileries.

Retrouver un regard presque touriste, ou disons vacancier sur Paris, c’est très agréable. Cela fait donc marcher, voir de belles choses, éviter le métro, et voilà un bon moyen de chasser toute velléité de morosité (la morosité des Français étant un chou gras dont se repaissent les médias)

Revue du vendredi : images de V-day, et autres infos

Je vais faire texte court aujourd’hui, pour laisser place à une petite galerie de photos de la place Nikki de Saint-Phalle hier soir ou un millier de femmes ont dansé hier soir dans le cadre de One Billion Rising (voir billet précédent). Dans sous la lune et à la tombée du jour, ça donne une jolie ambiance photographique. Des danses de ce style ont eu lieu dans une cinquantaine de villes de France et dans 200 pays dans le monde entier. Pour voir tous les rassemblements, probablement le site d’OBR les reprendra.

Sinon, autre info, que je voulais traiter, cette affiche inouïe pour le handball féminin qu’on a vu circuler la semaine dernière : mais le blog d’une chienne de garde l’a fait et je vous recommande donc d’aller y voir : http://humourdedogue.blogspot.fr/2013/02/cest-une-affiche-pour-quoi-au-fait.html

Enfin, on aurait retrouvé la tête de « l’origine du monde ». C’est en effet la thèse de Paris-Match, par ailleurs très contestée. Courbet, en dessinant ce tableau, qui montre un sexe de femme, sur son corps mutilé par le cadre du tableau (jambes coupées et buste et tête absentes), aurait eu une tête au départ ! Ce serait extraordinaire ! La nécessité de couper la tête à une femme pour en faire une image, y aurait son origine ! Et ce dessin paru dans la presse dit finalement très bien les choses. Un homme, passant devant le tableau, avec une légende qui dit au dessus : « on a retrouvé la tête de l’origine du monde ». Et qui dit : « En même temps on s’en fout, de sa tête ». C’est exactement ça…

Bonnes vacances ou retour !

Un tout petit message pour dire qu’A dire d’elles est en vacances…et que jusqu’au 18 août, il ne devrait guère y avoir de posts (mais le blogging étant un virus, je préfère ne rien jurer ;-))

Alors avant de partir, je dirais juste qu’il y a plein de choses dont j’aurais pu parler encore, du récit de Nafissatou Diallo dans Newsweek, au « Manifeste antiféministe de l’assassin d’Oslo » (désolée, il faut avoir être inscrit sur facebook pour avoir la traduction de M.Dufresne).

J’aurais pu vous parler de cette étude qui dit que les « grandes femmes » auraient plus de risques d’avoir un cancer que les autres, si ce n’était pathétiquement une nouvelle tentative de nous réduire (car l’étude parle aussi des hommes, mais cela ne fait pas le titre bien sûr), et de nous maintenir à notre place…

Enfin, j’aurais pu parler de ce film qui va sortir de Bertrand Bonello, « L’Apollonide, souvenirs de la maison close », dont le simple résumé dans un magazine de pub cinéma, suffit à me faire dresser les cheveux sur la tête : « …porte un regard d’une infinie richesse sur le quotidien d’une maison close (…) regard qui n’idéalise ni ne condamne, et pourtant n’est jamais neutre : à la rectitude du jugement moral, le cinéaste préfère le charme vénéneux des songes. Félines encagées, promenant leur ennui baudelairien parmi le velours de leur prison dorée (…) » et puis quoi encore ?!! Je ne sais pas ce qui est pire entre le charme vénéneux des songes, les félines encagées, l’ennui baudelairien ou le velours de la prison dorée…si, je sais, le pire, c’est cette prétention que le cinéma se devrait pour être du cinéma de « n’idéaliser ni ne condamner ». Très peu pour moi.

Donc, à tout cela, (,-)), je préfère montrer un avant goût de vacances dans une promenade dans Paris sans été, mais avec palmiers, plage et lumières…

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Shooting in the rain (après le #MDB)

J’aime les balades nocturnes et j’avais pris mon appareil photo, hier soir, en pensant que j’allais aller retrouver les blogueuses du « MDB », le Montmartre des blogueuses, cette rencontre très simple et conviviale entre quelques blogueuses qui ont envie de se connaître en dehors de la toile et ses tweets réducteurs…
Il y avait  Polluxe, la grande organisatrice, Luciamel, Olympe, Klaragora, Scharlotte en France et Claire. On a parlé d’actu, de conduite, de généalogie, et presque de tout et de rien…c’était très sympa.
Donc, j’avais pris mon appareil, mais comme le but n’est pas vraiment de montrer nos visages, je n’ai pas de trace de cette partie de la soirée, mais de la suite…je voulais surtout profiter de la descente nocturne vers la place de Clichy pour faire quelques photos de nuit…je n’ai pas été déçue, vu qu’il s’est mis à pleuvoir.  Shooting in the rain à Paris…

cimetière de Montmartre

vous la reconnaissez ?