Une valse pour Monica

Je ne connaissais pas Monica Zetterlund…une grande star et interprète de jazz…et également comédienne…et pourtant elle eut beaucoup de succès. Mais voilà, c’est le lot de nombreuses femmes talentueuses…on ne raconte pas assez leur histoire. Alors tant mieux si un film, « Valse pour Monica » le fait (il paraît qu’il a été premier au box office en 2013 en Suède), même si malheureusement, le résumé du film ne peut s’empêcher de la ramener à son « rôle naturel »…jugez plutôt :

Au début des années 1960, Monica, une jeune suédoise déterminée à devenir une icône du jazz, se lance dans la carrière de ses rêves qui la mènera de Stockholm à New York. Elle y côtoiera Miles Davis, Ella Fitzgerald, ou encore Bill Evans, qui adaptera pour elle son immense succès : « Waltz for Debby ». L’histoire vraie de Monica Zetterlund, légende suédoise du jazz, qui sacrifia son rôle de mère et sa vie amoureuse à sa quête de consécration.

Mais gardons le côté positif : nous savons désormais qui elle est (pour celles et ceux qui le savaient déjà, pardonnez mon inculture) et pouvons écouter ses chansons !

Documentaires : La petite Roquette, luttes des femmes LIP et Kate Millett

Trois événements à ne pas manquer en huit jours, trois projections très intéressantes…on pourrait se demander pourquoi tout en même temps, mais contentons-nous de nous réjouir…

Dès demain soir au Nouveau Latina (20, rue du Temple) à 20h, la projection de « La petite Roquette », documentaire de Guillaume Attencourt sur la prison de femmes qui accueillit de 1836 à 1974 des femmes en détention préventive ou condamnée à des peines de prison de moins de 1 an.

La séance aura lieu en présence de Nadja Ringart, sociologue et féministe, qui a été détenue à la petite Roquette trois mois en préventive pour des raisons politiques avant d’être mise en liberté provisoire puis condamnée à 6 mois avec sursis. Elle a d’ailleurs écrit dans le cadre du mouvement de libération des femmes un texte sur la prison : « toutes ces femmes…une caricature, la prison », que vous pouvez retrouver dans les « Textes premiers » édités à l’occasion des 40 ans du mouvement .

Un petit extrait : « Ce n’est pas non plus de la même façon qu’un homme et une femme arrivent en prison. La population pénale féminine est différente. On trouve beaucoup plus de petits coups dans lesquels lesfemmes sont entraînées directement par le mari ou par isolement qu’elle ne peuvent assumer. Sans sparler de celles qui viennent se réfugier là contre le froid ou le mari pour quelques mois d’hiver, il est très rare qu’elles soient enfermées pour un délit dans lequel elles sont seules impliquées ou qu’elles ont seules organisé ». (publié à l’origine dans Partisans « libération des femmes année zéro »).

Deuxième projection importante, jeudi soir à Créteil, un film de Et en présence de Kate Millet, féministe « historique » américaine et auteur de « Sexual Politics », qui est cette année l’invitée d’honneur du festival.

« Three Lives », le documentaire réalisé en 1971 par Kate Millett sera projeté : c’est le portrait de trois femmes qui parlent de leur vie, « évoquent les conflits passés, les décisions et les conséquences de leurs actions qui les mènent à se réaliser en tant que femmes ».

La projection sera précédée d’une rencontre avec Kate Millett, animée par Christine Lemoine de la librairie Violette and co.

Enfin, à ne pas manquer non plus, à l’occasion de la semaine des Arts à Paris 8, la projection-rencontre « Images des LIP, lutter au féminin ».

C’est de 14h à 17h30, amphi Y. La rencontre sera animée par Hélène Fleckinger, enseignant-chercheuse en cinéma. Ca devrait donc être très intéressant. Toutes les infos complémentaires sont dans le flyer ci-dessous !

Pas de tête, mais un bébé dans le ventre ?

A l’époque d’ « Histoires d’A », les femmes enceintes étaient d’abord des femmes…

NB : je précise suite à la réaction de l’association que je ne mets en aucun cas son projet et son travail en cause et je vous invite à lire le commentaire qui m’a été adressé, ci-dessous et qui donne le point de vue de l’association. Cela ne change pas le mien, je pense qu’il aurait fallu -si l’on montre une femme même pour parler d’un bébé dans le ventre, qu’on ne montre pas en même temps une femme sans tête. L’objectif de cet article n’est pas de montrer du doigt l’asso, mais bien de faire prendre conscience de ces images que toutes et tous nous véhiculons sans toujours nous rendre compte de ce qu’elles induisent.

Ce matin, au fil de Twitter, je tombais sur la mise en avant des « maisons de naissance », qui encouragent l’accouchement moins médicalisé et pourquoi pas à la maison. Interessée à titre professionel à voir de quoi il retourne, je clique sur le site du « Calm », « Comme à la maison », Association pour la maison de naissance des Bleuets.

Et voilà que mon coeur se retourne. Une grande photo en page d’accueil, sensée montrer la maternité épanouie, d’une femme avec un très gros ventre…et pas de tête !. Alors bien sûr, le Calm n’a pas l’apanage de ce type d’image. Elles sont de plus en plus fréquentes et nous envahissent, et nous semblons indifférentes à cette violence quotidienne qui nous est faite. C’est une grande tendance dont j’ai déjà parlé ici. Les femmes sont de plus en plus souvent représentées sans tête absolument partout. Mais quand on parle de femmes enceintes, alors c’est devenu quasiment systématique. Ou quand on parle des dérives de l’utilisation des femmes à des fins de reproduction dans un monde marchand (avec la grossesse pour autrui/mères porteuses), c’est toujours le cas : on montre des femmes sans tête, qui ne sont plus que des ventres. Le cadrage est d’ailleurs fait de telle sorte qu’on sent bien que la tête a été coupée délibérément. Alors quand cela concerne la GPA et donc le morcellement de l’être humain au profit de quelques uns, on pourrait presque y voir une signification politique. Il y a une vraie concordance entre la façon de traiter les mères et l’image qui en est donnée. C’est une façon de dissocier par la représentation le lien mère-enfant, et correspond à ce qui se fait dans la maternité pour autrui.

En revanche, lorsqu’il s’agit de promouvoir la « maternité heureuse », c’est là que toute la violence de la façon dont nous nous représentons nous-mêmes saute aux yeux (ou devrait). Ces images sont insupportables ! Et pourtant elles ne semblent pas faire réagir. Surtout quand l’image accompagne une carte de voeux pour 2014 qui explique :

« En 2014, dessine-moi une maison de naissance où les sages-femmes seront indépendantes où mes parents seront accompagnés de façon où la physiologie sera respectée, où je viendrai au monde dans un moment de douceur ».

Je ne mets pas la photo dans l’article, mais vous pouvez la voir ici : http://www.mdncalm.org/87-articles/154-tous-nos-voeux-pour-2014

Il est grand temps qu’en matière de maternité tout autant qu’en matière d’égalité, les femmes soient enfin considéréés comme des êtres humains, non ?

S.G

De Philomena à la GPA

« Philomena », mère à qui on a volé son enfant

J’ai récemment vu Philomena de Stephen Frears au cinéma en compagnie d’une autre « femme en résistance ». Un film de cinéma, tout en finesse, sur un sujet qui nous intéressait tout particulièrement : les dérives de l’adoption.

Un beau film, parce qu’il y a un vrai langage cinématographique, parce qu’il y a dénonciation, et aussi parce que nous étions contentes de voir le sujet « sortir », nous confortant ainsi dans notre choix de séance du dernier festival : nous y associions alors 3 thèmes sous le « commandement féministe » TU NE SERAS NI ACHETEE NI VENDUE NI VIOLEE » : la prostitution, la grossesse pour autrui (dite GPA), et l’adoption, en projetant le très beau film de Sabreen Bint Loula « Celle qui meurt », sur l’adoption en Inde.

Que ce soit dans le film de Frears ou celui de Sabreen, ces films nous aident à réaliser  que le « halo de sainteté » des « bonnes soeurs » et institutions religieuses peut être un écran de fumée qui cache en réalité une pratique nettement moins en accord avec leurs belles paroles.

Le sujet commence enfin à émerger : les scandales de l’adoption, cet acte jugé « si généreux » au double bénéfice de « sauver » des « orphelins -enfants malheureux » et de combler des couples hétérosexuels –  infertiles, sont nombreux.

C’est ce que montre en creux Philomena : de merveilleuses familles riches états-uniennes qui paient 1.000 dollars pour recueillir de pauvres enfants abandonnés -c’est ce que leur disent les bonnes soeurs, et qu’à aucun moment ils ne mettent en doute. Ils n’interrogent pas le bien fondé moral (et le possible « intérêt » des vendeuses) de payer un enfant 1.000 dollars. Et ils se contentent tout à fait de la parole de la bonne soeur qui dit que l’enfant a été abandonné par sa mère.

Sauf que…de l’autre côté, les bonnes soeurs, fortes de leur position morale dominante volent aux jeunes femmes leurs enfants. Elles leur font signer une décharge, et, pour assurer leur impunité, les culpabilisent systématiquement : nous sommes dans une Irlande très catholique ou le rapport sexuel hors-mariage est pêché. Que ce soit un viol ou un acte désiré, c’est un péché de la femme. C’est péché, donc il faut les punir. Elles accoucheront sans anti-douleurs ni médecin, dans des conditions atroces, parce que « c’est ce qu’elles ont mérité ». Certaines bien sûr en mourront. On leur arrachera leurs enfants et on leur interdira toute possibilité d’avoir ensuite un contact avec eux.

Le film de Frears montre bien cet incroyable (mais trop ordinaire) obscurantisme institutionnel, mais aussi personnel de la bonne soeur décisionnaire qui révèle la vraie raison des violences inouïes qu’elle a fait subir à ces femmes et ces enfants : elle a fait voeu de chasteté et s’y est tenue. Elle ne supporte pas que d’autres n’aient pas respecté ou eu à respecter cette injonction dogmatique, alors elle leur applique un jugement et une peine atroce pour cette seule raison.

Dans le film le poids du catholicisme, en particulier sur l’héroïne est très fort, et on pousse à la fin un grand « ouf » de soulagement lorsqu’elle accepte que cette réalité qu’elle a vécu soit révélée au grand jour par le journaliste. Le film, tiré d’une histoire vraie éveille l’envie d’aller creuserla question, et de réfléchir à la pertinence d’universaliser le propos en disant qu’il ne s’agit pas là d’un « acte barbare isolé » d’un couvent irlandais, à cause d’une bonne soeur névrotique…mais d’une composante de l’adoption telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui dans notre monde, dans un contexte de déséquilibre hommes/femmes, pays riches/pays pauvres, dominants/dominés.

Une composante de l’adoption que l’on retrouve dans la Grossesse pour autrui, maternité de substitution dite GPA, qui aujourd’hui est présentée par certains comme « la solution à la détresse des couples infertiles » et en particulier des couples d’hommes qui ont un désir d’enfant », et une ressource pour les femmes des pays pauvres (mais en général la situation des mères « porteuses » ne préoccupe guère). En réalité, il ne s’agit que d’une vaste marchandisation des êtres humains dans lesquelles les mères ne sont pas du tout bénéficiaires ! (voir cet article paru ces jours-ci). Et dans tous ces processus d’adoption, l’intérêt des enfants et les droits des mères (porteuses ou d’enfants) sont largement effacés au profit des droits du puissant (les familles occidentales qui peuvent payer). Les mères et les enfants sont les objets d’un commerce fructueux fondé sur le principe : pour le fort, tout peut s’acheter…à condition de l’enrober dans un discours sur la générosité…

Adoption terrain miné

Quelques voix commencent à s’élever ici ou là pour dénoncer cette situation et dire ce qui n’est jamais dit concernant l’adoption. Outre le commerce initial fondé sur des mensonges et un déséquilibre de pouvoir, il y a aussi l’effet sur les enfants adoptés et les conséquences sur leurs vies des traumatismes de ce qu’ils ressentent comme un abandon. Comme l’explique dans cet article Kharla Livingston Lorenzzo, premier « bébé volé » d’un réseau brésilien.

« Acheter un bébé auprès de ces réseaux, c’est soutenir ces trafics ignobles. Comment ne pas s’en rendre compte ? Et puis en achetant un être humain, à quel type de relation s’attend-t-on par la suite ? Le lien n’est-il pas faussé dès le début ? Comment peut-on s’imaginer construire son bonheur sur le malheur des autres, sans aucune conséquence ? »

A elle, on a souvent rétorqué que son cas était l’exception. Le récit de « Philomena » et celui de « Celle qui meurt » nous montrent qu’il y a « de nombreuses exceptions ». C’est ce qu’affirme également  KL Lorenzzo :

« Et pourtant, je rencontre de plus en plus de personnes elles aussi volées à la naissance. Des milliers en fait. Même stratégie, toujours : des intermédiaires mentent aux parents biologiques pour obtenir une signature attestant de l’abandon, ou qui récupèrent le nouveau-né à la naissance tant que la mère biologique est vulnérable. »

Clairement donc, il y a beaucoup plus derrière l’adoption que tout ce que notre bonne conscience (la mienne y compris) manipulée nous laisse entendre. Et il est important là encore et toujours d’informer et dénoncer quand il y a à dénoncer.

Je recommande à celles et ceux qui le pourront de se rendre à Créteil mardi 18 mars à 17h où sera projeté « Son nom : celle qui meurt », de Sabreen Bint Loula, un très beau film sur la question.

J’en profite pour mettre le lien vers le site du Festival de films de femmes de Créteil qui commence donc vendredi et dure jusqu’au week-end suivant.

Et le lien vers le site « Adoption terrain miné » pour lire plus en détail tous les arguments sur la question.

S.G

 

Du balai et des hommes !

Il y a quelques temps, je me demandais ici même comment il se faisait que les bébés filles ne naissaient pas un balai à la main…tant les représentations des femmes, que ce soient les mièvres princesses ou les méchantes sorcières, sont toujours munies de cet attribut de ménage, qui les remet à la place que les hommes leur ont assignée : nettoyer leur maison, effectuer de nombreuses tâches et ne pas faire (de) tache.

Il faut dire -et rappeler que c’est une juste représentation, tant les femmes, malgré les progrès accomplis vers l’égalité en droits -droits de vote, accès au travail hors de la maison par le biais de filières entières qui leur sont quasi réservées (au service de , en tant que secrétaires, dans les métiers de soins, d’éducation ou de « care », dans les métiers du nettoyage enfin) et qui sont peu valorisées, accès à l’éducation où elles excellent, n’en restent pas moins les gardiennes du ménage. Ou plutôt les concierges. Car cheffes de familles elles ne sont pas selon les administrations, mais bonnes ménagères, oui !

Elles font toujours 80% des tâches ménagères et cela n’évolue qu’à tous petits pas. En moyenne, quelques minutes gagnées chaque jour, cela signifie pourtant en réalité de vrais écarts selon les milieux sociaux.

Ainsi, avant qu’il soit question d’externaliser, expliquent François-Xavier Devetter et Sandrine Rousseau dans « Du balai », c’est dans les ménages les plus « égalitaires » à tous points de vue que la répartition serait la moins au désavantage de la femme -en tout cas dans les représentations. Lorsque la femme a le même niveau d’étude que l’homme ou un niveau supérieur , si elle est au même niveau de carrière (en moyenne les femmes ayant 3 ans de moins que les hommes à la mise en couple, cela continue d’être l’exception, même en dehors des inégalités salariales), elle serait moins encline à tout nettoyer, récurer. Mais c’est surtout lorsqu’elle contribue financièrement autant que l’homme au foyer, qu’elle ne se sent pas obligée de tout faire elle-même (info très importante que je reprendrai plus bas) : « D’ailleurs, toutes les enquêtes le rappellent : plus la contribution monétaire de la femme au revenu du ménage est élevée, plus la propension à externaliser une partie des tâches domestiques est grande ». 

Y a-t-il meilleure répartition des tâches pour autant ?

Eh bien non !  Car ce qui caractérise la question de la répartition des tâches ménagères au sein du couple, c’est qu’elle est ingrate. Ou plutôt, que plus elle est ingrate, plus il est difficile qu’elle soit également partagée entre les deux membres du couple hétérosexuel (selon les deux économistes, les rares études existant sur les couples homosexuels montreraient une meilleure répartition, en particulier chez les lesbiennes). Ainsi, il y a progrès, avec ces fameux « nouveaux pères » : ils jouent plus avec leurs enfants. Mais pour tout ce qui concerne les tâches qui font tache, le nettoyage, (et en particulier des toilettes) le linge,  alors c’est là que la résistance est la plus grande.

« même au sein des couples relativement égalitaires sur le plan professionnel -et ils sont de plus en plus nombreux-, la gestion des tâches domestiques demeure un sujet conflictuel. Ainsi, selon une enquête menée en 2009 dans 4 pays européens, un couple sur deux se disputerait au sujet du partage des tâches ménagères, en particulier les couples les plus jeunes (…) Parmi les tâches les plus courantes, les hommes reconnaissent qu’ils essaient d’éviter de faire plus de la moitié de ces tâches, voire qu’ils ne les font jamais.(..) En tête des tâches qu’ils esquivent, on trouve le repassage, le nettoyage des saniraires, l’entretien du linge, le changement des draps et le lavage des sols (Hontarrede, 2009).

Source de conflit donc, la répartition inégale devrait l’être encore beaucoup plus. Car si les petites filles ne naissent pas un balai à la main, si elles ne sont pas des serpillères (mais des guérillères), alors qu’est-ce qui justifierait qu’elles fassent plus que les garçons les taches les moins agréables sinon la perpétuation d’un état de fait où les femmes, propriétés des hommes sans âmes et sans droits, seraient là pour servir leurs besoins -de propreté, d’enfants, de sexe…

Mais comme le soulignent les économistes : « En conséquence, « le refus des hommes de prendre leur part des travaux ménagers constitue un véritable mur auquel de nombreuses femmes ne peuvent ou ne veulent pas s’attaquer ».

Rien ne devrait justifier ce mur sinon que les femmes ne sont pas prêtes à entrer en conflit pour que le partage soit égal. On pourrait s’étendre sur les raisons qui les empêchent de le faire : violence conjugale*, dépendance affective et sociale, attitude maternisante (« ils n’y arrivent pas de toutes façons il faut bien les aider, et ils ne savent pas faire »).

Pacification des ménages et renouvellement du patriarcat

Mais ce qui m’intéresse, c’est de montrer la conséquence de cet état de fait : la pacification du ménage devient le premier motif d’emploi d’une femme de ménage :

« Face à ce mur, les couples qui en ont les moyens sont parfois amenés à contourner le sujet de discorde en recourant à une tierce personne. C’est le recours à une femme de ménage afin d’éviter la scène de ménage (Molinier, 2009) ».

Qui externalise et quel résultat pour les femmes ? Et l’homme dans tout ça ?

« En quelque sorte, dans les classes aisées, a fortiori quand la femme travaille, on achète la parité, ou plutôt ce qui s’en approche : la double journée féminine masque le plus souvent deux femmes ou plus, pour qu’une seule, la « patronne » s’en sorte ».

Donc, une petite frange de la population féminine semble avoir réussi à se « sortir » de ces tâches tout en évitant le conflit en les déléguant…à une autre femme. Et pourtant, dans la réalité, sont-elles bénéficiaires ? Dans la réalité, ce sont elles qui paient, et ce sont toujours des femmes qui font le ménage !

En effet, pour l’homme, ce n’est pas une question d’argent. De la proposition citée plus haut : « les femmes n’envisagent une femme de ménage que lorsqu’elles contribuent autant financièrement », on peut déduire que : si elles contribuent moins, elles font le ménage, si elles contribuent plus, elles ne le font pas (ou moins) => ce sont elles qui paient  !

Mais le comble, c’est qu’en analysant les couples ayant recours à une tierce femme, on se rend compte qu’elles paient non pas principalement pour elles mêmes, mais pour l’homme !

En effet pour lui l’externalisation a un double avantage supplémentaire :

-la pacification : ce n’est pas l’employée qui va l’ennuyer pour les chaussettes sales qu’il laisse traîner…et s’il y a problème, c’est la femme qui gère la plupart du temps la relation employeure.

-Le maintien de l’ordre établi : un déchargement du double poids et de sa mauvaise conscience d’homme qui aime l’égalité ET de toute forme de devoir de tâche ménagère. Il reste le maître chez lui et n’a pas à culpabiliser…

En effet, selon Devetter et Rousseau, lorsqu’il y a femme de ménage, la femme du ménage gagne bien un peu de répit sur ses propres tâches. Mais l’homme, lui, n’a plus du tout à s’en soucier, et ne fait plus rien -ou presque ! Ce qui nous mène à ce paradoxe merveilleux : c’est justement dans les couples où l’on professe le plus l’égalité (et qui ont accès à l’externalisation) que les taches ménagères sont les plus mal réparties !

« Grossièrement, trois heures payées permettent d' »économiser 1h30 de travaux domestiques dans la semaine (Insee). Selon l’enquête Erfi de l’Ined, il apparaît que les couples employant une femme de ménage expriment des valeurs plus égalitaires, mais que la répartition des tâches domestiques non externalisées y est encore plus inégale qu’au sein des autres ménages ! La part des ménages où l’homme participe majoritairement ou équitablement au passage de l’aspirateur avoisine 40% lorsqu’il n’y a pas recours à une femme de ménage, mais seulement 18% dans le cas contraire ». (…)

« Le temps gagné pour une femme aisée grâce à « sa » femme de ménage est, au moins, partiellement, accaparé par la réduction de l’investissement du conjoint. Pour le dire autrement : l’existence d’une personne rémunérée réduit fortement la proportion de ménages partageant équitablement les tâches domestiques, et il semblerait même que l’économie en temps faite par l’homme soit proportionnellement plus importante que celle des femmes (Ruijter,2005) ».

Les femmes sont donc en fait très peu bénéficiaires en tant qu’individues. Et de façon sociétale, elles ne le sont pas du tout, puisque ce sont toujours des femmes qui sont cantonnées au ménage. Les hommes eux, sont amplement bénéficiaires à tous les niveaux…ce qui laisse rêveuse sur la façon dont le patriarcat excelle à se renouveler !

Les non-représentations d’hommes à balai (sauf ceux qui en font un sport -voir ci-dessus ou pour en faire des objets sexuels -voir ci-contre) risquent donc d’avoir la vie dure…

Sandrine Goldschmidt

*Simple hypothèse mais assez vraisemblable : les hommes se sont appropriés les femmes et leurs services, en les soumettant -il a bien fallu que la force intervienne. Ainsi, tout conflit qui viendrait remettre en cause cet ordre établi, menacerait la paix sociale et rappelerait à l’opprimée le risque qu’elle prend à contester son oppresseur : celui de disparaître.

Un féminisme sans vague-arrière (à l’âme)

IW8Parfois, la tournure que prend la représentation du féminisme dans la société et jusque dans les manifestations de rue nous donne un peu du vague à l’âme. Quand d’un coup, se revendiquent féministes les tenantEs d’une pensée qui selon nous reproduisent le système de domination patriarcale. Quand on veut nous faire croire qu’il y a un « nouveau féminisme » et qu’il s’agirait simplement de courants, et non de divergences profondes entre un féminisme d’une part, et un anti-féminisme de l’autre, qui est d’autant plus efficace qu’il prend les atours et les mots du premier (voir l’appropriation -judicieuse parce que la formule initiale est insuffisamment précise mais n’est qu’une formule et non une pensée- du « mon corps m’appartient » par le néolibéralisme patriarcal : puisque mon corps m’appartient je peux le vendre…d’où la nécessité de préciser « mon corps c’est moi » et je suis inaliénable..).

Les plus grandes penseuses féministes sont souvent restées peu connues. Cela fait partie du système oppresseur : si l’on ne diffuse pas la pensée qui conteste l’ordre établi, on l’empêche de se répandere. Forcément la transmission ne se fait pas, et vague après vague, les femmes doivent tout recommencer. C’est le cas de Maria Deraismes (1823-1894), oratrice, dramaturge et journaliste républicaine et anticléricale. Ses textes furent édités sous le titre « Eve dans l’humanité’. Elle avait fondé l’hebdomadaire « Le droit des femmes » et l’organisation féministe « L’association pour le droit des femmes ». Nicole Pellegrin, dans son anthologie « Ecrits féministes, de Christine de Pizan à Simone de Beauvoir », décrit son apport -très original pour l’époque, de la façon suivante :

« Son originalité s’exprime plus encore dans la défense des droits féminins au plaisir sexuel -un sujet tabou- et dans ses condamnations, explicites et réitérées, de la prostitution, dont elle fait moins une « plaie sociale » et un problème d’hygiène publique qu’un sous-produit du patriarcat »

En clair, on est il y a 150 ans dans les mêmes problématiques qu’aujourd’hui. D’un côté ceux qui prétendent qu’il faut réglementer la prostitution « pour des questions de santé et d’hygiène », de l’autre celles et ceux qui font le lien avec le patriarcat, la domination masculine qui ravage la santé des personnes prostituées et va à l’encontre de la dignité humaine.

Voici ce qu’elle écrit, qui remet les pendules à l’heure et le monde à l’endroit :

« L’Occident favorise la prostitution, en d’autres termes le commerce de la chair humaine elle viole en même temps la liberté et la dignité de l’être conscient. […]

La prostitution régie par l’Etat réduit à néant les principes de justice, de droit, de solidarité sur lesquels s’appuient les sociétés modernes. Le mépris de la loi, dans ce qu’elle a de plus auguste et de plus sacré, est quotidiennement autorisé.

En effet, dans l’esprit de la loi, toute peine, tout châtiment infligé a toujours comme but la moralisation présumée du condamnée, lors même que les moyens expiatoires employés sont défectueux. Or, le contraire arrive dans la prostitution patronnée par l’Etat, la délinquante est considérée comme incurable et loin de s’efforcer à la moraliser, on l’oblige à récidiver d’office. C’est ainsi qu’une jeune fille, une femme appréhendée sur la voie publique pour excitation à la débauche, est immédiatement inscrite comme devant continuer à se prostituer, suivant la volonté des passants. Dans ce cas, c’est l’Etat qui est récidiviste ».

NDLR : ici, elle dénonce le fait qu’il y a des zones réservées à la prostitution : l’activité n’est pas interdite, mais est délinquante celle qui « racole en dehors des clous ». On la remet sur le trottoir « dans les clous ». C’est donc comme aujourd’hui, avec le délit de racolage…elle ne soutient donc pas que les femmes qui se prostituent sont délinquantes, mais critique l’attitude de l’Etat à leur égard.

« La société croit se justifier en arguant qu’il n’existe ici ni jugement, ni condamnation, que c’est simplement un règlement de police, une mesure administrative, dont l’objet est d’assurer l’ordre public et la décence extérieure (NDLR : toujours vrai avec la loi Sarkozy / racolage passif…)« 

(…)

Qu’on avoue donc franchement que c’est une façon ingénieuse, mais absolument criminelle, de satisfaire la dépravation des hommes; et le comble de l’impunité, c’est que l’homme complice reste indemne. Evidemment, si les femmes étaient pour quelque chose dans l’élaboration des lois, cette iniquité scandaleuse n’eût jamais eu de réalité.

(…)

Deux solutions se présentent : ou les hommes peuvent régler leurs moeurs et s’en tenir au mariage; ou il faut déclarer les moeurs libres pour les deux sexes avec une égale responsabilité des deux parts : recherche de la paternité, etc.

Elle discute ensuite de ces pseudo « besoins sexuels des hommes » en disant que la nature n’y est pour rien et que l’homme social est bien capable de se contrôler. S’il ne le fait pas, donc…

« A quoi nous en prendre, si ce n’est au gaspillage des forces mal gérées en humanité ? Et qui est responsable de ce gaspillage si ce n’est l’éducation sotte et coupable donnée à la jeunesse masculine ? ».

Conclusion de tout cela, qui est un vrai ancêtre de manifeste abolitionniste ( 1- suppression du délit de racolage, 2-punition du vrai responsable, 3-éducation à une vraie liberté sexuelle pour tout le monde – il ne manque que les alternatives à la prostitution) :

« La prostitution est une tache, une ignominie séculaire qu’il faut au plus vite faire disparaître sous peine d’immobiliser le progrès »

(…)

Pour venir à bout de cette plaie sociale, il est nécessaire qu’une protestation publique se produise avec éclat; il n’y a plus à invoquer la question d’hygiène, la science médicale a fait justice de ces erreurs, elle a démontré par une série d’exemples probants que la réglementation était plus funeste que favorable à la santé publique ».

Conclusion :

« Considérant que la prostitution à laquelle l’Etat prête son appui est le plus grand outrage fait à la conscience humaine,

Considérant tous les maux sociaux qui en résultent;

Je demande que les femmes étrangères, dont les pays sont soumis à ces honteux règlements, s’unissent aux femmes françaises, pour réclamer l’abolition de la police des moeurs ».

Elle a prononcé ce discours dont je vous livre les meilleurs passages au Congrès du droit des femmes en juin 1889.

Aujourd’hui, 125 ans après, nous allons obtenir cette abolition en France. Elle avance aussi en Europe. Que de temps il aura fallu depuis Maria Deraismes ! Et que de résistance au backlash il nous faut avoir ! Car ce que n’avait peut-être pas prévu cette grande féministe, c’est la force de l’obscurantisme, qui vise à faire perdurer cet outrage à la conscience humaine. Et je voudrais que ceux qui, à Amnesty International, tentent aujourd’hui de faire passer l’idée que la prostitution ne serait pas une atteinte aux droits des femmes mais serait un « droit de l’homme », lisent et relisent ces mots écrits 100 ans après la révolution française.

Aujourd’hui encore donc, il faut lutter. Et des femmes remarquables le font à travers le monde, dont des survivantes de la prostitution avec un immense courage : Rebecca Mott, bien sûr qui nous rappelle l’évidence (« this is torture) concernant la prostitution, et Rachel Moran, qui en ce 8 mars, s’adressait aux Norvégiennes dans un discours à écouter.

Cliquez ici pour voir la vidéo (c’est en anglais)Elle s’adressait aussi à Amnesty. Et rappelait elle aussi quelques évidences, et posait quelques questions à l’organisation internationale :

– « Ce qui se passe dans les bordels n’a rien à voir avec de la sexualité et rien à voir avec du travail. C’est de l’oppression ».

– « Quand les droits des femmes ont-ils cessé d’être des droits humains » ?

J’ajouterais : quand les droits des femmes seront-ils enfin des droits humains ?

S.G

 

 

 

 

 

 

8 mars : photos de manif ensoleillée #stopaudeni

DSCF6205Une manif’ pour la journée internationale des droits des femmes sous un air printanier ça fait du bien. Alors nous n’étions pas des dizaines de milliers, mais tout de même, c’était une belle journée pour manifester, et nous étions plus nombreuses et nombreux que ceux de Belleville (« 8marspourtoutes », avec le STRASS).

Voici donc quelques photos, et deux liens qui viennent compléter mon article d’hier sur la campagne #stopaudeni de l’Association mémoire traumatique et victimologie :

-une pétition à Christiane Taubira ministre de la justice pour « FAIRE APPLIQUER LA LOI AFIN QUE LES VIOLS ET AGRESSIONS SEXUELLES SOIENT RECONNUS PAR LES TRIBUNAUX : ICI

-Un article qui met en avant le scandale du silence fait sur les violences et viols commis à l’encontre des enfants : ICI

-Des ressources pour mieux comprendre : ICI

#STOPaudéni ! dénonçons la culture du viol, aidons les victimes !

« Imaginons que vous croisiez une femme s’agrippant désespérément au bord d’un précipice. Sous elle, le vide — sans aide elle ne pourra pas remonter, elle finira par tomber et s’écraser au sol.
Que faites-vous ?
Vous l’aidez bien sûr, vous lui tendez la main pour la secourir. A aucun moment il ne vous viendrait à l’idée de passer votre chemin en la laissant se débrouiller, ou pire de lui écraser les mains d’un coup de talon pour lui faire lâcher prise.
Pourtant c’est exactement ce qui se produit pour une immense majorité de victimes de viol et d’agressions sexuelles.
Car ignorer la parole de la victime, la mettre en cause, lui demander si « elle ne l’a pas un peu cherché », si « elle est sûre que c’était un viol » ou « pourquoi elle ne s’est pas débattue », ne pas lui tendre la main pour l’écouter, l’aider, la soutenir et reconnaître la gravité de ce qu’elle a subi, c’est se conduire exactement comme si l’on refusait de tendre la main à quelqu’un qui risque de tomber dans le vide. »

A l’occasion du 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, l’association Mémoire traumatique et victimologie présidée par Muriel Salmona lance une campagne « Stop au déni«  destinée à remettre le monde à l’endroit : les coupables à leur place, celle d’agresseurs et criminels, et les victimes à la leur, celles de victimes pour lesquelles la solidarité nationale et humaine doit s’exercer.

L’association lance donc une campagne de communication avec un dossier de presse explicatif très bien fait et très complet que vous pouvez télécharger ici : StopAuDéni_DossierDePresse

A partir de ce soir 22h, vous pourrez voir sur la page Facebook de l’événement un clip vidéo de la campagne à diffuser largement : https://www.facebook.com/events/443980902400341/?ref=ts&fref=ts

Et une campagne Twitter #stopaudeni où vous pouvez vous exprimer pour remettre le monde à l’endroit !

Aujourd’hui, ce crime qu’on ne dénonce trop souvent que lorsqu’il est une arme destinée à atteindre les hommes pendant les guerres, est une guerre quotidienne faite aux femmes et aux enfants. Le déni qui l’entoure et l’absence de reconnaissance et de soutien aux victimes qui est encore la règle sont à la mesure de la gravité des actes, et aussi la condition de leur reproduction. En ne soignant pas les victimes, on prépare une société d’hommes violents/violeurs et de femmes victimes, condamnées à revivre, dans leur mémoire ou parfois dans la réalité, les traumatismes subis. (Pour comprendre les mécanismes qui provoquent cela, lire « Le livre noir des violences sexuelles » de Muriel Salmona et ici et )
C’est donc massivement qu’il faut retourner la culpabilité et la responsabilité collectives. Les victimes ne sont pas les coupables, ce n’est pas à elles de changer la société. C’est aux coupables d’arrêter, et à la société de l’exiger d’eux. C’est à la société d’aider les victimes, pour qu’elles puissent mener une vie digne qui sorte de la survie. Ainsi, on peut mener toutes les politiques d’égalité professionnelle qu’on veut, de lutte contre les stéréotypes, tant que la famille sera le premier lieu où s’exerce la violence contre les personnes, contre les femmes massivement, contre les enfants peut être encore plus massivement, il ne faut pas espérer qu’un jour les filles puissent s’épanouir à leurs justes capacités. Mettre fin au déni, c’est donc le préalable à toute volonté d’établir une société juste, de liberté, égalité et de « Care », de solidarité envers les personnes vulnérables. Ainsi l’article premier de la déclaration universelle des droits humains dit : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ». Il est temps de moderniser ce dernier mot et de dire que TOUS les êtres humains, doivent agir, toujours, envers les autres humains, (et aussi la plupart du temps envers les êtres vivants en général), dans un esprit de respect de leur liberté, égalité, dignité, et d’empathie réciproque, que cette dernière ne soit plus réservée à une moitié de l’humanité. Pas de justice, pas de paix ! #Stopaudéni Sandrine GOLDSCHMIDT

Prenons la Une !

C’est une très bonne nouvelle. Une réaction saine et oh combien justifiée des les femmes journalistes, dont on avait senti les prémisses au moment de la grève des signatures des femmes journalistes des Echos. Un collectif de femmes journalistes a lancé un manifeste pour dénoncer l’inégalité criante entre femmes et hommes journalistes. Le manifeste a été publié ce matin par Libération.
Le voici intégralement.
Envoyez vos signatures et témoignages à : prenonslaune@gmail.com

Rendez visite au Tumblr avec ses témoignages : http://prenons-la-une.tumblr.com/

Et à la page Facebook : https://www.facebook.com/pages/Prenons-la-une/655545421172592?notif_t=fbpage_fan_invite

Et pour en savoir plus sur le sujet, toujours l’excellent magazine « Les nouvelles news », l’autre genre d’info, dont la fondatrice, Isabelle Germain, fut d’ailleurs la présidente de l’Association des femmes journalistes, et donc logiquement pionnière en la matière ! http://www.lesnouvellesnews.fr/index.php/entreprendre-articles-section/entreprendre/3467-pourquoi-les-femmes-journalistes-prennent-la-une

prenons1Nous, femmes journalistes, dénonçons la trop grande invisibilité des femmes dans les médias. Dans les émissions de débat et les colonnes des journaux, les femmes ne représentent que 18 % des experts invités. Les autres femmes interviewées sont trop souvent présentées comme de simples témoins ou victimes, sans leur nom de famille ni leur profession.

Nous, femmes journalistes, ne supportons plus les clichés sexistes qui s’étalent sur les Unes. Pourquoi réduire encore si souvent les femmes à des objets sexuels, des ménagères ou des hystériques ? Par ces déséquilibres, les médias participent à la diffusion de stéréotypes sexistes. Or ils devraient à l’inverse représenter la société dans toutes ses composantes.

Ces stéréotypes sont à la fois la cause et le résultat des inégalités professionnelles, des propos et attitudes sexistes au sein des rédactions, mais aussi du manque de sensibilisation des journalistes à ces sujets.

Nous, femmes journalistes, refusons que persistent ces inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes au sein des rédactions*. Non seulement nous sommes plus touchées par la précarité, mais nous nous cognons aussi au « plafond de verre » : plus on monte dans la hiérarchie des rédactions, moins on trouve de femmes. Plus de 7 directeurs de rédaction sur 10 sont des hommes. Quant aux salaires, ceux des femmes journalistes restent inférieurs de 12 % en moyenne à ceux de leurs confrères. Ces inégalités se reflètent mécaniquement dans les contenus de l’information. Comment accorder de la crédibilité à la parole d’expertes quand on peine à reconnaître les capacités des femmes journalistes à diriger des rédactions ? C’est le cercle vicieux qui touche toutes les femmes et encore plus -c’est la double peine- les femmes issues de la diversité.

Pour lutter contre ces inégalités et créer les conditions d’une société plus juste pour tous, le collectif « Prenons la Une » s’engage à :

– pointer au quotidien les propos et stéréotypes sexistes dans les médias.

– dénoncer les inégalités tant qu’elles seront encore présentes.

Nous appelons nos consœurs et confrères à :

– veiller dans leur travail quotidien à une juste représentation de la société.

– constituer et diffuser dans leur rédaction une base de données d’expertes pour diversifier les sources et les rendre paritaires, comme la BBC le fait déjà.

– imposer aux dirigeant-e-s d’appliquer la législation sur l’égalité professionnelle en commençant par un diagnostic de la situation de l’entreprise.

Nous réclamons :

– l’intégration de la parité dans les critères de déontologie du futur Conseil de presse.

– la présence de 50 % d’expertes à l’antenne et sur les plateaux de télévision, en application concrète de « la juste représentation des femmes dans les médias », prévue par la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes ; dont le CSA doit préciser les contours.

– le conditionnement de l’attribution « des aides à la presse » au respect des lois sur l’égalité professionnelle.

– la création de modules de formation, dispensés auprès de tous les étudiants en école de journalisme, sur la lutte contre les stéréotypes et l’égalité professionnelle. Et l’insertion de modules sur ces thèmes dans les offres de formation continue.

Nous appelons tous les journalistes, femmes et hommes, à rejoindre ce combat pour l’égalité !

APPEL A MANIFESTER LUNDI 3 MARS A 11H – JUSTICE POUR DES MINEURES VICTIMES DE VIOLS

Lundi 3 mars à 11 heures
Devant le Ministère de la Justice
Place Vendôme

15 octobre place Vendôme
15 octobre 2012 place Vendôme

(angle rue de la Paix et rue Daniel Casanova)
75001 Paris

Je relaie ici l’appel à manifester relayé par l’AVFT. Il faudrait avoir le temps de recenser le nombre de cas où le ministère public requiert de lourdes peines de prison (8 et 12 ans) et où le résultat est acquittement. Et recenser les « causes » les plus probables. Est-ce Parce qu’on en est encore là ? Parce qu’il est nécessaire de faire comprendre « que le fait d’avoir quinze ans, de fumer du cannabis et d’embrasser un jeune homme ne légitime pas le viol » ? Parce qu’il nous faut encore expliquer que Rien, jamais, ne justifie le viol ? Il serait temps que certaines d’entre nous nous penchions sérieusement, et de façon réaliste, sur les moyens de faire reconnaître la seule chose qui pourra faire avancer la justice pour les femmes victimes de viols : le présumé-non-consentement, qui devrait définitivement invalider toutes les excuses perpétuellement invoquées pour les criminels. Qui est partante ?

En attendant, je vous laisse lire l’appel à manifester qui vous expliquera les tenants et aboutissants de l’affaire :

Jeudi 20 février, nous nous rendions au TGI de Bobigny pour une audience. Après avoir passé les contrôles de sécurité, nous rencontrions fortuitement Me Avi Bitton (qui avait notamment été l’avocat de Mme A, soutenue par l’AVFT), téléphone portable à la main en mode appareil photo.

Pendant une suspension de l’audience de la Cour d’assises, une de ses deux clientes, victimes de viols, avait été menacée par des proches d’un accusé. Il tentait de les photographier.

Quelques jours plus tard, il nous informait de l’acquittement des accusés, auquel il ne se résolvait pas.

Or, tandis qu’un accusé peut faire appel de sa condamnation, une victime ne peut pas faire appel d’un acquittement, cet appel étant de la prérogative exclusive du ministère public.

Avi Bitton appelle à manifester au nom de Nadia et Myriam pour que le parquet fasse appel, lundi 3 mars à 11h. Nous relayons cet appel, et y serons.

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La Cour d’assises de Seine-Saint-Denis vient d’acquitter deux accusés de viols sur mineures de 15 ans.

Les parties civiles, que nous appellerons Nadia et Myriam, ne peuvent pas faire appel.

Seul le Procureur général peut faire appel, avant le lundi 3 mars au soir.

Pourquoi faut-il un procès en appel ?

Parce qu’il est très étrange que trois filles, de 15 ans, qui ne se connaissaient pas, accusent toutes de viol le même individu, majeur, qu’elles ne connaissaient pas avant les faits.

Parce que le fait d’avoir quinze ans, de fumer du cannabis et d’embrasser un jeune homme ne légitime pas le viol.

Parce que le Procureur avait requis des peines de 8 ans et 12 ans de prison à l’issue du premier procès et qu’il est donc cohérent qu’il fasse appel du verdict d’acquittement.

Nous appelons nos concitoyennes et concitoyens à manifester aux cotés des victimes et de leurs familles pour demander au Procureur général de faire appel :

Lundi 3 mars à 11 heures
Devant le Ministère de la Justice
Place Vendôme
(angle rue de la Paix et rue Daniel Casanova)
75001 Paris

Avi Bitton, Avocat, au nom de Myriam, Nadia et leurs familles